Analyse pragmatique des chansons de Koffi Olomide( Télécharger le fichier original )par Alain nyembwe kabala IFASIC - Licence 2013 |
SECTION I: Musique congolaise, des années 40 à nos joursTrès souvent on fixe la naissance de la musique congolaise vers les années 1900 et 190836(*). Mais pendant ce temps, cette musique était encore entachée en grande partie d'expériences issues de la musique traditionnelle, avec une touche de modernité due à l'influence coloniale. Son essor est fixé par la seconde guerre mondiale, au cours de laquelle on a assisté à des ensembles musicaux constitués des groupes de soldats de passage à Léopoldville et à Boma ; et qui influencèrent la musique de l'époque. A Kinshasa, on remarque la naissance des groupes tels que l'Harmonie kinoise, l'Odéon kinois, l'Amérique, la Martinique, etc... I.1 Première Génération : de 1930 à 1950La première génération de la musique congolaise, dominée par de nombreux leaders tels que « Paul Kamba, Antoine Kolosoy connu sous le nom de Wendo », Baudouin Mavula, AdouElenga, Camille Feruzi, Léon Bukasa et bien d'autres,37(*)avait connu une évolution caractérisée principalement par une grande audience et une réputation flatteuse à travers l'Afrique grâce à la conjonction de trois innovations que sont l'avènement des orchestres, l'introduction de la rumba et l'irruption de la radio et du phonographe. L'avènement des orchestres était caractérisé par un regroupement en ensembles musicaux qui se généralise à Léopoldville et qui se développe par vagues de générations au sujet des quelles Kufua Kunitu souligne: « une formation musicale nait à un moment donné de l'histoire, évolue et s'épanouit dans un environnement spatio-temporel précis s'identifiant à la jeunesse de son époque pour laquelle, elle traduit en effet, les sensibilités et les préoccupations essentielles, puis elle vieillit avec cette jeunesse et finit par disparaître »38(*). C'est à partir de cette période que la musique congolaise tente de se libérer de ses formes traditionnelles. Son évolution fut marquée par une affirmation de sa structure qui comportait les quatre éléments essentiels de toute musique à savoir : l'harmonie, la sonorité, la mélodie et le rythme, ainsi que l'usage des instruments modernes. Comme pour marquer l'identité caractéristique de cette musique, la rumba, originaire d'Amérique latine, fit son apparition en Afrique centrale. En RDC, elle fut rapidement adoptée, au point d'enrichir le patrimoine musical de l'époque grâce à ses multiples variantes qui vont de la rumba-sukumu du début de la guerre mondiale à la rumba kiri-kiri des années 80 en passant par la rumba-kara, la rumba-boucher et la rumba-sukusu. Aujourd'hui, la musique de la République démocratique du Congo est constituée à 75 % d'éléments empruntés à la rumba. D'autres genres musicaux tels que le cha-cha-cha à deux rythmes, le merenge, le pachanga, le boléro et le mambo, tous inspirés des rythmes sud-américains vinrent prêter main forte à la rumba pour l'expansion de la musique congolaise, à l'instar desquels on note les modes de diffusion, qui assurèrent une grande audience à cette musique et, par là, son rayonnement. Sur le plan textuel, on assiste à une écriture qui dissimule peu à peu dans l'importance du travail exaltée pour plaire au colonisateur, des injures, des malédictions et des imprécations de toutes sortes, incompréhensibles pour le non-initié. I.2 Deuxième génération : de 1950 à 1960 C'est vers 1950 que la musique congolaise « se libère petit à petit des pesanteurs Latino-américains pour laisser libre cours à l'âme congolaise ».39(*) A cette période, on assiste à la naissance de deux grands orchestres dont l'influence restera déterminante pendant plus de deux décennies, l'African Jazz et l'OK Jazz. Tous