Conclusion
Sur le plan global, le bilan du Groupe Crédit Agricole
issu de la crise financière est plutôt sévère et a
dévoilé que la banque verte s'est beaucoup trop
éloignée de ses activités bancaires traditionnelles et sa
culture coopérative. Ceci a eu pour conséquence des pertes
financières considérables que la banque a dû subir pendant
près de six après la crise des subprimes en 2007. Le
Crédit Agricole, a trop vouloir jouer dans la cours des grands, s'est
laissé emporter par la frénésie des marchés
financiers et boursiers internationaux, sans prendre en considération
les risques encourus par l'organisation dans son ensemble et sur son
environnement. À travers une décennie de stratégies
ciblant plus le financier international, le Crédit Agricole a
laissé son rôle de banque de dépôt au profit d'une
banque d'affaires. Cela a aboutit à créer une double culture et
structure hybride qui n'a pas aidé durant la crise financière et
a même contribué à l'amplifier sur le plan organisationnel.
La crise financière a dévoilé que le Crédit
Agricole, dans une optique de développement international d'affaires,
s'est divisé en trois structures qui sont « bancaire » de
dépôt, « financière » d'affaires et «
coopérative » du réseau de caisses, tout en créant un
déséquilibre qui, sous l'effet des chocs de la crise
financière, s'est brisé pour ramener le Crédit Agricole
à la réalité. Cela a considérablement
affecté le pouvoir d'intervention des caisses régionales et du
processus participatif des membres. Le Crédit Agricole n'a
également pas de gestion de crise intégrée à sa
gestion globale. Cependant, la crise financière a servi de piqure de
rappel à la banque coopérative française et l'a contrainte
à se désengager des activités bancaires et
d'investissements risquées afin de revenir à des activités
bancaires de détail et plus proches de ses caisses et son modèle
coopératif.
Quant au Mouvement Desjardins, le bilan de la crise
financière est mitigé et nuancé. En effet, d'une part, le
Mouvement Desjardins n'a pas non plus de gestion de crise identifiée et
intégrée à sa gestion globale. Sa culture
coopérative comporte des contradictions que l'on peut aisément
constater à travers les doubles discours concernant par exemple
l'économie ou la position contradictoire vis-à-vis des
gouvernements (provincial et fédéral). Le processus de fusion des
caisses sur le plan structurel a également eu des conséquences
négatives sur la culture organisationnelle puisque cela a modifié
le rapport entre les membres et leurs caisses. En créant des
méga-caisses, cela a également diminué la participation
des membres. Toutefois, la banque coopérative québécoise
s'en est mieux sortie de la crise financière que sa consoeur
française et ce principalement en raison du facteur structurel
lié à son modèle coopératif. Desjardins a su
préserver sa structure coopérative et ses activités de
banque de détail en ne s'implantant pas dans le marché financier
et boursier, ce qui l'a protégé durant la crise
financière. Par ailleurs, le Mouvement Desjardins semble avoir compris
l'importance de l'individu dans la gestion d'institutions financières et
le rapport destructeur que peut avoir la finance sur l'économie
réelle. De plus, Desjardins a vite saisi le rôle moteur des
caisses durant la crise financière et a rapidement réagi en
mettant en place le plan de restructuration interne « Coopérer pour
créer l'avenir » dans le but de se rapprocher de ses
105
caisses. Enfin, Desjardins a souligné l'importance du
modèle coopératif dans la relance de l'économie locale et
mondiale et s'est positionnée en chef de file des organismes
coopératifs en 2012 avec le Premier sommet coopératif des Nations
Unies et en tant qu'hôte.
En résumé, pour répondre à la
problématique, à savoir quels sont les facteurs du modèle
de gestion systémique de crise qui ont permis à Desjardins de
mieux gérer la crise, cette étude suggère que sur les
quatre niveaux du modèle de l'oignon, sont en ordre
d'importance et de visibilité : la structure et stratégie en
premier lieu, puis la culture et individu en second lieu. En
privilégiant sa structure coopérative et de banque de
dépôt, Desjardins a été en mesure de se
protéger durant la crise financière et en grande partie car elle
n'a pas intégré le marché financier via une entité
cotée ou banque d'affaires comme ce fut le cas du Crédit
Agricole. Cela induit que Desjardins, ayant choisi stratégiquement de ne
pas s'implanter que dans le marché financier international, a
été en mesure de mieux gérer les effets de la crise
grâce à sa structure organisationnelle dont la banque de
dépôt et coopérative a été maintenue en
dehors de toute activité financière ou de banque d'affaires. Ceci
tend à confirmer que le Glass-Steagall Act, suggéré par
certains auteurs, est une des réformes de réglementation,
séparant les activités bancaires commerciales de celles
financières, et permettrait de mieux gérer les risques financiers
(Mussa, 2009; Roubini et Mihm, 2010, Pauchant et Franco, 2014).
