L'inopportunité des lois d'amnistie dans le processus de pacification de la république démocratique du Congo.( Télécharger le fichier original )par Josué KALEKA Universite Notre-Dame du Kasayi - Licence 2015 |
Sous §2 : L'abrogation de la loi pénale et amnistieEu égard à ce qu'elles apportent en faveur du bénéficiaire, ces deux notions présentent quelques ressemblances : l'amnistie n'éteint l'action publique qu'à l'égard des destinés de la loi d'amnistie et non en faveur des coauteurs et complices selon que la loi a été votée (il s'agit souvent de l'amnistie personnelle). Comme l'amnistie, l'abrogation de la loi pénale supprime aussi le préalable légal de l'infraction. En, principe, la loi applicable à l'infraction est celle qui était en vigueur au moment de sa commission. Toutefois, le principe de non rétroactivité de la loi pénal est assorti des exceptions : les lois les plus douces rétroagissent, tel est le cas de celles qui enlèvent à un fait son caractère délictueux. Ainsi, les poursuites deviennent impossibles si elles n'avaient pas encore commencé. Elles s'arrêtent aussi si l'action publique avait déjà été commencée. L'amnistie, nous l'avons souligné,a un effet rétroactif. Elle éteint l'action publique, efface le préalable légal, mieux le caractère infractionnel du fait ainsi que la peine. Quant à la relation qui existerait entre la notion de l'amnistie et les graves crimes, Nyabirungu enseigne que les crimes de droit international ne sauraient donc être couverts par l'amnistie dans le cadre d'aucune législation à caractère national. Mais il soutient l'amnistie de ces crimes, pourvue qu'elle revête un caractère national c'est-à-dire que si le parlement qui vote cette loi d'amnistie inclut ces crimes, elle est admissible81(*). D'où, l'importance d'une étude sur ces graves crimes et éventuellement les conséquences qu'une loi d'amnistie peut engendrer à leur égard. SECTION IIème : RAPPORT ENTRE L'AMNISTIE ET LES CRIMES DE DROIT INTERNATIONAL PENALEn considération des circonstances fâcheuses issues, surtout de la deuxième guerre mondiale, les Etats ne pouvaient pas rester indifférents, c'est ainsi qu'ils ont pris conscience en considérant que tous les peuples sont unis par des liens étroits et leurs cultures forment un patrimoine commun, et surtout qu'au cours du siècle dernier, des million d'enfants, de femmes et d'hommes ont été victimes d'atrocités qui défient l'imagination et heurtent profondément la conscience humaine ; reconnaissant que des crimes de telle gravité, menaçant la communauté international, ne sauraient rester impunis tant dans le cadre national que dans celui international. Il s'agit notamment des crimes de guerre, crimes contre l'humanité, le génocide et le terrorisme. Donc, dans cette section, il sera question d'analyser successivement ces quatre principaux crimes de droit international et voir quel lien ils ont avec l'amnistie. §1 : LES CRIMES DE GUERRE ET CRIMES CONTRE L'HUMANITENotion centrale du jus in bello par opposition au jus ad bellum ; le crime de guerre est l'ensemble d'agissements qui méconnaissent les lois et les coutumes de la guerre82(*). Actuellement, les efforts internationaux déployés pour prohiber certains comportements contraires à ces lois et coutumes se sont concrétisés à partir essentiellement de la seconde moitié du 19ème siècle avant de trouver un premier couronnement dans les conventions de la Haye du 1849 et de 1907, et un second dans le statut du tribunal de Nuremberg. De là, on a trouvé que les lois et coutumes de la guerre s'étaient cristallisées dans le droit coutumier. Une autre définition nous est donnée par le Statut de la Cour Pénale Internationale (CPI) : les crimes de guerre incluent notamment les violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés c'est-à-dire principalement les infractions aux quatre conventions de Genève du 12 Août 194983(*). Ces conventions forment donc une sorte de code du crime de guerre sans que d'ailleurs le mot soit utilisé par elles84(*). Mais, il sera employé plus tard par l'article 85 du protocole additionnelIdu 08 juin 197785(*). Pour donner un aperçu du contenu de ces convention, on dira que l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève pose un certain nombre de dispositions minimales applicables aux conflits armés. Se trouvent ainsi prohibés, en tout temps et en tout lieu, à l'égard des personnes protégées par cet instrument : ü Atteintes portées à la vie et à l'intégrité corporelle notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements inhumains, des tortures et des supplices ; ü Les prises d'otages ; ü Les atteintes à la dignité des personnes notamment, les traitements humiliants etc86(*). C'est sur base de ces définitions que les Etats ont, à leur tour et par le biais des législateurs, défini ces crimes en droit interne. S'agissant de la RD. Congo, depuis le code militaire de justice de 1972, tel que modifié à ce jour, le crime de guerre y était défini comme toutes les infractions aux lois du Zaïre qui ne sont pas justifiés par les lois et coutumes de la guerre87(*). En effet, il s'agissait d'une définition conforme à l'accord de Londres du 08 Août 1945 qui les définissait comme des violations des lois et coutumes de la guerre88(*). Par contre, le code pénal militaire congolais actuel définit ces crimes comme étant des infractions aux lois de la République commises pendant la guerre mais, qui ne sont pas justifiées par les lois et coutumes de la guerre89(*). L'innovation de la loi de 2002 consiste pour le législateur d'avoir précisé que ces infractions doivent être commises seulement pendant la guerre. L'amnistie qui empêcherait le déclenchement de l'action publique contre des crimes