les membres de ces orchestres étaient nés dans l'entre-deux-guerres et avaient eu le temps d'intérioriser les différents aspects de la modernité naissante : instruction, urbanisation et instrumentation musicale. L'African Jazz fut créé par Joseph Kabasele, connu sous le nom de KabaseleTshamala, Kallé Jef ou encore Grand Kallé. Ayant fait ses études chez les Pères de Scheut et ayant été initié au chant chorale, il a su garder au cours de sa carrière artistique, les empreintes de ses origines aristocratiques. En 1953, il enregistre la chanson " African Jazz " avec Nico Kasanda, un guitariste chevronné connu sous le nom de" Nico Mobali " ou " Dr Nico ". Le style de l'orchestre se stabilisa en 1955 avec la création de la maison de production Esengo (qui remplaça Opika). Dès lors, Kabasele s'illustra dans la chanson politique à la grande période de mutation qui se réalisa à partir de 1956 jusqu'à l'indépendance. Dans les années qui suivirent, plusieurs autres orchestres de la même veine virent le jour : l'African-Fiesta qui se scinda en African-Fiesta Sukisa et en African-Fiesta international (devenu finalement Africa international), les As, le Super African Jazz, le Vox Africa, les Grands Maquisards, etc... D'un autre côté, l'OK Jazz fait irruption à l'initiative de M. Cassier. Le jeune François Lwambo, connu sous le nom de Franco n'avait que dix-sept ans lorsqu'il fut introduit dans l'orchestre où il ne tarda pas à s'imposer jusqu'à se hisser à la tête de cette dernière. Il se distingue tout d'abord par l'adaptation de la chanson traditionnelle, puis par sa façon de peindre la société par ses chants à travers lesquels l'image de la femme et la satire politique occupaient la prime position. A sa suite, de nombreux orchestres furent créés, s'inspirant directement de son oeuvre. On peut citer le Negro-Succès, le Vévé, le Trio Madjesi, le Tembo, et tant d'autres.
I.3. Troisième Génération : 1960 A partir de 1960, la musique congolaise fut ponctuée par un rajeunissement d'orchestres qui entraînera également une chorégraphie de plus en plus vivace. ZaïkoLanga-Langa fut la figure représentative de ces orchestres, au nombre desquels on peut compter Viva la Musica de Papa Wemba,LangaLanga Stars d'Evoloko, Chocs Stars de Ben Nyamabo, Anti-Choc de BoziBoziana, Victoria Eleison d'EmeneyaJokester et Quartier Latin de Koffi Olomide. Comme le souligne Manda Tchebwa « Les orchestres de cette génération deviennent en fait des vivriers artistiques où évoluent des artistes professionnels d'un dynamisme à toute épreuve dominé par une concurrence rude et des rivalités internes parfois anodines qui seront à la base d'interminables dislocations d'orchestres dont nous sommes témoins jusqu'aujourd'hui ».40(*) Les musiciens de cette époque voyageaient partout en vue d'étendre les champs de consommation de notre musique et participer à la concurrence face à d'autres musiques du monde. Les mots de Sankovy expliquent aussi mieux cette réalité « le Congo de l'époque s'ouvre sur le monde et libère ses vedettes musicales qui vont à la conquête de nouveaux adeptes qui ont un goût particulier de la musique tropicale ».41(*) Les ambitions commerciales de plus en plus prononcées influencèrent la musique congolaise, développant davantage les thèmes de la femme, du couple et de l'amour, en chantant certaines célébrités féminines telles que " Chérie Yvonne ", " Maria Tchebo ", " Albertine mwasiya bar " et surtout " Marie-Louise " de WendoKolosoy. L'une des caractéristiques majeures de cette période était l'attachement des leaders d'orchestres à leurs provinces d'origine qui nuançaient leur manière de rendre le chant. C'est ainsi que l'on avait par exemple: Grand Kallé pour la province du Kasaï, Lwambo et Madiata pour le Bas-Congo, Wendo, Izedi