Au niveau de la culture organisationnelle du modèle de
l'oignon, en dépit du fait que les deux banques
coopératives ont une culture hybride partagée entre le «
bancaire », « financier » et « coopératif »,
Desjardins s'est positionné stratégiquement plus dans le
marché bancaire de dépôt et coopératif. Le
Crédit Agricole s'est plus internationalisé
stratégiquement vers le marché financier. Les dirigeants du
Crédit Agricole ont dès lors pris des décisions
stratégiques basées sur une culture et structure
financière et d'affaires tournées vers des activités plus
risquées. Au final, que ce soit le niveau culturel, structurel et
stratégique du modèle de gestion de crise, c'est l'individu qui
prend les décisions et oriente les activités et les
stratégies. Ainsi, Desjardins a été en mesure de
gérer cette crise systémique car le facteur individu, au niveau
organisationnel, a maintenu une gestion de la coopérative
financière fondée sur des activités bancaires de
dépôt, coopératives, plus prudentes et
stratégiquement moins internationalisées sur le marché
financier international. En dépit du fait que le niveau individu est le
moins visible et observable du modèle de l'oignon, que la
gestion de crises considère l'organisation comme un système,
l'individu est au coeur de ce système à travers lequel il
déploie les fonctions de la culture, structure et stratégie.
Cependant, en raison de la nature des crises systémique et complexe,
cela implique également d'autres variables à prendre en
considération en plus du facteur individu dans la gestion des banques
coopératives et d'institutions financières en
général, ainsi que la gestion systémique des crises.
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La crise financière de 2007-2008 a
révélé que le modèle coopératif, en
considérant sa première mission qu'est être une banque de
dépôt, sa culture et structure organisationnelles et ses valeurs
semblent avoir été affectés et altérés par
les plans stratégiques d'internationalisation qui visent les
activités financières et d'affaires. La pression concurrentielle
sur le marché bancaire associée à un modèle
d'affaire plus axé sur la compétitivité et le profit
à court terme ont poussé les banques coopératives à
se développer à l'extérieur de leur marché local.
Cette recherche de l'expansion s'est traduite par la limitation du pouvoir
démocratique des caisses au niveau local autant chez Desjardins que le
Crédit Agricole, et des participations dans des opérations
financières risquées à l'échelle internationale
comme ce fut le cas du Crédit Agricole. Cela a contribué à
éloigner ces deux organisations de leurs activités bancaires
traditionnelles, leur culture coopérative, leurs membres et
collectivités et surtout à créer des
déséquilibres. Cette recherche de l'expansion des
activités financières au détriment des activités
bancaires de dépôt, dans le cas du Crédit Agricole par
exemple, pourrait être expliquée par la financiarisation de
l'économie, qui s'associe à un déficit
démocratique, un accroissement des inégalités, un contexte
mondial d'incertitude et de crises (IMF, 2014; WEF, 2013; Musso, 2009; Pauchant
et Franco, 2014).
Ce constat nous amène à reconsidérer,
dans le cas des banques coopératives, l'impact de l'internationalisation
des activités sur la stabilité financière et l'ensemble
des parties prenantes à l'échelle locale et au niveau des
collectivités. Or la banque coopérative incluant sa fonction de
banque de dépôt, à l'instar de la banque financière
ou d'affaires, est censée être ancrée dans le paysage
régional, la communauté et contribuer à développer
celle-ci sur le plan économique et social. Dès lors, il
apparaît évident, à ce stade-ci, que prioriser une
stratégie internationale via une institution financière ou
filiale au détriment de sa responsabilité locale via la banque de
dépôt, la banque coopérative peut créer
elle-même des effets destructeurs sur son environnement tel que cela a
été observé avec les cas du Crédit Agricole et
Desjardins. Autrement dit, les banques coopératives diminuent
involontairement ou volontairement leur capacité d'intervention et de
développement au niveau de leurs collectivités.
Ainsi, se pose le paradoxe de la création de richesse
à l'échelle internationale versus la préservation des
valeurs coopératives et des intérêts des membres à
l'échelle locale. La concurrence féroce dans l'industrie bancaire
et financière a poussé les banques coopératives, en
s'internationalisant, à adopter une culture et des règles
plutôt néolibérales. En effet, la crise financière a
révélé que dans le cas du Crédit Agricole, les
intérêts des membres/sociétaires et de leurs caisses ont
été légués au second plan au profit
d'intérêts capitalistes des filiales à l'international.
