Chapitre 2 : Méthodologie de la recherche
Ce chapitre traite de la méthodologie de recherche qui
a pour objectif d'examiner la gestion de crises et de l'éthique
coopérative au sein de deux banques coopératives que sont le
Crédit agricole et Desjardins. Nous allons ainsi comparer l'impact de la
gestion de crise et d'éthique sur la performance financière des
banques coopératives avant, pendant et après la crise
financière de 2008. Notre méthodologie est fondée sur une
étude de cas comparative des deux banques coopératives dont nous
allons observer le comportement organisationnel (au niveau de la gestion de
crise/éthique coopérative) et humain.
Pour effectuer cette étude comparative, deux principaux
modèles d'analyse organisationnelle seront utilisés, dont un a
été élaboré par Pauchant et Mitroff (2001) pour la
gestion de crises, et l'autre par Vendrame (2006) pour l'éthique
coopérative. Le premier modèle consiste à analyser le
processus interne de gestion de crise d'une organisation sur quatre niveaux :
individu, culture, structure et stratégie. Le deuxième est un
modèle d'analyse de l'évolution éthique coopérative
fondé sur trois axes que sont la création de la valeur, la
stratégie et l'intensité des règles coopératives.
Dans le but de renforcer la méthodologie, le modèle du
désengagement moral de Bandura (1999) sera utilisé à un
stade secondaire afin d'observer les mécanismes de défense au
niveau de l'individu et la culture en gestion de crise.
Par ailleurs, la méthodologie de recherche est
fondée sur une étude de cas multiple. Ce procédé
permet en effet de comparer plusieurs cas afin de déterminer si une
caractéristique ou un résultat est spécifique à un
seul cas ou bien peuvent être reproduits par plusieurs cas (Eisenhardt et
Graebner, 2007). Les cas multiples permettent également une exploration
plus large des questions de recherche et des théories et sont par
conséquent, considérés comme appropriés afin de
mettre en lumière la question de recherche de manière globale
(Yin, 2004; Eisenhardt et Graebner, 2007). Dans notre mémoire, il s'agit
donc d'une étude de cas multiples qui s'inscrit dans une dimension de
temps croisé (observations de cas multiples sur une période) de
cas de banques coopératives dont la problématique peut aboutir
soit sur deux cas avec des résultats similaires mais par
différents processus, soit sur deux cas avec des résultats
différents mais par des processus similaires.
L'un des objectifs de cette étude est de souligner que
l'approche déductive issue des sciences
mathématico-déductives en vue de traduire et interpréter
la réalité peut s'avérer insuffisante même si elle
est nécessaire. En effet, dans un contexte systémique complexe
où des facteurs humains, psychologiques, structurels, technologiques,
institutionnels, culturels et environnementaux sont à prendre en
considération dans un système de gestion, la méthode
déductive scientifique peut présenter de sérieuses limites
à analyser et expliquer clairement et adéquatement l'interaction
et l'interrelation complexe de ces facteurs dans un système
donné. D'où la nécessité
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de prendre également en considération une
analyse fondée sur une méthodologie qualitative, qui de
manière complémentaire, peut amener à mieux cerner la
problématique, et à établir un cadre conceptuel afin de
capturer la dynamique complexe de ces interactions et interrelations de
multiples facteurs dans un système donné tel que financier.
2.1 Présentation des cas d'études
Tel que mentionné précédemment, notre
étude est fondée sur la comparaison de cas multiples,
précisément de deux banques coopératives, Soit la banque
coopérative du Mouvement Desjardins fondée au Québec
(Canada) et la banque coopérative du Crédit Agricole en
France.
Nous avons choisi d'étudier les banques
coopératives car ces institutions ont un modèle organisationnel
qui, durant la crise financière, a émergé comme
étant un modèle plus socialement responsable que des banques
commerciales et d'affaires. Au-delà de cela, tel que nous l'avons vu
précédemment dans la revue de littérature, le
modèle coopératif bancaire, de par ses caractéristiques,
s'est avéré plus stable dans un contexte de crise
systémique financière. Ce qui lui a permis de limiter les pertes
financières dans le secteur bancaire coopératif de manière
générale. En effet, au lendemain de la crise financière,
les banques coopératives ont émergé comme institutions
financières alternatives de l'économie sociale parmi l'opinion
publique tel que relaté par la presse dans de nombreux pays
touchés par la crise.
Nous avons choisi le Crédit agricole versus le
Mouvement Desjardins car le principal objectif de l'étude comparative de
ces deux cas est de comparer ces deux institutions financières
coopératives et leur processus de gestion de crises et
l'évolution de leur éthique coopérative. En effet, tel
qu'évoqué auparavant, le Mouvement Desjardins a assez rapidement
surmonté la crise financière internationale de 2008 et
limité les pertes financières comparé au Crédit
Agricole. Néanmoins, Desjardins fut affecté dans une moindre
mesure par la crise telle que nous le verrons. Ces deux coopératives
financières ont également été choisies en raison de
leur gouvernance coopérative similaire avec une structure
organisationnelle hybride alliant des services bancaires coopératifs et
services financiers et d'assurances. Elles se sont toutes deux
internationalisées mais à différent niveau : le
développement international coopératif pour Desjardins et les
activités internationales financières pour le Crédit
Agricole. Elles ont été toutes les deux fondées à
la fin du XIXe siècle et historiquement dans une culture francophone,
Desjardins au Québec et Crédit Agricole en France. Cependant, en
termes de nombre de membres, chiffres d'affaires et actifs totaux, elles
différent sensiblement. En termes de nombre de membres et chiffres
d'affaires (2014), le Crédit Agricole est plus grand, mais en termes
d'actifs totaux, Desjardins possède une plus
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grande réserve de capitaux propres1, soit
229,4 milliards de dollars canadiens en 2014 versus 86,7 milliards d'euros pour
le Crédit Agricole (voir tableau ci-dessous).
