V. Présentation rédigée du plan
général de l'étude
Première partie
La première partie de ce travail est consacrée
à la présentation du Gévaudan et aux transformations
sociétales du Siècle des Lumières. Des informations en
rapport à la géographie du territoire de prédation de la
Bête, à la condition sociale de ses habitants ainsi que des
précisions relatives à l'évolution du statut du «
monstre » en tant que tel seront données. En effet, tous ces
éléments sont partie prenante du déroulement de l'histoire
qui nous intéresse. Si l'isolement du Gévaudan du XVIIIè
contribue à en faire une région où des règles
quasi-féodales sont toujours en vigueur 83, il est possible
que cette organisation sociale ait pu favoriser la conservation de croyances
antérieures à ce siècle. Aussi, la confrontation de ces
dernières avec les évolutions philosophiques et scientifiques de
l'époque a pu être à l'origine de la genèse de
nouvelles croyances.
82 Cette autorisation m'a été donnée par
mon interlocuteur, ceci au cours de la conversation téléphonique
qui a précédé notre entretien.
83 Ce détail m'a été
donné le 13.07.2015 au cours d'une discussion avec Jean Richard, auteur
de plusieurs livres sur la Bête du Gévaudan.
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Deuxième partie
La deuxième partie de ce mémoire est
dédiée à l'étude du processus de
l'élaboration des croyances en rapport aux félins exotiques. Dans
ce chapitre, je me fonderai sur un article 84 de Michel Meurger pour
expliquer de quelle façon l'existence supposée de bêtes non
indigènes suscite l'adhésion de certains. La présence
d'une narration populaire propre au Gévaudan et à sa culture
ainsi que des éléments constitutifs de la mise en place de ce
récit apparaîtront à travers l'analyse d'une partie de
l'entretien non directif évoqué précédemment.
Ainsi, des éléments comme les « signes anomaliques
» 85, la « réactivation de croyances
locales » 86 ou la « réintégration de
l'épisode dans un cadre traditionnel » 87 seront mis en
évidence. Indispensable à la résolution de la
problématique de cette étude, la compréhension du
processus attaché au développement des croyances liées
à la bête du Gévaudan 88 à
l'époque des faits est à mon sens indispensable. C'est pourquoi,
et ceci dans le but d'annoncer la stratégie utilisée dans la
suite de ce travail, le cadre philosophique du siècle dans lequel se
déroulent les faits décrits dans le témoignage de Mr
Boisserie sera pris en compte. Comme nous le verrons, les changements
paradigmatiques effectués entre le XVIIIè et le XXè
siècles participent à la mutation de l'objet de l'animal
imaginé.
Troisième partie
La troisième partie de ce mémoire est
consacrée à une étude sectorielle des croyances car je
soupçonne que dans le Gévaudan du XVIIIè siècle,
ces dernières sont en rapport avec les catégories sociales dont
elles sont issues. Ainsi, le Tiers-Etat peut avoir développé des
croyances différentes de celles des populations éduquées.
Afin de découvrir si cette hypothèse est vérifiée,
il est utile de comprendre quelle était à l'époque
l'influence réciproque des groupes sociaux et des individualités
en présence. Ainsi, après avoir analysé les motivations et
les intérêts de figures centrales issues de la noblesse, je me
pencherai sur le rôle du prêtre en tant que représentant de
la foi officielle puis, comme composante de la vie sociale des roturiers.
84 MEURGER Michel. « Les félins
exotiques dans le légendaire français »,
Communications, 52, 1990. Rumeurs et légendes contemporaines,
sous la direction de Véronique Campion-Vincent et Jean-Bruno Renard.
1990. pp.175-196.
85 MEURGER Michel. Loc. cit., p. 177. Par «
signe anomalique », Meurger fait référence aux
détails inhabituels tels que des griffures placées en hauteur sur
les arbres, des cris étranges dans la forêt etc...
86 MEURGER Michel. Loc. cit., p. 179.
87 MEURGER Michel. Loc. cit., p. 178. Par
cette formule, l'auteur fait référence au cadre dans lequel se
développe la croyance ou à quoi cette dernière se
rattache. Par exemple, dans le cas de notre étude, la «
réintégration dans le cadre traditionnel » de
l'épisode se rapporte à la culture du lieu et aux
éléments qui favorisent la naissance de la croyance.
88 Dans ce cas, la Bête du Gévaudan est
considérée comme un « félin exotique
».
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Aussi, l'iconographie, en tant que vecteur de propagation d'un
récit particulier, doit être prise en compte car il est probable
que la presse ait tenté d'exploiter l'effroi causé par la
Bête dans le dessein de résoudre les problèmes financiers
auxquels elle devait faire face. Si cela était le cas, l'étude
des estampes diffusées au cours des événements pourrait
nous éclairer sur l'existence d'une narration spécifique.
L'examen de l'iconographie et du discours médiatique qui lui est
attaché sera mené en parallèle à une analyse des
témoignages rapportés dans les archives puis, mis en rapport avec
le cadre théologique dans lequel évoluent les croyances.
Enfin, pour résoudre notre problématique, il
faut délimiter l'influence réciproque des éléments,
examiner la possible subordination des uns aux autres et en tirer une ligne
directrice. On cherchera donc à savoir si les multiples narrations
(religieuses, médiatiques, populaires, etc....) autour de l'animal
responsable des carnages ont une incidence sur la superstition à
l'époque de la Bête. C'est en comparant les croyances
déjà présentes dans cette région à celles
qui ont pu naître pendant cette affaire qu'il sera alors possible de se
rendre compte si l'inefficacité des chasses, le mandement de
l'évêque de Mende, la réalité médiatique ou
toute autre chose ont impacté les croyances attachées à
cette histoire.
C'est bien le caractère multiforme de la
représentation de la bête du Gévaudan qui concentre nos
motivations pour cette étude. Du loup-garou à la hyène,
cette entité polymorphe passe de l'animal de foire au monstre
mythologique. C'est cette variété des apparences qui oblige le
chercheur à se concentrer sur les multiples narrations qui
parsèment cette histoire pour enfin, peut-être, arriver à
définir en quoi la croyance affecte le réel.
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