Ceci confirme que le modèle coopératif subit une crise
identitaire depuis plusieurs années, phénomène qui est
aussi documenté par la revue de littérature depuis quelques
années. Cette crise identitaire coopérative émanant en
réalité des individus affecte non seulement la culture
organisationnelle mais aussi la structure et la stratégie. En d'autres
termes, cela signifie qu'une intégration d'une stratégie de
gestion de crise
107
dans la stratégie globale est considérablement
limitée dès le premier niveau de l'individu selon le
modèle de gestion de crise.
Cependant, une des limites de cette recherche réside
dans le fait qu'il demeure difficile d'observer les réactions et
mécanismes de défense des individus par cette méthode
d'analyse de cas comparative et fondée sur une recherche qualitative de
données externes. Les facteurs relatifs au comportement des individus
sont profondément enfouis et difficile d'accès. Cela
nécessiterait une approche ethnographique et une immersion «
physique » et « temporelle » dans une banque en situation de
crise afin d'observer et analyser les comportements des individus. De plus, il
faut prendre en considération la probabilité assez
élevée que l'observation soit biaisée par la manipulation,
la dissimulation ou le déni chez les individus en situation de crise via
leurs mécanismes de défense. Par ailleurs, à
première vue, les frontières ne sont pas clairement
délimitées entre le niveau individu qui implique les
réactions et mécanismes de défense dans une situation de
crise, et le niveau culture de l'organisation qui implique des croyances et
rationalisations en guise de normes organisationnelles. Ceci démontre le
défi de taille de saisir la complexité de l'individu et son
impact dans une crise systémique.
Par ailleurs, l'autre limite à ce niveau est que nous
n'avons pas conduit d'entrevues en raison du manque de temps qui aurait
été possible dans le cadre d'une thèse de doctorat.
D'autre part, cette étude a été effectuée sur la
base d'une comparaison entre deux organisations issues de deux régions
différentes (Québec versus France) mais dont la culture
sociétale n'a pas été prise en considération dans
l'exploration des effets de la crise. La comparaison a été
établie seulement au niveau culturel organisationnel et non entre les
deux pays. De plus, le contexte macroéconomique entre les deux pays est
différent et ceci n'a pas été largement
développé dans la comparaison entre les deux banques
coopératives qui a été effectuée plus au niveau
organisationnel. En d'autres termes, ceci est également une limite
puisque l'aspect culturel et macroéconomique entre les deux
régions pourrait influencer cette conclusion.
Enfin, une autre limite de la recherche concerne
l'éthique coopérative, puisqu'aucun élément n'a
été trouvé par la revue de presse en lien avec la gestion
de crise. Nous n'avons que peu réussi à identifier s'il y a un
processus de gestion basé sur l'éthique coopérative dans
les deux cas. Le seul élément qui peut être
éventuellement affirmé à ce stade de l'étude est
que selon le modèle de l'évolution de l'éthique
coopérative de Vendrame (2006), le Crédit Agricole se situe plus
dans une éthique néolibérale du côté de sa
structure bancaire et une éthique coopérative du
côté de sa structure mutualiste. Desjardins se trouve aussi entre
une éthique néolibérale et coopérative. Cependant,
c'est un constat préliminaire qui nécessiterait une étude
plus approfondie afin d'analyser l'évolution de l'éthique
coopérative des ces banques avant, pendant et après la crise.
Cela nécessiterait une analyse interne au sein du Crédit Agricole
et du Mouvement Desjardins que nous encourageons
108
fortement pour de futures recherches. Cette nouvelle recherche
pourrait permettre d'explorer le lien entre la gestion de crise et
l'éthique coopérative car ces deux notions semblent être
à première vue fortement reliées.
Actuellement, le principal défi au niveau de la
gouvernance des banques coopératives est donc d'allier les deux niveaux
des activités bancaires internationales et locales. L'autre défi
est d'intégrer l'apprentissage qu'une gestion stratégique doit
nécessairement intégrer une gestion de crise, et que
paradoxalement, tout effort de production mène
irrémédiablement vers des effets destructeurs.
