III.2. Evaluation de la
qualité des eaux du département
L'étude hydrochimique des aquifères du
département de Didiévi, portée sur 33 échantillons
en raison de la qualité des informations qu'ils renferment, a permis
d'avoir plusieurs resultats.
D'abord, l'étude de la potabilité des eaux
montre que environ 80% des eaux du département ont un pH allant d'acide
à neutre. Cette acidité est principalement liée à
la production de CO2 dans les couches superficielles du sol sous
l'action des activités biologiques (Kortatsi et al., 2007
in Oga et al., 2009). Les eaux souterraines du
département sont caractérisées par une
minéralisation moyenne de façon générale à
l'exception de l'eau de N'die qui présente une forte
minéralisation. Les ions les plus abondants dans ces eaux sont par ordre
décroissant les bicarbonates, le calcium et les chlorures. Le fer et le
manganèse ne sont pas toxiques pour l'organisme. Cependant, ils
deviennent gênants sur le plan organoleptique au-dessus de leur norme
(regain de couleur après oxydation par l'oxygène de l'air) et
constituent un souci majeur tant pour les usagers que pour les
autorités. En effet, dans la majeure partie des cas, les fortes teneurs
en fer et en manganèse sont accompagnées par une augmentation de
la turbidité. Ces teneurs n'ont pas d'incidence sur la santé des
populations. Mais ces dernières préfèrent se tourner vers
les cours d'eau ou puits qui sont turbides mais dont la qualité
bactériologique laisse à désirer. Seul le forage de N'die
présente une dureté indésirable (THT = 38,2°F)
caractérisée par une eau qui diminue l'efficacité des
savons (les savons moussent moins). Elles sont aussi
caractérisées par un dépôt au fond des casseroles
lorsqu'elles sont portées à ébullition (Tardat et
al., 1984 in Lasm et al., 2008). Par ailleurs c'est la
seule eau qui présente une concentration en nitrate proche de la norme
OMS.
Ensuite, l'étude de la minéralisation des eaux
par les diagrammes de Piper et Schoeller-Berkaloff a permis d'identifier
principalement deux faciès hydrochimiques. Il s'agit des faciès
bicarbonaté calcique et bicarbonaté sodi-potassique, le
faciès chloruré calcique ayant été
identifié seulement par le diagramme de Piper. Les
phénomènes d'échange de base interviennent dans la
minéralisation des eaux étudiées à cause de la
présence des argiles et de la matière organique qui forment le
complexe absorbant (Alassane, 2004). 26 forages sur un total de 35 soit environ
74,28% des échantillons présentent un IEB négatif, ce qui
s'explique par un taux élevé des alcalins. L'origine des cations
Na et K peut être liée à un échange contre les
cations bivalents Ca et Mg contenus dans les minéraux argileux ou des
substances organiques. Le lessivage de ces substances provoque une augmentation
de la concentration des ions Na et K dans les eaux (Maliki, 1993).
L'étude du diagramme ISC/ISD a révélé l'existence
de trois grandes familles d'eau. Les eaux du groupe 1 ont un temps de
séjour plus long dans les aquifères. Ce qui signifie que la
vitesse de circulation de ces eaux est lente ou nulle. Il s'agirait d'eau
ancienne. Le groupe 2 est intermédiaire des groupes 1 et 3. Ce sont des
eaux moins âgées avec des vitesses de renouvellement moins lentes.
Quant au groupe 3, il montre une sous saturation en calcite et dolomite
prononcée. Ceci traduit une vitesse de renouvellement plus rapide et un
temps de séjour moins long. Dans ce cas, l'eau n'a pas le temps de se
charger ; ces eaux présentent une minéralisation totale
assez faible par rapport aux eaux des autres groupes. La sous saturation des
eaux étudiées vis-à-vis des carbonates est une
caractéristique des eaux souterraines du socle fissuré de
l'Afrique de l'Ouest en général et de la Côte d'Ivoire en
particulier (Oga et al., 2009 ; Lasm et al., 2011). En
effet, l'absence de roches carbonatées dans le cortège
pétrographique de la Côte d'Ivoire explique parfaitement ce
résultat. En effet, la dissolution des roches par l'eau étant un
phénomène très lent, l'état de sous-saturation des
eaux en minéraux carbonatées reflète un temps de
séjour très court de celles-ci dans l'aquifère. La
détermination de la nature de l'eau par les indices de Ryznar et
Langelier montre que la quasi-totalité des eaux est agressives et
corrosive. Cela est dû à la forte tendance à
l'acidité des eaux du département. Ces résultats sont en
parfaits accords avec ceux obtenus par Oga et al., (2009) dans la
région de Tiassalé et Lasm et al., (2011) dans la
région de San-pédro où les eaux à circulation
rapide ont un comportement agressif.
