Analyse des résultats
Afin d'analyser mes résultats, j'ai choisi de ressortir
trois grands thèmes à partir de mes questions d'entretiens. Ces
trois thèmes sont :
- Le soignant face au stress,
- Le stress dans la pratique des soins infirmiers, - Le stress et
la souffrance au travail.
Pour chacun des thèmes, j'ai réalisé des
tableaux reprenant les propos des soignants pour en faciliter l'analyse.
A la suite des analyses des différents thèmes se
trouvera une synthèse de l'ensemble de ces éléments. Lors
de cette synthèse je pourrai répondre à ma question de
recherche et voir si mon hypothèse est validée ou non.
Enfin, j'approfondirai mon questionnement lors d'une discussion
présente à la suite de la synthèse de mes entretiens.
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I. Le soignant face au stress
1. Les sources de stress
Pour faciliter l'analyse des facteurs de stress j'ai choisi de
les répartir selon les six indicateurs des risques psychosociaux
évoqués dans ma partie « Cadre conceptuel ».
Indicateurs
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Facteurs de risque
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Propos des infirmiers
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Exigences du travail
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Quantité
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« Quand je sais que j'ai une charge de travail qui est trop
importante, enfin, que j'estime moi trop importante pour moi sur un poste il
m'arrive d'être stressé. »
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Complexité
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« Si je suis avec quelqu'un [...] qui me donne beaucoup
d'ordres en même temps, là ça me met en stress. »
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Pression temporelle
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« Si je suis avec quelqu'un qui me presse et qui attend de
moi de la rapidité et [...], là ça me met en stress.
»
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Exigences émotionnelles
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Devoir cacher ses émotions
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« Il faut justement montrer au patient qu'on n'est pas
stressé. En fait, avec le patient, il faut lui montrer qu'il est en
sécurité. »
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Peur au travail
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« Il m'arrive d'être stressé parce que peur
d'oublier quelque chose, de passer à côté de quelque chose.
»
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Contact avec la souffrance
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« Quand il y a un enjeu particulier pour la vie du patient
on est forcément stressé »
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Manque d'autonomie et marge de manoeuvre
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Autonomie procédurale
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Pas de propos de soignants.
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Manque de soutien social et de reconnaissance
au travail
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Conflits
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« Quand tu travailles en binôme avec une
infirmière et quand tu sens que tu as une mauvaise relation avec ta
collègue. »
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Reconnaissance
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« Au niveau de tes cadres [...] elle ne valorise pas
vraiment ton travail et, au contraire, remarque que les points négatifs
et te valorise pas spécialement. »
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Management
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Pas de propos de soignants.
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Conflits de valeurs
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Conflits éthiques
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« [...] je rentre chez moi en me disant que je n'ai pas
forcément soigné les gens comme ce que j'imagine soigner les
gens, comme ce que mon idéal me dit. »
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Qualité empêchée
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« On essaie de parler vite avec le résident mais
malheureusement on est obligé d'écourter la relation »
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Insécurité de l'emploi et du
travail
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Sécurité de l'emploi
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« Après le fait aussi d'avoir du mal à trouver
du boulot ... »
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Soutenabilité du travail
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Pas de propos de soignants.
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Voici les résultats à propos des sources de stress
:
- Cinq infirmiers sur cinq évoquent la surcharge de
travail.
- Cinq infirmiers sur cinq parlent des exigences
émotionnelles du métier d'infirmier.
- Cinq infirmiers sur cinq parlent de la «
qualité empêchée ».
- Quatre infirmiers sur cinq évoquent le manque de
reconnaissance de la part des supérieurs hiérarchiques.
- Quatre infirmiers sur cinq parlent de
l'insécurité de la situation de travail. - Trois infirmiers sur
cinq parlent des relations difficiles avec les médecins.
- Un infirmier sur cinq exprime une relation conflictuelle
avec sa collègue de travail.
Lorsque je confronte les résultats concernant les
sources de stress, je constate que premièrement la surcharge de travail
se retrouve dans chacun des lieux de travail. Ce premier résultat est en
corrélation avec les recherches menées
précédemment. Celles-ci indiquaient que la surcharge de travail
constituait l'un des premiers facteurs stressants en milieu de travail.
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Concernant la quantité de travail, un infirmier utilise
l'expression « ne pas se sentir capable ». Cette expression
correspond parfaitement à la définition même du stress
psychologique au travail énoncée ci-dessus qui je le rappelle est
« une réponse de l'individu devant les exigences d'une
situation pour laquelle il doute de disposer des ressources nécessaires
afin d'y faire face. »
D'après les propos des infirmiers, la surcharge de
travail semble engendrer le phénomène de « qualité
empêchée ». En effet, celle-ci peut amener le soignant
à effectuer ses tâches plus rapidement alors qu'il aimerait
prendre davantage son temps.
