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La qualification d'investissement au regard de la jurisprudence arbitrale internationale: entre conceptions subjectives et objectives.

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par Elie-Joël ILONGA MONDELE
Université de Kinshasa (UNIKIN) - Licence en droit économique et social 2015
  

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CHAPITRE I. LA NOTION D'INVESTISSEMENT AU REGARD DE LA JURISPRUDENCE ARBITRALE INTERNATIONALE

Définir l'investissement est tout d'abord question d'approches : économique, fiscale, comptable, financière, juridique etc. Dans le dernier cas, elle est marquée d'une inflation de définitions, causée par la multiplicité de sources qui le régit. Celles-ci sont nationales (les codes d'investissements et autres lois particulières de protection d'investissement) et internationales (les accords internationaux d'investissement).

En droit international, ce désordre normatif est dû d'une part, à l'existence de définitions au contenu différent, fondées sur les actifs, l'entreprise, l'exercice d'une activité commerciale, les apports... et d'autre part, par l'absence d'un traité multilatéral contraignant comportant une définition générale de l'investissement.

Par ailleurs, certaines conventions multilatérales comme celle de Washington du 18 Mars 1965 sur le règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d'autres Etat, ne définissent pas le concept « investissement ». A cet égard, le rapport des administrateurs de la Banque mondiale qui, sont les rédacteurs de ce texte estimèrent qu' :

« Il n'a pas été jugé nécessaire de définir le terme investissement, compte tenu du fait que le consentement des parties constitue une condition,

essentielle et compte tenu du mécanisme par lequel les Etas contractants

peuvent s'ils désirent, indiquer à l'avance les catégories de différends qu'ils ne seraient pas prêts à soumettre au centre »47.

Cette raison se justifiait du fait que « le caractère évolutif de cette notion ne rendait pas pertinente l'adoption d'une définition figée »48.

Pourtant, l'article 30 de l'avant-projet de la convention instituant le CIRDI donnait bel et bien une définition de l'investissement. Il a été retenu ce qui suit: « Investment means any contribution of money or other assets of economic value for an indefinite period or, if the period be defined, for not less then five years ».49

47 Rapport des administrateurs de la Banque mondiale sur la convention du CIRDI, §.27.

48 CLAVEL S. et DERAINS Y., op.cit, p.5. 49Ibidem.

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Ce manque de clarté pour les unes, et le mutisme pour les autres, poussent certains auteurs à traiter la notion d'investissement d'introuvable50, de sans état d'âme51, et qui n'a pas réussi à ce jour, à se dégager de sa nébulosité originelle52.

Face à cette absence de cohérence et d'homogénéité, la jurisprudence arbitrale internationale a essayé de déterminer les contours et les limites de la notion d'investissement mais tout en étant contradictoire. Les tribunaux arbitraux sont de ce fait tiraillés entre plusieurs conceptions.

Section.1. Multiplicité de conceptions

Qualifier un investissement au sens de la jurisprudence arbitrale internationale est une affaire de conceptions : l'une subjective, l'autre objective, à côté desquelles se trouve une conception mixte résultant de la combinaison de deux.

Une telle voie empêche de bien définir un investissement et est loin de faire une adhésion consensuelle.

En somme, cette section sera subdivisée en trois paragraphes :

- La conception subjective (§1);

- La conception objective (§2) ;

- La conception hybride ou mixte (§3).

§.1. La conception subjective de l'investissement

La conception subjective consiste à définir un investissement au sens du TBI conclu entre l'Etat récepteur et l'Etat de nationalité de l'investisseur ou dans un autre accord international d'investissement conclu par le premier.

Cette approche est appliquée par certains tribunaux CIRDI (§1.) et majoritairement par les tribunaux statuant hors du cadre du CIRDI (§.2.). Tel sera le cheminement de ce paragraphe.

50JUILLARD P., « investissement », chronique du Droit international économique, s.l , p.773. Sur la même question, il convient de lire BEN HAMIDA W., « les contrats BOT à l'heure du Droit international des investissements »,Martinus Nijhoff, s.l, 2007, n°31, p.290.

51 BENSCHENEB A., «L'évolution de la notion d'investissement », in souveraineté et marchés internationaux à la fin du XXème siècle, mélanges en l'honneur de KAHN P., 2000, p.196.

52 LAVIEC J-P., op.cit, p.13.

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A. Pour les tribunaux CIRDI

A la lumière du CIRDI, la conception subjective consiste à déduire l'existence d'un investissement du seul fait de l'accord des parties.53Une thèse favorisée par le rapport des administrateurs de la Banque mondiale précédemment évoqué.

