3.1.2.3 La gestion de crise au niveau de la structure
organisationnelle
Le Groupe Crédit Agricole a une double structure
organisationnelle : une structure mutualiste et une structure bancaire. La
première est représentée au niveau politique par la FNCA
(Fédération Nationale du Crédit Agricole) fondée
sur la loi Association de 1901. La seconde structure est
représentée par le Crédit Agricole S.A. (CASA),
société anonyme cotée en bourse en 2001. En d'autres
termes, le Groupe Crédit Agricole a une structure organisationnelle
fondée sur un modèle hybride alliant la banque coopérative
« mutualiste » du Crédit Agricole représentée
par la FNCA et son réseau des 39 Caisses régionales et la banque
commerciale « financière » représentée par la
société cotée Crédit Agricole S.A. Ce modèle
de gestion hybride de la Banque verte est illustré par la figure 17 et
18 à l'Annexe 9.
Le Crédit Agricole est une organisation qui est
à la fois mutualiste et capitaliste, donc hybride. (Batac, Maymo, et
Pallas-Saltiel, 2008). La structure organisationnelle sur laquelle repose le
Groupe Crédit Agricole serait plus performante qu'une structure
centralisée. La médiation par les Caisses régionales
permet de réduire le
67
coût de coordination, mais cela diminue l'influence des
Caisses locales (Batac et al, 2008). En effet, en dépit du fait que les
Caisses régionales représentées par la FNCA sont
également propriétaires de la structure cotée du CASA
(54%), elles ont un pouvoir d'intervention limité. Le CASA a les
pouvoirs d'organe central et assure le contrôle, les sanctions et
l'agrément accordés aux présidents et aux directeurs
généraux des Caisses régionales (Chocron, 2013). Cela
signifie qu'actuellement, la structure bancaire commerciale prévaut sur
la structure coopérative et mutualiste au sein du Groupe Crédit
Agricole. Le FNCA tente depuis quelques années de rétablir le
pouvoir mutualiste auprès du gouvernement français, notamment
à l'été 2013, en demandant d'introduire des modifications
législatives nécessaires à ce transfert de pouvoir. Le
gouvernement a considéré ce projet de changement de gouvernance
avec méfiance, en justifiant que le Crédit Agricole, qui a
été particulièrement affecté par la crise
financière, « se concentre sur sa stratégie et son
avenir » plutôt que sur les luttes de pouvoir (Chocron, 2013,
p. 1).
3.1.2.4 La gestion de crise au niveau de la
stratégie organisationnelle
En analysant la trentaine d'articles de presse, le principal
fait qui en ressort est que le Groupe Crédit Agricole n'avait pas un
plan stratégique de gestion de crise systémique clairement
établi et communiqué. C'était une gestion de crise de type
« urgence » qui consistait à mettre en place au fur et
à mesure des plans d'actions face aux « urgences ». Il n'y
avait pas de données à travers les articles qui permettaient
d'observer un plan de prévention de crise activé dès le
déclenchement de la crise des subprimes en 2007. Globalement,
entre 2007 et 2012, nous avons identifié trois phases d'actions au sein
du Groupe Crédit Agricole pour gérer la crise financière
et surtout limiter les pertes.
La première phase de gestion de crise du Crédit
Agricole fut de bénéficier de l'aide du gouvernement
français dans le cadre du plan français de soutien de
l'économie pendant la crise en 2008 (L'Expansion, 2009). Le gouvernement
français avait débloqué 19,8 milliards d'euros pour faire
face à la crise, et notamment pour recapitaliser les cinq principales
banques françaises dont le Crédit Agricole. Ce dernier avait
emprunté à l'État 3 milliards d'euros (plus 220 millions
d'euros d'intérêts) qu'il a remboursé en octobre 2009
(L'Expansion, 2009). Le gouvernement français a relancé une
deuxième tranche de soutien en février 2009 mais le Crédit
Agricole a décidé de ne pas en bénéficier. La
Banque verte s'est également tournée vers le marché et ses
actionnaires afin de recapitaliser ses comptes. En 2008, la banque
coopérative avait collecté 5,9 milliards d'euros par
l'intermédiaire de son actionnariat incluant la participation des
Caisses régionales (Daneshkhu, 2009(a)).
