Ecrit par Idriss SANGWA ILONDA
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PROLEGOMENES
« Ce n'est pas tuer l'innocent comme innocent qui perd la
société, c'est de le tuer comme coupable »
Château briand, Mémoires d'outre-tombe
1. PRESENTATION DU SUJET
« 1Quand l'innocence des citoyens n'est pas
assurée, la liberté ne l'est pas non plus ». Cette citation
témoigne de l'importance du statut d'innocent et de son lien très
étroit avec ce qui est le plus cher à l'Homme ; sa
liberté. Présumer un citoyen innocent, c'est donc lui assurer la
liberté, une liberté dont il ne pourrait disposer s'il se savait
potentiellement suspect aux yeux de la société et de son
système judiciaire pour tout ce qu'il entreprend.
2L'innocence repose sur un mécanisme de
présomption. Dans le langage commun, la présomption est,
notamment, définie comme « le jugement fondé non sur des
preuves mais sur des indices, des apparences, sur ce qui est probable sans
être certain ». 3Le dictionnaire Larousse complète
sa définition du terme « présomption » en mentionnant
qu'elle est « la conséquence de la loi ou le juge tirent d'un fait
connu à un fait non connu ». Bien que figurant dans un dictionnaire
généraliste, cette définition de la présomption
fait indéniablement apparaitre que le domaine juridique est celui au
sein duquel les présomptions revêtent tout leur
intérêt. Effectivement, en droit, la présomption se
définit, dans des termes équivalents, comme le « mode de
raisonnement juridique en vertu duquel, de l'établissement d'un fait, se
déduit un autre fait qui n'est pas prouvé ». La
présomption a deux origines possibles : elle peut émaner du juge
(présomption de l'homme) ou de la loi (présomption
légale).
4Les présomptions sont utilisées dans
diverses branches du droit parmi lesquelles le droit civil. A titre d'exemple,
l'article 154 du code civil Congolais livre 1er dispose que « L'enfant
conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari de sa
mère ». Traduction non
1 . MONTESQUIEU, De l'esprit des lois, Tome I,
Livre XII, Chapitre II, p.197
2 . Lexique des termes juridiques, Editions Dalloz,
2013
3 . Larousse, Dictionnaire de la langue française,
au mot « présomption »
4 . Art 154 codes civils congolais livre I.
Ecrit par Idriss SANGWA ILONDA
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littérale de l'adage Pater is est quem nuptiae
demonstrant, cette présomption de paternité repose sur
l'idée selon laquelle les époux ont entre eux des relations
sexuelles, ces
relations sexuelles étant exclusives de toutes autres.
L'époux de la mère est donc présumé être le
père de l'enfant né pendant le mariage.
Appliqué à l'innocence, c'est-à-dire
à « l'état de celui qui n'est pas coupable d'une faute
déterminée », le jeu de la présomption prend une
dimension décisive. En effet, présumer l'individu innocent
constitue un principe qui irradie tout le droit pénal, tant dans sa
dimension substantielle que processuelle. En vertu de ce principe, toute
personne poursuivie est présumée innocente tant qu'elle n'a pas
été déclarée définitivement coupable, et il
appartient à la partie poursuivante d'apporter la preuve de sa
culpabilité.
Pendant très longtemps, le principe de la
présomption d'innocence est resté totalement absent du
système judiciaire Congolais. Non seulement il n'y avait trace d'un tel
principe mais, surtout, l'idée-même de conférer à
l'individu un droit à être présumé innocent allait
à l'encontre des règles régissant le procès
pénal. En effet, l'usage de présomptions aboutissait à
présumer la personne coupable et c'était donc à elle
d'apporter la preuve qu'elle n'avait pas commis la faute qui lui était
imputée.
5La situation de l'accusé a commencé
à évoluer dans un contexte marqué par le fort
retentissement de scandales judiciaires mettant en lumière
l'extrême rigidité des règles procédurales et
probatoires appliquées à un individu déjà
placé dans une situation défavorable.
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