B / - Compétence limitée
L'architecture institutionnelle de la régulation
concurrentielle au Maroc est en phase de bouleversement radical dans sa
structure ainsi que dans ses prérogatives néanmoins cette pleine
compétence présente quelques restreintes à savoir :
Ø Pratique de dimension locale affectant le
marche
Les autorités gouvernementales compétentes, se
voient attribuer des pouvoirs d'injonction et de transaction pour les pratiques
entravant la concurrence sur un marché de dimension locale et
n'affectant pas le marche nationale et cela conformément a l'article
43 de la loi 104-12. Cette compétence
des autorités gouvernementaux sera nécessairement
résiduelle : elle ne pourra s'exercer que si l'Autorité de la
concurrence n'a pas, au préalable, été saisie des
pratiques concernées par une entreprise ou par un organisme
habilité à le faire (notamment organisations professionnelles,
organisations de consommateurs agréées et chambres de commerce),
ou ne s'est pas saisie d'office sur proposition du rapporteur
général.
Dans ce nouveau cadre, Les autorités gouvernementales
seront compétent pour enjoindre aux entreprises de mettre un terme aux
pratiques visées aux articles 6, 7 ,8 et 9 ;(ententes illicites, abus de
position dominante et prix abusivement bas) dont elles sont les auteurs lorsque
seront réunies les deux séries de conditions suivantes :
- les pratiques affecteront un marché de dimension
locale
- le chiffre d'affaires réalisé par chacune des
entreprises au Maroc lors du dernier exercice clos ne dépassera pas 50
millions de dirhams et leurs chiffres d'affaires cumulés ne
dépasseront pas 10 millions dirhams et 50
millions de dirhams. (Projet décret n 2-14-652 pris pour
l'application de loi 104-12).
Ces seuils de chiffres d'affaires assez élevés
confèrent à l'autorité gouvernementale un champ
d'intervention potentiellement étendu.
L'autorité gouvernementale pourra également, si
les mêmes conditions sont remplies, proposer aux entreprises
concernées de transiger. Le montant de la transaction ne pourra pas
excéder 500 000 dirhams ou 5 % du dernier chiffre d'affaires connu au
Maroc si cette valeur est plus faible, Les modalités de la transaction
doivent être fixées par voie réglementaire Notons aussi que
L'autorité gouvernementale devra informer l'Autorité de la
concurrence des transactions conclues (article 43, al 4 loi 104-12).
Ø Droit d'évocation
A titre exceptionnel, l'autorité gouvernementale peut
cependant, une fois la décision du conseil de la concurrence rendu,
évoquer une opération présentant un caractère
stratégique pour le pays, au nom de considérations
d'intérêt général autres que la concurrence
,conformément à l'article 18 de la loi 104-12
qui stipule que « ... l'administration peut
évoquer l'affaire et statuer sur l'opération en cause
pour des motifs d'intérêt général
autres que le maintien de la concurrence et, le cas
échéant, compensant l'atteinte portée
à cette dernière par l'opération . Les motifs
d'intérêt général, autres que le
maintien de la concurrence, pouvant conduire l'administration à
évoquer l'affaire sont, notamment, le
développement industriel, la compétitivité des entreprises
en cause au regard de la concurrence internationale ou la
création ou le maintien de l'emploi..
»
Le texte vise des motifs d'intérêt
général autres que le maintien de la concurrence (qui
relève de l'Autorité à travers le bilan concurrentiel),
notamment le développement industriel, la compétitivité
des entreprises en cause au regard de la concurrence internationale ou la
création ou le maintien de l'emploi. Ces dispositions ne manqueront pas
de soulever des difficultés à raison de leur interférence
avec l'appréciation du bilan concurrentiel confié au conseil de
la concurrence. Certains se demandent si l'intervention éventuelle de
l'autorité gouvernementale ne risque pas de remettre en cause le bilan
concurrentiel du conseil et de faire de celui-ci une instance d'« appel
» du conseil
Dans le même sens, S'elle décide d'évoquer
une décision du conseil de la concurrence, l'autorité
gouvernemental devra prendre une décision motivée statuant sur
l'opération ; cette décision pourra éventuellement
être conditionnée à la mise en oeuvre effective
d'engagements (. Art 18. -al 3. Loi 104 -12). La motivation de sa
décision ne devrait pas consister en la simple reprise des motifs
d'intérêt général avancés pour justifier
l'exercice du pouvoir d'évocation.