Par conséquent, la définition du terme « investissement » contenu dans le traité est déterminante pour qualifier une opération ou une activité de l'investisseur étranger54. Donc, si les deux parties au conflit se sont entendues pour traiter une transaction comme un investissement, leur conflit est relatif à un investissement et satisfait d'office à la compétence du CIRDI.

Par ce fait, certains auteurs pensent que l'approche subjective débouche à la « fusion de la condition d'investissement avec celle relative au consentement ».55

Tel est le cas aussi de BROCHES qui argumente :« the requirement that the dispute must have arisen out of an investment may be marged into the requirement of consent to jurisdiction ».56

Cette théorie n'a pas laissé insensible les tribunaux CIRDI, étant donné que certains d'entre-eux ont agi dans ce sens. Ainsi, dans l'affaire Fedax NV c/ Venezuela, les arbitres se sont fondés sur le TBI conclu entre le Pays-Bas et le Venezuela, et ont conclu :

« (...) as contemplated by convention, the definition of « investment » is controlled by the consent of the contracting parties, and the particular definition set forth in article 1 (a) of the agreement is the one that governs the jurisdiction of ICSID ».57

Le même raisonnement a été suivi par la sentence Middle East Cement Shipping and Handling co. S.A c/ Egypte, ou' les arbitres se sont fondés sur le TBI Grèce - Egypte pour définir un investissement. Ils ont déclaré:

« The BIT, in its article 1, « definitions », expressely mentions that investment means every kind of asset and in particular, though not exclusively,

53 BEN HAMIDA W., op.cit, p.2.

54 NZOHABONAYO, A., Intérêt général des pays en voie de développement à la lumière de leur engagement dans les traités bilatéraux d'investissement , Thèse de doctorat, Université d'Ottawa, 2014, p.187.

55 BEN HAMIDA W., loc.cit.

56 BROCHES, « The convention », cité par NZOHABONAYO, loc.cit. 57Fedax NV c/ Venezuela, op.cit.

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includes: ... d) business concessions conferred by law under contract, (...) in the light of the above, there can be no doubt that « the license » qualifies as an « investment » under the BIT ».58

C'est aussi le cas de la sentence Bernadus Henricus Funnekotter and others c/ Zimbabwe qui, a tenu compte de la définition de l'investissement contenue dans le TBI Zimbabwe - Pays-Bas :

« The subject matter of the dispute before this tribunal clearly arises directly out of an investment by the claimants in the territory of the respondent. As a clamants note, the BIT uses a very broad definition of investment to include property of all kinds, rights derived from shares in firms, and title to assets, among other thing. The physical properties, shares in companies, and other assets at issue in the dispute plairly are within that definition ».59

De ce même ordre d'idées, il y a la sentence rendue sur l'affaire Goetz et consorts

c/ Burundi. Dans ce litige, le gouvernement Burundais avait, par l'ordonnance n° 750/184 du 24 Mai 1995, retiré à Goetz le statut d'entreprise de zone franche ainsi que les avantages fiscaux qui y étaient attachés. L'entreprise contesta ce retrait devant le CIRDI.

Dans l'examen de cette réclamation, le tribunal s'est uniquement appuyé sur le TBI

Belgique - Burundi. Il a alors admis que les opérations de l'investisseur étranger

constituaient un investissement, en déclarant ce qui suit :

« Le différend satisfait également à l'exigence d'un rapport direct avec un investissement : il suffit en effet de se référer à l'article 8 §1er de la convention Belgo - Burundaise pour constater que le différend soumis au tribunal est de ceux que cette disposition définit comme des différends relatifs à un investissement, à savoir les différends concernant l'interprétation ou l'application de toute autorisation d'investissement accordé par les autorités de l'Etat-hôte régissant l'investissement étranger, ainsi que l'allégation de la violation de tout droit conféré ou établi par la présente convention en matière d'investissement ».60

58 Middle East Cement Shipping and Handling co. S.A c/ Egypte, affaire CIRDI n°ARB/99/6 du 12 Avril 2002. 59Bernadus HenricusFunnekotter and others c/ Zimbabwe, affaire CIRDI n° ARB/05/6, sentence du 22 Avril 2009.

60Goetz et consorts c/ Burundi, op.cit, p.189.

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Pour consolider cette théorie subjective de la notion d'investissement, la sentence Saba Fakes c/ Turquie argua :

« To the extent that contracting States to investment treaties have consented to the ICSID convention did not define the term « investment », such consent necessarly embraces their consent to the definition of protected investments as provided in those treaties. Under this latter approach, the definition of an investment by contracting States in their respective BITs is therefore the only relevant definition to be considered by an ICSID tribunal ».61

Un argument similaire a été également développé dans les affaires Projejkholding Gmbh c/ Ukraine62, MCI Power Group L.C et New turbine Inc. C/ Equateur63.

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