III. La diversification des sources de revenus, un
impératif de survie pour les paysans
Plus propice à l'élevage qu'à
l'agriculture en tant que telle, la rudesse du Gévaudan oblige ses
habitants à pratiquer des activités diversifiées. En plus
du travail de la terre, les paysans de l'époque s'adonnent à la
culture du chanvre, ils deviennent ainsi «tisserands des toiles»
105. Cette activité d'appoint est toutefois insuffisante
pour subvenir aux besoins quotidiens. C'est alors que l'exploitation
forestière prend le relais. Le bois se prête à de multiples
transformations et est à l'origine d'une activité importante,
surtout en hiver. De la bûche aux mâts des navires, il donne aux
paysans du Gévaudan la capacité de fabriquer des objets qui sont
écoulés sur le marché local ainsi que la
possibilité de vendre hors de la région : « Le bois est
exploité pour le chauffage, la construction des habitations, des sabots,
des jougs, des outils, des meubles et aussi dans le nord du Gévaudan
pour les chantiers navals de l'Atlantique,(...) les mâts de bateaux
partent en direction de l'océan par flottaison sur l'Allier »
106.
En forêt, dans les champs ou occupé à
d'autres tâches, le roturier n'en est pas moins sujet à être
appellé au service de la milice 107. Les hommes
célibataires entre 16 et 40 108 ans sont les plus aptes. Il
est cependant possible que le rôle de milicien soit attribué
à des hommes mariés. D'une durée de 6 ans, les obligations
militaires de l'époque sont un fardeau supplémentaire pour les
104 Archives départementales De la Lozère 3 E 10
923.
105 SOULIER Bernard, Loc. cit. p 191.
106 Ibidem
107 Milice: Sous l'Ancien Régime, l'armée royale
est renforcée par des milices provinciales. Le cas
échéant, elles se consacrent à la défense du
territoire et de l'autorité royale. (CROUZET, 1963)
108 SOULIER Bernard, Loc. cit. p 192.
35
familles. C'est alors la femme et les enfants de celui que
l'on recrute qui doivent se charger de leur propre subsistance.
Quand on a pas le sou, et ceci n'est à l'époque
pas seulement le lot des familles à qui l'on enlève les maris,
les enfants sont loués. En échange d'un logis, les garçons
gardent les bêtes, les filles s'occupent de la maison. Envoyés
malgré eux dans des pâturages de moyenne montagne, les enfants
pauvres du Gévaudan sont victimes d'une organisation sociale. La mort de
Martial Charrade, tué par la Bête le 18 avril 1765 est au sens
propre une suite logique de cet état de fait :
» 109.
« Martial Charrade du Besset âgé
d'environ treize ans, fut dévoré avant-hier par la Bête
féroce qui mange le monde dans les tenemens de Vachelerie paroisse de
Paulhac où il s'était loué pour vacher ; et aujourd'hui
vingtième avril mil sept cens soixante-cinq les restes de son corps ont
été portés et inhumés dans le cimetière de
cette paroisse tombeau de ses ancêtres,...
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