La loi prévoit également que l'autorité
gouvernemental doit statuer dans un délai de 30 jours ouvrés
à compter de la réception de la décision de
l'autorité de la concurrence ;mais dans le même temps elle
n'impose aucun délai au conseil de la concurrence pour transmettre cette
décision l'autorité gouvernemental .
Espérons, que cette lacune dans
l'encadrement des délais de procédures - qui existe
également à l'issue cette phase n'entraînera pas, en
pratique, un allongement significatif de ces derniers, ni une trop grande
insécurité juridique sur le terme exact du délai d'examen,
qui seraient contraires aux impératifs de la vie des affaires et partant
préjudiciables aux intérêts des parties à la
concentration.
En revanche, une fois adoptée, la décision de
l'autorité devra être transmise sans délai au conseil de la
concurrence (. art. 18 -al ,loi 104 -12).
Ø L'application de la compétence du
Conseil de la concurrence dans les secteurs soumis à une
régulation sectorielle :
Au delà de certaines insuffisances qu'on peut relever
dans le texte (non consécration du pouvoir discrétionnaire,
maintien de la qualité d'utilité public pour les associations des
consommateurs...), nous allons focaliser notre critique sur un points qui nous
semblent cardinales et risquent de paralyser tout le système celle de
l'application de la compétence du Conseil de la concurrence dans les
secteurs soumis à une régulation sectorielle.
Selon l'article 109 de la loi n° 104.12
précité : «hormis les cas où les rapports
entre les instances de régulation sectorielle et le conseil de la
concurrence sont réglés par les textes institutifs desdites
instances, la compétence du conseil de la concurrence, telle que
prévue par la présente loi, sera appliquée à
l'égard des secteurs relevant des autres instances de régulation
à une date qui sera fixée par voie réglementaire.
». Cet article est -à notre sens- doublement
dangereux :
Primo, il maintient le statu que des relations
déjà établies entre le Conseil de la concurrence et
certaines autorités de régulation sectorielles (ANRT, HACA, CDVM,
Bank Al Maghreb...), sachant au préalable que les textes en vigueur qui
encadrent ces relations consacrent dans leur généralité-
un déséquilibre flagrant des forces qui penche en faveur des
autorités sectorielles.
L'exemple du secteur des télécommunications est
plus qu'éloquent à cet égard. En effet, si on se
réfère à l'article 8bis de la loi 24-96
telle que modifiée, on constate que cet article prévoit
que « .....L'ANRT informe le Conseil de la Concurrence des
décisions prises en vertu du présent
article.». L'Agence n'est donc obligée juridiquement que
d'informer « ex post » le Conseil de la concurrence
des décisions qu'elle a pris en matière de concurrence Selon le
texte de l'article 109, cette situation risque donc de perdurer et le Conseil
de la concurrence ne peut appliquer ses nouvelles compétences à
un secteur aussi vital et controversé puisque les textes en vigueur
encadrent (soit disant) déjà cette relation !!!!
Secundo, cet article soumet au préalable l'application
de la compétence du Conseil dans les secteurs objets d'une
régulation sectorielle à la publication d'un texte d'application
spécifique à chaque secteur. A notre sens ce renvoie est en soit
inconstitutionnel puisqu'il suspend l'application d'une compétence
consacrée constitutionnellement à la publication d'un texte de
valeur réglementaire. En effet, l'article 166 de la constitution a
consacré une compétence transversale et générale du
Conseil de la Concurrence en matière de régulation
concurrentielle sans restriction, ni exclusion sectorielle aucune.
Cet article constitue -à notre sens- un coup dur et
fatal pour la compétence du Conseil de la concurrence et à
travers lui à l'étendue et l'efficacité de la
régulation concurrentielle au Maroc. En effet, cette disposition est
susceptible d'évincer des secteurs d'activité économiques
stratégiques pour le pays et sensibles pour les consommateurs du
contrôle du futur conseil de la concurrence au seul motif qu'elles sont
soumises à une régulation sectorielle
(télécommunications, assurances, Ports...), sachant que le
rôle des régulations sectorielles et des politiques de concurrence
ne sont pas substituables, mais complémentaires Suspendre l'application
de la loi 104.12 à la publication de tous les textes pris pour son
application.
Selon l'article 111 de loi n°104-12 précité
« ... La présente loi prend effet à compter de
l'entrée en vigueur des textes réglementaires nécessaires
à sa pleine application.... ».
Ce dispositif peut -à première vue-
paraître anodin. En effet, il est tout à fait logique de
conditionner l'application de certaines dispositions générales
contenues dans un projet de texte législatif, à
l'élaboration et de l'entrée en vigueur d'un texte d'application
qui en détaillera les modalités techniques de mise en oeuvre.
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