et EbengoDewayon pour le Bandundu, Franc Lassan pour le Maniema, Jean Bosco Mwenda, LostAbelo et Bukasa pour le Katanga, Lucie Eyengapour l'Equateur. L'avènement sur la scène musicale du phénomène d'animation et la création d'une nouvelle chorégraphie faite de nouvelles danses, sont un des éléments non négligeables de cette période. Petit à petit, les artistes congolais se libèrent des styles empruntés tels que le Mambo, le Cha-cha-cha et le Calypso pour se créer une identité propre, prise en charge par des vedettes tels que Tabouley Rochereau, LutumbaSimaro, KiamuanganaVerkys,Emeneya Jo-Kester, Koffi Olomide, LokuaKanza et de grandes voix féminines telles que: Lucie Eyenga, Etisomba, AbetiMasikini, Mpongo-love, Vonga aye, Mbilia Bel, Faya Tess et tant d'autres. I.4 La Quatrième Génération : 1970 à 1990 Comme si la montée en flèche des voix féminines ne suffisait pas, en 1977, on découvre deux voix féminines des anciennes danseuses devenues grandes chanteuses de la République démocratique du Congo alors qu'elles donnaient leurs premiers grands spectacles lors du deuxième festival panafricain des arts et culture à Lagos. Il s'agit d'AbetiMasikini et de Mpongo Love, à l'instar desquelles une danseuse de Mpongo Love, TshalaMwana, se distingue dans la chanson en se spécialisant dans « le mutwashi », un style originaire du Kasaï, sa région natale. Mbilia Bel, formée par TabuLey, rejoint à partir de 1985 les figures de proue de la chanson féminine congolaise en pleine expansion. En 1988, la scission de ZaïkoLangaLanga en ZaïkoLangaLanga - Familia Dei et ZaïkoLangaLanga - NkoloMbokaaffaiblit le clan Zaïko tout entier et très vite ce dernier cède son leadership à un nouveau clan, le « WengeMusica BCBG». Il sied surtout de signaler qu'outre la scission continue des orchestres, cette génération estégalement caractérisée par l'éclosion des phénomènes apparus pour la première fois dans la seconde partie de la décennie 1960, à savoir : la notion de spectacle, l'emploi des cris d'animation, le recours aux musiques traditionnelles et la conquête du marché européen. Actuellement, une nouvelle vague faite des jeunes issus des scissions de grands orchestres tels que : le Clan Wenge, Viva la Musica et le Quartier latin de Koffi Olomide se revendique d'appartenir à une nouvelle génération (la 5ème génération) dont les caractéristiques propres n'ont pas encore été décelées. Il est à comprendre qu'au cours de son évolution, la musique RD Congolaise a su conserver sa valeur essentielle, celle d'être un des principaux moyens de loisir comme le note Mandat Tchebwa « peu importe la forme, cette musique était dans une certaine mesure perçue comme passe - temps ».42(*) Au fil du temps, elle a subi les influences de la musique étrangère et s'est rapidement débarrassée des leçons de morale, pour faire place à la promotion d'une mode parfois contestée par les valeurs congolaises. C'est au vu de ce qui précède que nous allons analyser notre musique en vue de démontrer ses performances pragmatiques. * 36 LONOH, M., « Essai de commentaire sur la musique congolaise », S.E.I, Kinshasa, 1969, p21. * 37 www.starducongo.com * 38 KUFUA KUNITU, « La musique zaïroise moderne au seuil de l'an 2000, ¾ de siècle et quatre génération » Conférence CFC/Zaïre 1993, p10 * 39ASSINDY SANKOVY,M,« Evolution de la musique congolaise moderne », in collectif, Kinshasa, 2003,p38 * 40MANDA TCHEBWA, Terre de la chanson. La musique hier et aujourd'hui, Bruxelles, Afrique éditions, 1996, p178 * 41ASINDY SANZOVY,M.«Evolution de la musique congolaise moderne », in collectif, Kinshasa, 2003,p38 * 42 MANDA TCHEBWA, « Terre de la chanson, la musique zaïroise hier et aujourd'hui, »Afrique édition, Bruxelles, 1996, p173 |
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