Deuxièmement, les infirmiers ont tous aborder les
exigences émotionnelles de leur métier, à commencer par
l'agressivité des patients. En cas de mal-être chez le patient,
celui peut s'exprimer par de l'agressivité renvoyée sur le
soignant, il se doit alors de garder son calme et contrôler ses
émotions. Le devoir de cacher ses émotions fait partie des
principaux risques psychosociaux du métier. En contact permanent avec le
patient, le soignant ne peut libérer les émotions que peuvent
parfois provoquer la souffrance du patient ou son agressivité, pourtant
il les ressent et il n'est pas toujours évident de les contenir.
Ensuite, le manque de reconnaissance est un thème
abordé par quatre infirmiers sur cinq. Alors que pour certains il s'agit
du manque de reconnaissance de la part des supérieurs
hiérarchiques, pour l'IDE 5, il s`agit du manque de reconnaissance de la
part des patients. Par manque de reconnaissance, les infirmiers parlent du
manque de valorisation de leur travail ou du peu d'écoute de la part des
supérieurs hiérarchiques.
Le manque de reconnaissance est un thème qui est
à de nombreuses reprises évoqué dans mon travail à
commencer dans ma seconde situation de départ. L'infirmière
ressentait en effet un manque de valorisation de son travail tel qu'il l'est
évoqué dans mes différents entretiens.
Pour quatre infirmiers sur cinq, on retrouve également
comme facteurs stressants, la situation instable de certains patients. Ce
facteur semble générer une tension chez les infirmiers, une
certaine crainte de ce que peut leur réserver leur poste de travail. Ce
facteur est associé aux situations d'urgences qui peuvent
générer du stress et qui demande de la rapidité et de la
réactivité chez les soignants.
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Pour rappel, ce facteur entre dans la catégorie «
Insécurité de l'emploi » selon les six indicateurs
des risques psychosociaux. Sur le terrain, j'avais en effet pu constater ce que
le stress des situations d'urgences pouvait générer chez le
soignant et notamment lors de ma situation de départ où cela
l'avait amené à pleurer.
Le thème de l'insécurité de la situation
de travail peut également renvoyer au sujet de la
précarité de l'emploi. Les propos de l'IDE 4 illustre bien les
chiffres qui étaient donnés dans ma partie « Cadre
conceptuel ». Pour rappel, il était écrit que «
45% des jeunes diplômés disent avoir eu comme premier contrat
un contrat à durée déterminée non renouvelable.
» Cette infirmière diplômée depuis trois ans
m'expliquait qu'elle avait enchaîné les contrats de courtes
durées en service d'urgences, en crèche puis maintenant en
EHPAD.
Trois infirmiers sur cinq, évoquent la relation,
parfois compliquée, avec les médecins. Ils évoquent
surtout les difficultés de communication avec les médecins : trop
d'ordres donnés en même temps, un haussement de ton, un
caractère autoritaire, ou le fait de ne pas avoir le droit à
l'erreur. Ces propos relèvent des conflits internes au service qui
correspondent à un des six indicateurs des risques psychosociaux. Les
infirmiers m'ont parlé des relations parfois conflictuelles avec les
médecins avec leurs supérieurs hiérarchiques et parfois
aussi avec leur collègue de travail. En revanche, quand ces relations se
passent bien, elles peuvent être d'un véritable appui pour le
soignant et peuvent lui permettre de travailler dans un climat plus
apaisant.
Lors de mes entretiens le sujet de la fréquence du
stress a également été abordé. Je présente
ci-dessous le tableau récapitulatif des propos des soignants.
Le soignant face au stress
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La fréquence du stress
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IDE 1 : « Peu fréquent » - « une fois par
semaine »
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IDE 2 : « Continuellement » - « souvent
stressé » -
« stress énorme » - « Fort
stressé » - « toujours stressé » - « toujours
présent »
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IDE 3 : « tout le temps »
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IDE 4 : « parfois »
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IDE 5 : « Week-end » - « Aléatoire » -
« Au cas par cas »
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Voici les résultats concernant la fréquence du
stress :
- Deux infirmiers sur cinq affirment que le stress est
continuellement présent.
- Trois infirmiers sur cinq estiment que le stress n'est
présent que parfois.
- Deux infirmiers sur trois en service de cardiologie estiment
que le stress est continuellement présent.
Lors de mes entretiens le sujet de la fréquence du
stress a également été abordé. Alors que pour trois
infirmiers sur cinq, le stress est peu fréquent, pour deux autres
infirmiers celui-ci semble être présent continuellement. Je
remarque alors qu'au sein d'un même service (service de cardiologie), les
sources de stress peuvent être perçues différemment et pas
toujours vécues avec la même intensité de stress.
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