Enfin, pour la compréhension des mécanismes
d'acquisition de la minéralisation et des paramètres pouvant
influencer les principaux paramètres de potabilité, une
étude statistique multivariée a été entreprise. La
matrice de corrélation donne les premières informations sur les
relations pouvant exister entre les différents paramètres. On
retient que la corrélation entre la conductivité et les
éléments chimiques montre que la minéralisation est
essentiellement liée aux chlorures, bicarbonates, nitrates, calcium,
sodium, magnésium et à la dureté. La contribution du
potassium est négligeable par rapport à celle des autres
éléments, alors que les éléments comme le fer, le
manganèse et les sulfates n'ont pas de rôle déterminant
dans la minéralisation des eaux du département. Les cations des
eaux du département sont corrélés deux à deux
(Ca-Mg, Na-K, Fe-Mn), cela témoigne d'une origine commune de ces ions.
En effet, dans les eaux souterraines de façon générale, le
calcium est associé au magnésium, le potassium au sodium et le
fer au manganèse. Le degré de corrélation entre les
paramètres a été mis en évidence par l'analyse en
composante principale. Les facteurs F1, F2 et F3 expliquent 75,189 % des
variables exprimées et nous ont permis d'interpréter les
résultats obtenus.
Le regroupement de la conductivité et de certains ions
(Ca2+, Mg2+, HCO3-,
PO42-) dans le cadrant droit autour de l'axe F1 dans le
plan F1-F2 indiquent que cet axe pourrait expliquer les mécanismes
d'acquisition de la minéralisation liés au temps de séjour
de l'eau dans la roche réservoir. Ce qui est confirmé par une
sous-saturation des eaux du département en calcite et dolomite
d'où un renouvellement rapide des eaux. Le facteur F2 quant à lui
est déterminé par la température et le potassium. C'est un
axe lié essentiellement aux phénomènes
géothermiques. En effet, si nous admettons une perte calorifique non
négligeable pendant l'ascension des eaux jusqu'à la surface, la
température doit être plus élevée à
l'intérieur du réservoir que celle enregistrée à la
pompe. Cette température joue le rôle de principal catalyseur dans
les phénomènes de dissolution, de précipitation et
d'échange de base des différents sels. Le fait que la plupart des
eaux aient une vitesse de circulation lente, elles n'ont pu se charger que par
le phénomène de géothermie (dissolution,
précipitation et échange de base). En ce qui concerne le
potassium, son comportement est plus difficile à interpréter car
il participe au cycle de la matière vivante au niveau du sol. Il est
absorbé non seulement par les plantes mais aussi intervient dans la
composition des minéraux néoformés (Savadogo, 1984
in Lasm et al., 2008). Les variables qui étaient mal
définies dans le plan F1-F2 ont été étudiées
dans le plan F1-F3. Il ressort que le facteur F3 est déterminé
par le fer, le manganèse et les sulfates. Le fer et le manganèse
proviennent principalement de l'altération des roches de surface. Cet
axe traduit alors les phénomènes de pluvio-lessivage. En effet,
dans les couches superficielles, l'essentiel des acides secrétés
par les micro-organismes (algobactéries et microbes silicophiles)
favorise la dissociation des minéraux des roches notamment la silice,
les silicates d'alumine, de potassium, de fer et de magnésium, et la
matière organique pour libérer les ions comme le Ca2+,
le Mg2+, le NO3-, les
SO42-, le Fe2+, etc. A la suite d'un
phénomène de pluvio-lessivage, ces éléments vont
être transportés et entraînés vers les
aquifères des eaux souterraines (Biémi, 1992 in Lasm et
al., 2008).
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