CONCLUSION
GÉNÉRALE
Nous voici au terme de notre réflexion qui a
porté sur « Le droit pénal
congolais et la Convention sur la
cybercriminalité ». Nos cogitations dans ce
travail ont tourné autour de la question de rechercher les dispositions
de la Convention qu'il fallait rattacher au droit congolais. Nous avons
à cet effet subdivisé ce travail en trois chapitres dont le
premier présentait une approche générale de l'Internet et
de la cybercriminalité ; alors que le deuxième montrait la
répression de la cybercriminalité en droit congolais ainsi que
les failles qui résultent de l'application des dispositions
pénales ; et le troisième a parlé de la Convention
sur la cybercriminalité ainsi que des apports en droit congolais.
Après avoir démontré que le cyberespace
tend à devenir un simple reflet de l'espace réel, avec quelques
problèmes particuliers, de nouveaux agissements criminels
spécifiques ont vu le jour. Ces actes vont des atteintes aux biens, aux
personnes ainsi qu'aux intérêts nationaux. Pour une meilleure
approche du phénomène, nous avons distingué deux
situations différentes : celle dans laquelle les moyens
informatiques ne sont que des instruments facilitant la commission des
infractions classiques et celle dans laquelle les moyens informatiques sont la
cible même de la criminalité.
Face à ces comportements et vu l'âge
respectable de la plupart de nos dispositions pénales
actuelles, nous avons recouru à l'interprétation évolutive
pour tenter de réprimer la cybercriminalité avec la
difficulté que certains actes n'étaient pas
réprimés ou, en forçant le raisonnement, de risquer de
tomber dans l'analogie, qui est prohibée en droit pénal.
La répression de ces infractions se heurte à une
difficulté fondamentale : la transnationalité de l'Internet.
En effet, avec les réseaux informatiques, les barrières
disparaissent pour les délinquants mais pas pour les enquêteurs ou
les magistrats. La territorialité de la loi pénale renferme les
autorités judiciaires dans la sphère d'un territoire. En plus de
l'inadaptation des dispositions pénales, nous avons relevé
l'inadaptation du système judiciaire du fait que les autorités
judiciaires sont sous-formés en matière des NTIC et les
mécanismes de perquisition et de saisie sont, en l'état actuel,
juridiquement inadaptés au monde virtuel.
A ces difficultés de l'ordre interne, nous avons
signalé dans l'ordre international que notamment l'exigence d'une double
incrimination comme condition d'entraide, n'est pas pour faciliter la
répression de la cybercriminalité.
Devant ces difficultés, des mesures nationales sont
indispensables, mais elles ne seront guère utiles sans une collaboration
au niveau international car les conséquences de la
cybercriminalité sont ressenties de la même façon dans tous
les pays, riches ou pauvres.
C'est dans ce cadre qu'a été signée, dans
le cadre du conseil de l'Europe, une Convention sur la cybercriminalité
le novembre 2001. La Convention réglemente l'harmonisation des
législations nationales concernant la définition des
crimes, définit les moyens d'enquête et de poursuites
pénales spécifiques à la mondialisation des réseaux
et met en place un système sui generis de coopération
internationale.
Elle prévoit quatre grandes catégories
d'infractions : les infractions contre la confidentialité,
l'intégrité et la disponibilité des données et
systèmes (accès illégal, interception illégale,
atteinte à l'intégrité des données, atteinte
à l'intégrité du système, abus de
dispositifs) ; les infractions informatiques (falsification et fraude
informatiques) ; les infractions se rapportant au contenu (actes de
production, diffusion, possession de pornographie enfantine, propagation
d'idées racistes et la xénophobie à travers les
réseaux) ; les infractions liées aux atteintes à la
propriété intellectuelle et aux droits connexes.
Du point de vue procédural, elle prévoit de
nouvelles règles destinées à faciliter les enquêtes
comme : la conservation des données stockées ; la
divulgation rapide des données relatives au trafic ; la
perquisition des systèmes et la saisie de données
informatiques ; la collecte en temps réel des données
relatives au trafic et l'interception de données relatives au
contenu.
En matière internationale, la Convention prévoit
de nouvelles formes d'entraide pénale notamment un réseau de
contact disponible 24 heures sur 24 ; sept jours sur sept (Réseau
24/7) afin de prêter une assistance immédiate aux investigations
en cours.
C'est donc sur base de ces recommandations que nous avons
proposé au législateur congolais, même si le Congo n'est
pas membre du Conseil de l'Europe ou n'a pas encore adhéré
à la Convention, de prendre des mesures utiles afin de lutter contre la
cybercriminalité. Ces mesures ont concerné tant le droit
pénal matériel, le droit procédural que la
coopération internationale.
Mais il faut dès lors reconnaître que ce
rapprochement des législations nationales en matière
pénale est bien en retard par rapport au droit civil et commercial que
les exigences de la vie économique et les intérêts
commerciaux ont depuis longtemps mis sur ce chemin-là. Ce retard
s'explique par le fait que les dispositions pénales sont toujours
liées à la culture et aux traditions éthiques et
juridiques d'un Etat et protègent de plus toujours les
intérêts politiques de la classe dominante de l'Etat donné.
Mais la protection des intérêts de la communauté des
nations doit faire évoluer cette situation, ce qui peut s'étendre
et avoir des conséquences bénéfiques sur d'autres domaines
du droit pénal également.
Dans la mise en oeuvre de ces dispositions dans l'ordre
interne, le législateur devra subordonner la poursuite de ces
infractions à l'exigence d'une plainte préalable de la victime
pour ne pas nuire aux intérêts des particuliers ou des
entreprises.
Le plus difficile peut-être dans la mise au point d'une
stratégie efficace de lutte contre la cybercriminalité sera de
former des enquêteurs et des magistrats et de les tenir informés
des dernières innovations techniques et des nouvelles tendances de la
criminalité. Une telle formation pose d'énormes
difficultés même pour les pays riches et techniquement
avancés et des services d'experts seront nécessaires pour
éviter les vides juridiques que les délinquants informatiques
pourraient exploiter. Enfin, l'objectif est de faire en sorte que chacun puisse
participer à la communauté électronique sans craindre
d'être victime de la criminalité informatique car, à
l'heure où le «village planétaire » tend à
diluer le concept de nation, les mots de Cesare Beccaria, initiateur des
principes fondamentaux de notre droit pénal, écrits il y a plus
de deux siècles, doivent nous interpeller sur l'application du droit
pénal aux infractions commises sur l'Internet : « Si l'on veut
prévenir les délits, il faut faire en sorte que les lois soient
claires et simples, et que tous les membres de la nation unissent leurs forces
pour les défendre, sans qu'aucun ne puisse travailler à les
détruire ».
Le cyberespace étant en perpétuelle
évolution, nous craignons que les cyberdélinquants n'adoptent des
nouveaux mécanismes de criminalité au point que les
recommandations proposées dans cette étude ne deviennent
inefficaces. C'est que nous proposons que d'autres études
ultérieures puissent se pencher sur ce phénomène en
préconisant des nouvelles mesures adaptées aux circonstances.
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