Premièrement, au niveau de la gouvernance managériale des banques
coopératives, il est essentiel de distinguer entre les
différentes structures qui ont émergé au cours de cette
étude des deux banques coopératives, à savoir : 1)
une structure bancaire axée sur des activités de
dépôt représentée par la banque de
dépôt ou commercial, 2) Une structure coopérative
axée sur des activités mutualistes et coopératifs
représentée par le réseau des caisses; 3) une
structure financière axée sur des activités
bancaires d'affaires et financières représentée par
l'institution financière ou banque d'affaires. Cette distinction est
importante car cela implique de séparer les activités
traditionnelles de banque de dépôt de celles financières ou
d'affaires qui, en cas de crise systémique, risquent d'affecter
l'ensemble du groupe coopératif y compris le réseau des caisses
et les membres. Cela implique pour les banques coopératives de faire des
choix en fonction de la priorité et des objectifs tout en prenant en
considération leur environnement, taille de développement et
cycle de vie, en particulier celles qui ont atteint un stade « mature
» comme c'est le cas du Crédit Agricole et Mouvement Desjardins.
Cette phase est caractérisée par l'accroissement de divisions
internes, un affaiblissement de l'idéologie collective et la disparition
de la raison d'être initiale de la coopérative. Tout ceci tend
à menacer la survie et la continuité de la coopérative
à l'état mature (Brazda et Schediwy, 2001; Heflebower, 1980; IMF,
2007).
Deuxièmement, l'autre implication managériale
pour la gouvernance des banques coopératives, dans le cadre de ces deux
cas d'étude, est l'intégration de l'apprentissage qu'une gestion
stratégique doit nécessairement intégrer une gestion de
crise, et que paradoxalement, tout effort de production mène
irrémédiablement vers des effets destructeurs. Les deux banques
coopératives n'avaient de plan de gestion de crises ni de cellule
dédié à la préparation ou prévention de
crises. En dépit du fait que Desjardins a pu limiter
considérablement les effets de la crise avec une gestion prudentielle et
une structure bancaire plus traditionnelle, il n'y a pas de structure
consacrée à la prévention de crises et de même pour
le Crédit Agricole. Pourtant, la crise financière a
révélé les limites organisationnelles des banques
coopératives lorsqu'elles s'internationalisent ou diversifient leurs
activités sur le marché financier, puisque cela a crée des
déséquilibres au niveau culturel, structurel et
stratégique au sein du Crédit Agricole et chez Desjardins mais
dans une moindre mesure. Or pour reprendre une citation évoquée
auparavant : « Les crises organisationnelles sont trouvent leurs
sources à la fois dans des déséquilibres
générés par l'organisation elle-même, mais aussi
dans un ensemble d'options de société qui guident nos
comportements et nos décisions et qui façonnent notre
manière de voir le monde » (Roux-Dufort, 2000, p. 8). Ainsi,
« la gestion de
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crises est devenue un enjeu stratégique pour les
entreprises, non seulement pour préserver leur légitimité
et leur pérennité mais aussi pour le bien être des
communautés, des sociétés et de l'environnement »
(Roux-Dufort, 2000, p. 10).
Ces implications managériales au niveau de la
gouvernance des banques coopératives impliquent deux approches pour de
futures recherches sur les banques coopératives. D'abord, au niveau de
l'approche managériale, de manière générale, il
semble qu'il y ait peu de travaux sur la gouvernance coopérative. En
effet, il n'y a pas assez de travaux internationaux d'uniformisation et
d'organismes d'élaboration de politiques sur la gouvernance des
coopératives et mutuelles (Cornforth, 2002). Ceci implique donc des
risques potentiels de gouvernance dans les banques coopératives qui
peuvent échapper à l'attention or être mal compris par les
gestionnaires (IMF, 2007). Par ailleurs, davantage de recherches seraient
intéressantes sur l'intégration de la gestion systémique
de crises dans les banques coopératives car elles ont un modèle
organisationnel coopératif à la base systémique et
démocratique, puisqu'il prend en compte l'ensemble des membres, parties
prenantes, communautés et l'environnement. Cela pourrait
également être un socle pour des recherches sur l'éthique
coopérative puisque la culture joue un rôle essentiel, en plus de
la réglementation, dans la mise en place d'un cadre réglementaire
mais aussi moral en opposition avec la culture de désengagement moral
(Bandura, 1999) et observée dans le milieu bancaire et financier
(Pauchant et al., 2015).