Le tableau 1 ci-dessous donne un aperçu comparatif des
principales informations organisationnelles de chaque banque. Il est à
noter que, selon la présentation des données financières
provenant du site internet officiel du Crédit Agricole, les
résultats du Groupe Crédit Agricole comprennent ceux de la
société cotée Crédit Agricole S.A., des caisses
régionales, des caisses locales et leurs filiales. Le Crédit
Agricole S.A. est à la tête du Groupe et a un triple rôle:
il est l'organe central du Groupe, est responsable de la cohérence et
développement stratégique et il représente la banque
centrale du Groupe.
Tableau 1 : Informations institutionnelles du Groupe
Crédit Agricole et Mouvement Desjardins.
Source : sites internet officiels du Groupe Crédit
Agricole et Mouvement Desjardins (2015) et Centre d'études Desjardins
des coopératives de services financiers de HEC Montréal
(2012).
Information institutionnelle
|
Groupe Crédit Agricole
|
Mouvement des caisses Desjardins
|
Année d'établissement
|
1885
|
1900
|
Pays d'origine
|
France
|
Canada (Québec)
|
International
|
54 pays (Secteur affaires)
|
30 pays (Secteur développement)
|
Nombre de membres
|
8,2 millions
|
5,581 millions
|
Nombre de clients
|
50 millions
|
Environ 1,5 millions2
|
Nombre d'actionnaires
|
1,1 millions
|
ND
|
Nombre d'employés
|
140 000 (France et international)
|
54 966
|
Nombre caisses locales
|
2512
|
360 (Québec et Ontario)
|
Nombre caisses régionales
|
39
|
ND
|
Nombre de centres de services
|
11 300
|
805 (Québec et Ontario)
|
Actif total (2014)
|
86,7 milliards d'euros
|
229,4 milliards dollars CAD
|
Revenu d'exploitation (2014)
|
30,2 milliards d'euros
|
12,7 milliards dollars CAD
|
1 Les capitaux propres peuvent être
appréhendés comme des actifs totaux, c'est-à-dire qu'il
s'agit de la valeur totale des actifs diminué du total des dettes. Il
est à noter qu'une coopérative ou une mutuelle, dépourvues
de capital social, peuvent avoir des capitaux propres si la valeur de leurs
actifs dépasse le montant de leurs dettes.
2 Il est à noter que les membres et clients du
Mouvement Desjardins se distinguent par leurs profils. Les membres sont les
sociétaires de la coopérative Desjardins ayant un compte courant
et/ou épargne auprès d'une ou plusieurs caisses et
bénéficiant entre autres du principe « une personne, une
voix ». Les clients sont externes à la coopérative
bénéficiant de services financiers des autres filiales du
Mouvement Desjardins telles que l'assurance, le courtage et le financement ou
crédits. Toutefois, un membre peut être également client
auprès d'une des filiales du Mouvement Desjardins.
La revue de presse et d'articles ont été
structurés sur la base d'un tableau Excel comparatif visant à
sélectionner et classer les principales idées et les citations de
chaque article qui correspondent à chaque niveau du
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Bénéfice net (2014)
|
4,9 millions d'euros
|
3,9 millions dollars CAD
|
Valeurs
|
Proximité, responsabilité, solidarité
|
L'argent au service du développement humain, l'engagement
personnel, l'action démocratique, l'intégrité et rigueur,
solidarité avec le milieu, l'intercoopération.
|
Secteur d'activité
|
Activités internationales, assurance; audit/conseil;
banque de détail; capital de risque; développement international;
gestion d'actifs; services aux grandes entreprises; services et
activités boursiers.
|
Gestion de patrimoine et Assurances de personnes; assurances de
dommage; services aux particuliers; services aux entreprises;
développement international.
|
Président(e) (Date nomination)
|
Jean Marie Sander (2010)
|
Monique F. Leroux (2008)
|
Pour résumer, il s'agit donc d'explorer et identifier
les facteurs qui ont permis à Desjardins de gérer la crise en
limitant davantage les effets négatifs par rapport au Crédit
Agricole. Ce dernier ayant subit beaucoup plus les effets de la crise
financière comme cela sera exposé ultérieurement. Cette
étude comparative entre les deux banques est fondée sur deux
modèles: le modèle organisationnel de l'oignon au niveau
de la gestion de crises par l'analyse des quatre niveaux que sont l'individu,
la culture, structure et stratégie dans le contexte de la crise
financière (Pauchant et Mitroff, 2001), et le modèle de
l'évolution éthique coopérative de chacune des deux
banques coopératives (Vendrame, 2006)
|