de guerre, connus aussi sous l'appellation d'atteintes flagrantes au droit international humanitaire, commises pendant les conflits armés internationaux ou non internationaux, est incompatible avec les obligations contractées par les Etats au titre de convention de Genève de 1949 et de leurs protocoles additionnels du 1977 qui ont fait l'objet d'une large ratification et peut aussi violer le droit international coutumier. Les conventions de Genève font de certaines violations, des infractions graves et exigent de hautes parties contractantes qu'elles prennent toutes mesures législatives nécessaires pour fixer les sanctions pénales adéquates à appliquer aux personnes ayant commis, ou donné l'ordre de commettre l'une ou l'autre de ces infractions graves énumérées dans les conventions. En outre chaque partie contractante aura l'obligation de rechercher les personnes prévenues de ces graves infractions. Donc, une amnistie qui empêcherait de poursuivre les infractions graves, serait incompatible avec les obligations des Etats aux termes des conventions de Genève et du protocole additionnel I de rechercher les personnes prévenues d'avoir commis ces infractions. Il est de même lorsque l'humanité est menacée. B. Les crimes contre l'humanité Ce terme a apparu premièrement dans le vocabulaire international, bien avant de recouvrir une réelle signification juridique, plus précisément pénale, c'est ainsi que l'on peut relever l'intervention de Robes Pierre en faveur de la condamnation à mort du Roi Louis XVI entant que criminel envers l'humanité, ou celle de ce personnage révolutionnaire Français haut en couleur que fut Louise Michel90(*). Selon le statut du tribunal militaire de Nuremberg, les crimes contre l'humanité c'est-à-dire l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre les populations civiles avant, pendant ou après la guerre, ou bien les persécutions pour motifs raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions qu'ils aient été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime rentrant dans la compétence du tribunal en liaison avec ces crimes91(*). Aux fins du Statut de Rome, on entend par crimes contre l'humanité, l'un des actes ci-après commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique contre une population civile et en connaissance des causes : ü Meurtre ; ü Extermination ; ü Réduction en esclavage ; ü Déportation ou transfert forcé des populations ; ü Emprisonnement ou autres formes de privation grave de liberté physique en violation des dispositions du droit international ; ü Torture ; ü Viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée et toutes autres formes de violations sexuelles de gravité comparable ; ü Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d'ordre politique, racial, ethnique, culturel, religieux, sexiste, etc. ou en fonction d'autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le statut ; ü Disparition forcée, ü Apartheid ; ü Autres actes inhumains de caractères analogues causant intentionnellement des grandes souffrances ou des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé physique ou mentale de la personne humaine92(*). Dans le nouveau code pénal militaire congolais, le crime contre l'humanité est défini comme étant des violations graves du droit international humanitaire commises contre les populations civiles avant ou pendant la guerre93(*), d'où, il résulte une confusion d'avec les crimes de guerre. Et amnistier les auteurs de ces crimes serait aussi incompatible avec les obligations contractées par les Etats au titre de plusieurs traités internationaux sur ces crimes dont les statuts de chaque tribunal pénal international ou mixte créés depuis l'instauration du tribunal de Nuremberg, celui-ci inclut, ce type de crimes n'a pas encore fait l'objet d'un instrument comparable à la convention sur les génocides94(*). Aux termes du préambule du statut de la CPI, les crimes contre l'humanité sont comptés parmi les crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale et qui ne sauraient rester impunis et dont la répression doit être effectivement assurée. Alors, une amnistie qui exempterait les crimes contre l'humanité des sanctions ou d'actions civiles serait, sans doute, incompatible avec des obligations des Etats parties aux multiples instruments relatifs aux droits de l'homme d'ordre général, bien que ne citant pas expressément ces crimes internationaux, mais ils ont été interprétés comme exigeant la répression sérieuse des crimes contre l'humanité. A ces crimes, s'ajoutent le génocide et le terrorisme. * 81 NYABIRUNGU MWENE SONGA, Revue pénale congolaise, éd. De Kinshasa n°1 (février-juin 2004), p.43 * 82 HUET A., et alii, Droit pénal international 3ème éd. Paris, PUF, 2005, p. 102 * 83 Art. 8 du statut de Rome * 84 HUET A., et alii, Op. Cit. p. 102 * 85 Art. 85 du protocole additionnel I aux quatre conventions de Genève, du 08 juin 1977 * 86 HUET A., et alii, Op. Cit. pp. 275-301 * 87 Art. 502 de l'Ordonnance,-loi n°72/060 du 25 septembre 1972 portant code de justice militaire. * 88 Art. 6 (b) de l'Accord de Londres portant statut du tribunal militaire international de Nuremberg * 89 Art. 72 du code pénal militaire congolais de 2002. * 90 CURRAT P., Les crimes contre l'humanité dans le statut de la CPI, Paris, LGDJ, 2006, p. 33 * 91 Art. 6 (c) du statut du tribunal militaire international de Nuremberg * 92 Art. 7 du statut de Rome * 93 Art. 165 du Code Pénal Militaire Congolais * 94 La convention de 1968 sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et ceux contre l'humanité prévoit toutefois dans son article 1er que ces crimes sont imprescriptibles |
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