Ensuite, au niveau de l'approche de gestion internationale,
dans le cas des banques coopératives, de plus amples recherches portant
sur l'internationalisation ou la diversification sur le marché financier
international, qui tend à complexifier les structures, à
créer une double culture parfois même trois (bancaire -
financière - coopérative) dans les coopératives. Ceci pose
de nombreux défis lorsqu'elles sont confrontées à des
choix stratégiques comme par exemple s'internationaliser et peut
créer des déséquilibres organisationnels, incertitudes et
déficit démocratique tels que constatés avec le
Crédit Agricole. Il serait intéressant d'aborder dans ce sens en
gardant à l'esprit le Glass-Steagall Act qui permet de séparer la
structure bancaire de dépôt de celle financière ou
d'affaires, mais aussi le fait que la discipline des affaires internationales
dispose aussi de l'avantage d'une vision globale, systémique et
pluridisciplinaire.
Aujourd'hui, près de sept ans après la crise des
supbrimes et financière, qu'est devenu le système
financier international? Quel est le poids de la finance dans l'économie
réelle mondiale? Est-ce que le système financier international
est plus régulé qu'avant 2008? Que sont devenus les
réformes et directives de régulation du marché bancaire et
financier annoncées par les gouvernements européens et
américain? Est-ce que les banques coopératives ont saisi
l'importance de leur rôle coopératif dans l'économie locale
et mondiale? En plus des nombreux auteurs qui ont constaté la
financiarisation de l'économie, des organisations internationales telles
que le FMI, la Banque mondiale ou le Forum de Davos ont également
évoqué la financiarisation de l'économie, et sont
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d'avis que les changements effectués depuis
l'émergence de la crise financière de 2007-2008 sont encore
insuffisants (IMF, 2014; WEF, 2013; Mussa, 2009; Pauchant et Franco, 2014).
L'une des voies vers une économie socialement responsable est le
système de création et production coopératif. Les
entités ou organisations coopératives ont la capacité de
développer des communautés sur le plan économique, social
et environnemental tout en étant responsables socialement,
éthiquement et génèrent de la croissance à long
terme. Monique F. Leroux, PDG du Mouvement Desjardins, avait alors
déclaré que les coopératives offrent une «
réponse tangible » pour relancer l'économie mondiale et que
« quand on regarde ce qui se passe actuellement, on sent une forme de
déconnexion entre les grands enjeux financiers [et] une grande partie de
la population [...] Cela nous semble parfois aussi bien loin des
réalités de l'économie réelle » (Reibaud,
2011 (b), p. 1).
La crise financière était une crise
systémique qui englobe des mécanismes, des facteurs et des
acteurs économiques, institutionnels, publics, étatiques, sociaux
etc. qui forment un système économique et financier avec une
multitude d'intérêts d'une extrême complexité.
Cependant, ce système comporte un déséquilibre entre
l'économie et l'industrie financière car cette dernière
pèse beaucoup plus en termes de profit et de pouvoir.
L'économiste Nico Paech a décrit le système financier
actuel dans un entretien vidéo (Robin, 2014)22: « Ce
système mécanique permet de multiplier l'argent très
facilement. Or cet argent ouvre le droit à des biens matériels,
ce qui crée une pression sur l'économie réelle qui doit
suivre avec la production. Ce décalage entre l'économie
réelle et l'économie financière ne peut que créer
des crises » (Robin, 2014). Ceci rejoint le point soulevé
auparavant par plusieurs auteurs et organisations reconnues (FMI, Banque
mondiale, Forum de Davos) sur la financiarisation de l'économie qui
s'associe à un déficit démocratique, un accroissement des
inégalités, un contexte mondial d'incertitude et de crises (IMF,
2014; WEF, 2013; Mussa, 2009; Pauchant et Franco, 2014).
Cette financiarisation de l'économie a
été en partie expliquée par le fait que l'économie
s'est éloignée des autres sciences sociales telles que la
sociologie et les sciences politiques pour se rapprocher davantage de la
finance et du milieu des affaires. Ceci a finit par isoler l'économie et
la finance des autres disciplines, pourtant essentielles et
complémentaires, ce qui a crée des déséquilibres et
failles que la crise financière 2007-2008 a révélé.
Or comme l'a fait remarquer Thomas Piketty, dans un livre paru récemment
et ayant occasionné du bruit, en concluant que la science
économique ne peut être coupée des autres
considérations sociales, en y incluant des dimensions historiques,
anthropologiques, psychologiques, sociologiques, politiques et morales
(Piketty, 2013). Ces affirmations rejoignent ce que nous avons
énoncé en introduction sur l'importance pour les
académiciens d'avoir un cadre global qui inclue toutes les dimensions et
disciplines. La coopération entre les disciplines pourrait renforcer la
capacité de concevoir des modèles de gouvernance globaux et qui
permettent d'avoir une vision à long terme et préventive.
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