Introduction
Territoire sauvage, le Gévaudan a au cours d'une grande
partie de son histoire été régi par l'autorité
féodale. Fondée sur le lien vassalique 89, la relation
entre les vassaux et les seigneurs y était alors fondée sur un
lien de sujétion et de protection. Les fiefs seigneuriaux étaient
défendus à l'aide d'un réseau de places fortes qui
pouvaient prendre la forme de forteresses ou de châteaux. Régnant
sans partage, les puissants voient à partir du début du
XIVè siècle l'Eglise s'affirmer comme l'expression d'un
contre-pouvoir car cette dernière s'impose progressivement comme une
extension de l'autorité du roi.
Dans le Gévaudan du XVIIIè siècle, bien
que la philosophie des Lumières propose dans les villes un modèle
de civilisation en total opposition avec l'Ancien régime, l'organisation
décrite ci-dessus est toujours de mise. Victimes d'une pauvreté
endémique, d'un climat rigoureux, et d'une organisation sociale qui les
opprime, les habitants de cette région doivent, en plus des attaques de
la Bête du Gévaudan, sans cesse chercher de nouveaux moyens
d'assurer leur survie.
89 Le lien vassalique met en pratique la
dépendance d'un homme libre (le vassal ) envers un autre homme libre (le
seigneur). Cette organisation sociétale est une résultante de la
quasi-disparition de l'autorité publique qui caractérise la
période qui voit entre le Xè et le XIè siècle la
destruction de l'Empire Carolingien. A cette époque les princes et les
rois se montrent incapables de réduire la résistance des petits
seigneurs locaux et doivent donc imposer une échelle sociale
théorique. De nouvelles règles, où chacun a des droits et
des devoirs, sont donc prescrites. Entre les hommes libres, s'établit
une hiérarchie mise en place par l'hommage féodo-vassalique
où le vassal s'inféode à un seigneur qui par la même
occasion se voit octroyé le droit de juger son vassal. De ce lien
naît une relation de réciprocité car, même si le
seigneur se réserve le doit de punir, sa puissance étant
conditionnée par la loyauté de ses vassaux, il se doit
d'être juste. Dans la pratique, le vassal et le seigneur ont des
obligations réciproques. En premier lieu, le vassal ne doit en aucun cas
essayer de nuire à son supérieur hiérarchique, à
ses possessions ou aux siens. Ensuite, viennent des devoirs attachés
à l'aide militaire, à l'aide financière. En ce qui
concerne les responsabilités du seigneur envers son vassal, il se trouve
dans l'obligation de lui fournir des armes, un cheval et des fonds. Dans
certains cas, le seigneur peut choisir de faire le don d'un fief à son
vassal. Le fief étant généralement une étendue dont
l'exploitation est sujette à des redevances, elle peut dans certains cas
se révéler une excellente solution pour les deux parties.
(CROUZET, 1963).
31
I. Des attaques qui se concentrent dans des régions
pauvres et montagneuses
A l'époque où se déroulent les faits, le
Gévaudan fait partie du diocèse de Mende et est attaché
à une région aujourd'hui appelée Auvergne. En 1790, date
à laquelle le territoire français est réorganisé
90, le Gévaudan disparaît et fait place à une
entité départementale, la Lozère.
Carte de la Lozère actuelle
Carte Tirée de «l'annuaire des campings de
France» 91. Echelle : 1 / 1666666
Le territoire de chasse de la Bête s'étend
principalement sur trois régions. La Margeride 92, le Haut-Rouergue
93 et le Haut-Vivarais 94. Ces dénominations ont,
pour certaines d'entre elles, été remplacées. De nos
jours, le «Haut-Vivarais» correspond à la chaîne des
monts du Vivarais, le Haut Rouergue à la partie de l'Aubrac qui se
trouve à l'Ouest et au Sud de Marvejols 95. La Margeride est
la partie la plus montagneuse de ces trois régions. Elle est à la
lisière de trois départements : Le Cantal, la Lozère et la
Haute-Loire.
90 Pour obtenir plus de précisions sur la
réorganisation du territoire, il est possible de consulter le «
rapport sommaire sur la nouvelle division du royaume » aux page 119
et 120. Ce document se trouve aux Archives parlementaires de la
Bibliothèque Nationale de France. Pour visualiser l'archive, se
référer à l'annexe 9
91 Cet « annuaire des campings de France
» est en fait le nom générique d'une organisation
touristique qui propose une liste exhaustive de tous les campings du territoire
français.
92 La Margeride est un massif montagneux situé dans le
Massif central. Pour obtenir des précisions sur le territoire de la
Margeride, aller à l'annexe 10 (BESQUEUT, 1953).
93 Le Haut-Rouergue est le nom donné
à une partie montagneuse de l'Aubrac. Cette région s'étend
sur plusieurs départements. Pour notre étude, c'est la partie
nord qui nous intéresse Pour plus de précision sur le
Haut-Rouergue, se référer à l'annexe 11 (TOURISME
VILLEFRANCHE DE ROUERGUE, 2015).
94 Le Haut-Vivarais correspond aujourd'hui à la
région des «monts du Vivarais», aussi appelée,
Haute-Ardèche. (ALPHA, 1968).
95 Marvejols est une commune et une ville du massif
de la Lozère. Pour une localisation géographique de Marvejols, se
référer à l'annexe 12. (OpenStreetMap).
32
Localisation de la majorité des attaques de la
Bête du Gévaudan
La carte ci-dessus 96 nous donne une idée du
territoire de prédation de la Bête
Ces étendues géographiques sont peu
peuplées. Des vents violents rendent la vie difficile et les chutes de
neige sont abondantes. En été, l'humidité donne naissance
à des tourbières. Les lacs et les rivières
dégèlent et sont à l'origine d'une irrigation naturelle.
Alors, se développe une flore variée faite d'innombrables fleurs,
de résineux mais aussi et surtout de landes, de bruyères et de
genêts. Situés en altitude (entre 1350 et 1500 mètres
environ), ces espaces souffrent de températures hivernales qui peuvent
descendre bien en dessous de zéro 97.
|