La deuxième phase de gestion de crise du Groupe fut de
restructurer le plan d'expansion international lancé en 2005 sous la
direction de Georges Pauget. Ce dernier, pour enrayer les pertes de Calyon et
satisfaire les Caisses régionales, a lancé fin 2008 un plan de
restructuration qui prévoyait l'arrêt des activités les
plus risquées
68
et le renforcement du contrôle des risques (Le Monde,
2009 (b)). Georges Pauget a reconnu qu'il y a eu des erreurs
stratégiques à Calyon en déclarant que « dans le
marché des produits de crédit, nous avions fait quelques erreurs
dans l'évaluation du niveau de risque. Nous n'avons pas compris les
signes que le marché envoyait quelques mois auparavant car
l'équipe...n'a pas considéré les relations entre les
marchés et l'économie réelle » (Daneshkhu,
2008(c)). Cette affirmation vient souligner l'importance du facteur humain dans
la gestion systémique d'une organisation telle qu'une banque à
l'échelle internationale, qui inclut une multitude de facteurs et
d'interactions politiques, sociaux et économiques. Ces
éléments doivent être considérés dans la
gestion de crise systémique et sa prévention, en particulier dans
le contexte international.
Le plan de restructuration du Crédit Agricole au niveau
international avait pour principal objectif de réduire ses
activités financières de haut risque, son degré de
dépendance du marché de financement volatil, et son niveau de
financement en capital via ses filiales internationales et la banque de
détail. Ainsi, le groupe mutualiste a annoncé un plan en 2011
pour faire passer son programme de financement à moyen et long terme de
22 milliards d'euros en 2011 à 12 milliards d'euros en 2012, ainsi que
réduire l'endettement de 50 milliards d'euros entre juin 2011 et
décembre 2012 (Le Monde, 2011 (a)). Pour y parvenir, le Groupe s'est
désengagé partiellement d'activités de financement
structurées, de banque commerciale et de marchés, ainsi qu'en
fermant des implantations non stratégiques à l'étranger
(21 pays sur 53 concernés par l'arrêt d'offre de services
d'investissement bancaire) (Le Monde, 2011 (a)). Par ailleurs, la banque verte
a annoncé en décembre 2011 la suppression de 2 350 postes, dont 1
750 au niveau des activités de banque de financement et
d'investissement, ainsi que du pôle Credit Agricole Consumer Finance
(CACF) qui regroupe le crédit à la consommation. En France,
850 postes ont été supprimés. (Le Monde, 2011 (b)).
La troisième phase de gestion de crise de la banque
coopérative fut d'établir un plan stratégique
focalisé sur les activités mutualistes et de banque de
détail. Autrement dit, un retour aux sources coopératives et
mutualistes à partir de 2010. Cette réorientation
stratégique s'est traduite premièrement par le plan de
restructuration vu au paragraphe précédent qui a réduit
considérablement les activités bancaires d'investissement au
profit de celles de détail. Deuxièmement, par la nomination de
Jean-Paul Chifflet en 2010 en tant que directeur exécutif,
remplaçant Georges Pauget. Ayant été chef d'une des plus
grandes Caisses régionales à Lyon, ainsi que Secrétaire
général de la FNCA, Jean-Paul Chifflet avait ouvertement
exprimé en 2008, durant son mandat à la FNCA, son opposition
à la prise excessive de risque après le déclenchement de
la crise financière en 2008. Il avait déclaré à
l'audience du Congrès annuel de la FNCA: « Non, la course
irrationnel pour les profits immédiats ne fait pas partie de nos valeurs
» (Daneshkhu, 2011, p. 1-2). Jean-Paul Chifflet a donné le ton
au plan stratégique du Groupe Crédit Agricole
réorienté vers le mutualisme en déclarant au Financial
Time en 2011 qu'il préfère
69
démontrer un développement de long-terme
plutôt qu'un succès temporaire, et que le Groupe Crédit
Agricole veut désormais une profitabilité de long terme et
axée sur le développement durable (Daneshkhu, 2011).
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