III. Un nouveau monstre : l'Aristocratie
Bien que la Révolution française soit
animée d'idéaux universels, la lutte qui oppose
les privilégiés aux hommes ordinaires est toujours
d'actualité après la chute de l'Ancien régime.
L'Aristocratie est alors perçue par la multitude comme une force
cachée qui oeuvre dans l'ombre et l'idée d'une conspiration
antirévolutionnaire est en marche. Violemment dénoncée par
la presse qui dispose alors d'une liberté quasi
illimitée,525 l'Aristocratie est la cible d'une expression
pamphlétaire virulente qui n'est pas sans rappeler les illustrations
fantaisistes éditées à l'époque de la Bête du
Gévaudan. Ci-dessous, un exemple de l'iconographie de
l'époque.
« Les fripons craignent les réverbères »
526
Centre historique des Archives nationales.
525 Information donnée par « l'histoire par
l'image », page internet dédiée à l'étude
de l'évolution des images et de l'histoire de France entre 1643 et 1945.
Pour plus précisions sur ce site, se référer à la
bibliographie de cette étude.
526 Image éditée dans un pamphlet anonyme de
1789 intitulé « Etrennes à la vérité ou
Almanach des Aristocrates ». Une version grand format de cette
estampe se trouve à l'annexe 23. Source : Bibliothèque
Nationale de France, Gallica (la référence exacte de
cette icône, est consultable dans la bibliographie).
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Tout comme dans l'iconographie utilisée par la presse
au cours des événements du Gévaudan quelques
décennies auparavant, le monstre (maintenant l'Aristocratie) est
dépeint sous les traits d'une créature multiforme dont les
origines sont bien antérieures à la date de parution de
l'estampe. En effet, nous avons ici affaire à une hydre, créature
mythologique de la Grèce antique tuée par Hercule 527.
La bête à abattre n'est cette fois-ci plus un
hybride de loup, d'hyène ou d'autre chose mais la représentation
d'une conjoncture politique 528. Ainsi, des illustrations moralistes
du Moyen Âge, en passant par les icônes de la Bête et enfin
à travers le choix pictural de la caricature de l'Aristocratie devenue
monstrueuse, on devine l'inexorable montée en puissance du pouvoir des
images.
Du pupitre des enlumineurs aux « presses à
deux coups » 529 de la fin du XVIIIè siècle
l'expression picturale doublée d'une charge allégorique et/ou
caricaturale ne saurait être vide. Elle fait bien partie du monde des
idées et participe à la création des opinions.
527 Hercule : figure de la mythologie grecque. Hercule,
personnage doté d'une force hors du commun, vaincra l'Hydre de Lerne
lors du deuxième combat de la série dite des « douze
travaux d'Hercule ».
528 La tête coiffée d'un « casque à
panache » représente la noblesse, la « tête de
dindon » les magistrats, le « bonnet d'abbé »
et la « mitre d'évêque » respectivement le
« clergé régulier » et le «
clergé séculier » Dans : Luce-Marie ALBIGÈS,
« Un pamphlet contre l'aristocratie », Histoire par l'image
[en ligne], consulté le 1er Mai 2016.
529 Presse à deux coups : Type de presse manuelle du
XVIIIè siècle. Le rendement de ce type de presse était
alors de 150 à 200 exemplaires à l'heure.
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