Le principe du droit de la responsabilite environnementale en droit europeen( Télécharger le fichier original )par Amaury Teillard Université de Cergy-Pontoise - Master 2 Recherche 2006 |
§ 2 L'exemple françaisPlusieurs exemples de la loi interne permettent de comprendre ce recours aux relations privées faites par le législateur dans notre droit. Le Code de l'environnement en donne un certain nombre. Tout d'abord, l'art. L.514-20 de ce code, qui vise l'hypothèse de la vente d'un site sur lequel une activité soumise à autorisation a été exploitée. Par ce texte, le législateur oblige le vendeur à déclarer toutes les activités passées exercées sur ce site, et les risques et inconvénients importants qui ont pu en résulter122(*). Ce qui est très intéressant dans ce texte est que cette obligation n'incombe pas seulement à l'exploitant d'une activité, ou le propriétaire de l'immeuble au moment de l'activité polluante, mais bien à tout vendeur d'un site sur lequel a pu être exercée à un moment une activité dangereuse. Cela contraint le vendeur à un travail de recherche historique sur le site. C'est donc un vrai « devoir de mémoire » des risques que crée cet article. Cette obligation se retrouve aussi dans l'art. L.125-5 du Code de l'Environnement123(*). Le vendeur ou bailleur d'un bien immeuble doit prévenir l'acquéreur ou locataire d'un bien situé dans une zone d'un « plan de prévention des risques technologiques » de sa situation, et de l'existence de sinistres qui auraient donné lieu à une indemnisation par les assurances, ou dont il aurait eu connaissance au moment où lui-même s'était porté acquéreur du bien. Là aussi, le devoir d'information rejoint le principe de la recherche de l'historique du site, la personne devant communiquer les informations qu'elle a eu ou qu'elle aurait pu obtenir. Enfin, l'art. 541-23 du Code de l'Environnement qui rend solidairement responsable quiconque aurait remis, ou fait remettre, ce type de déchets à une autre personne que l'exploitant d'une installation d'élimination agréée. Tous ces exemples montrent qu'il est concevable de se servir des relations contractuelles pour constituer un régime de responsabilité pour les dommages à l'environnement. § 3 L'absence de prise en compte des relations civiles en droit européen de la responsabilité environnementaleLa directive instaure un régime de responsabilité qui ne donne pas beaucoup de place aux parties privées124(*). Ainsi, aucune partie privée ne peut saisir le juge pour obtenir la mise en cause de la responsabilité d'un pollueur. C'est l'autorité publique qui en a la charge. De même, les dommages réparables sont définis par la réglementation. La directive aurait beaucoup gagné à définir un droit moins public se fondant plus sur les intérêts des parties. Notamment, elle aurait pu suivre l'exemple français qui assoit sa politique gouvernementale sur les relations contractuelles125(*). Cette solution est celle vers laquelle semble s'engager la France mais aussi plusieurs autres pays européens et il est d'autant plus étonnant que la directive de 2004 ait passé sous silence cette solution. Il était apparemment dans ses objectifs d'harmoniser les législations européennes ; il aurait été souhaitable dans ce cas qu'elle s'inspire des législations des pays européens dans la totalité des solutions qu'ils mettaient en place. D'autant que cette solution semble être l'avenir de la responsabilité environnementale.
* * * * * * * * * Dans les années 90, avec la découverte des multiples risques pour l'homme des pollutions industrielles, les systèmes juridiques se sont tournés vers la responsabilité sans faute, qui paraissait la plus à même de protéger l'environnement et de permettre sa remise en état. Devant les imperfections importantes de ce type de régime, l'Union européenne est revenu vers un régime plus classique de responsabilité pour faute. Cependant, elle n'est pas allée jusqu'au bout de son raisonnement, n'appliquant la faute qu'à une partie des activités professionnelles, celles considérées comme dangereuses. Si le régime qu'elle instaure avec la directive de 2004 est plus respectueux des principes juridiques d'un régime de responsabilité, elle ne suit pas vraiment l'évolution générale observée pour la responsabilité environnementale. L'Union aurait pu aller plus loin. En limitant l'application du régime de la directive à certains dommages, en limitant l'utilisation de la faute, en faisant participer l'Etat au détriment des parties privées et des relations contractuelles, la Commission a diminué d'autant l'intérêt de la directive pour l'avenir. Cependant, en identifiant le dommage écologique, en déterminant l'étendue et le domaine des réparations, cette directive de 2004, bien qu'imparfaite, a le mérite de poser les fondements d'un futur régime européen. * 122 W. Grandpré, L'obligation d'information du vendeur d'un terrain dans la loi sur les installations classées, Dr. Env. janvier-février 2000, p.15. * 123 Institué par la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 sur « la prévention des risques technologiques et naturels et réparation des dommages ». * 124 Isabelle Doussan, Le droit de la responsabilité civile française à l'épreuve de la « responsabilité environnementale » instaurée par la directive du 21 avril 2004, LPA, p.3. Elle qualifie même la directive « d'appendice aux réglementations préventives », de « mécanisme complémentaire aux pouvoirs de l'administration », estimant que la directive ne peut être considérée comme instituant un régime de responsabilité. * 125 Jérôme Attard, Contrats et environnement : quand l'obligation d'information devient instrument de développement durable, LPA, 26 janvier 2006, p.9. |
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