CONCLUSION GENERALE
Au moment où le Cameroun adopte un nouveau document de
stratégie de l'accroissance et de l'emploi en remplacement du document
de stratégie de réduction de la pauvreté, il était
important pour nous de faire le bilan de la réforme éducative
sous la bannière du slogan de la gratuité de l'école
primaire public au Cameroun.
En effet, la gratuité de l'enseignement primaire public
a été
« décrétée » au Cameroun au
moment où le pays était en pleine négociation avec les
Bailleurs de fonds dans le cadre de la stratégie de réduction ou
de l'annulation de la dette extérieure.
Les bailleurs de fonds avaient alors recommandé sous
forme de conditionnalité que l'argent issu de l'annulation de la dette
soit investi prioritairement dans les secteurs susceptibles de booster le
développement. C'est ainsi que l'éducation avait
été choisie comme secteur prioritaire et notamment
l'éducation de base ou primaire qui devait désormais
bénéficier de la masse d'argent issu de l'initiative pays pauvres
très endettés.
Lorsque que la gratuité est annoncée par le Chef
de l'Etat, elle apparaît comme une nouveauté pour plusieurs. Et
pourtant, elle est bien inscrite dans la loi. L'introduction des frais
exigibles à l'enseignement primaire est donc considérée
comme une violation flagrante de la loi relative à la gratuité de
l'enseignement primaire.
En bref, devant l'imbroglio juridique observé, il
était question dans cette recherche de voir comment la
« nouvelle gratuité »s'est
opérée près de dix ans après sa mise en application
effective. Nous voulions savoir si la gratuité dans sa mise en oeuvre a
amélioré ou diminué la qualité de
l'éducation à partir de l'opinion des enseignants et des parents
d'une part, et des études documentaires d'autre part.
Pour y parvenir, nous avons formulé une question
générale de recherche qui a été
éclatée en quatre questions spécifiques de recherche ou de
terrain plus concrètes et plus opérationnelles. C'est ainsi que
nous avions mis en relation d'une part, les éléments de la
gratuité qui sont la suppression des frais exigibles, le paquet minimum,
les contributions des parents et le recrutement des enseignants, et d'autre
part, la qualité des apprentissages.
Notre population d'étude était constituée
d'enseignants et des parents d'élèves, les Responsables des
services centraux et extérieurs du Ministère de l'Education de
base. Un questionnaire standardisé sur le modèle de
l'échelle de Likert a été soumis aux premiers, alors que
pour les seconds, on a eu recours à un guide d'entretien. Une
exploitation minutieuse des données documentaires dans la perspective de
l'analyse qualitative nous a permis d'avoir des éléments de
réponse à nos questions de recherche.
A la fin de toutes ces opérations, il ressort que la
suppression des frais exigibles a entraîné une augmentation
considérable des effectifs d'élèves à
l'enseignement primaire public. Cette situation a sérieusement compromis
la qualité des apprentissages à cause surtout de l'accès
d'un plus grand nombre de fils de parents pauvres à l'école.
Le paquet minimum supposé remplacé les frais
exigibles après leur suppression, ne satisfait pas toujours au besoins
de l'école. Le paquet minimum constitue plutôt un vaste
réseau de détournement d'importants fonds alloués à
cette opération au regard de la longue chaîne existante dans la
procédure d'acquisition de ce paquet. Ce faisant, l'insuffisance du
paquet minimum en quantité et en qualité et des retards
observés pour son acquisition compromettent considérablement la
qualité des apprentissages à l'enseignement public.
Aux insuffisances du paquet minimum, l'administration scolaire
est obligée de recourir aux contributions des parents dans le cadre des
APE qui restent malgré tout une nécessité pour
améliorer la qualité de l'éducation. Même si on peut
regretter que les frais d'APE sont parfois deux fois plus supérieurs aux
frais exigibles supprimés. Nous avions donc relevé que les
contributions des parents améliorent la qualité des
apprentissages et remettent fortement en question la gratuité
proclamée de l'école.
Enfin, un autre indicateur de la gratuité que nous
avons retenu est le recrutement des enseignants dans le cadre de la
contractualisation des instituteurs. Ici, la contractualisation des
instituteurs a une influence positive sur la qualité des apprentissages
dans ce sens qu'elle améliore l'encadrement pédagogique des
élèves. Cependant, l'impact positif de cette opération
n'est pas encore perceptible à cause du mode de gestion et d'affectation
de ces instituteurs. Il faut dire que ce mode n'obéit pas aux exigences
et normes de la gouvernance éducative.
A la suite de ce constat, nous avons formulé quelques
suggestions et recommandations dans l'optique d'améliorer
substantiellement l'offre d'éducation. On ne saurait parler de la
gratuité sans prendre en compte la dimension de la qualité. Aussi
pensons-nous que la disposition constitutionnelle sur l'obligation scolaire ne
peut être applicable que si et seulement si l'école primaire est
réellement gratuite pour favoriser l'égalité des chances
et assurer le droit à l'éducation de tous.
Nos recommandations sont allées à l'endroit des
pouvoirs publics, des Responsables d'écoles et des enseignants et enfin,
des parents d'élèves. Nous avons abouti à la
nécessité et l'urgence d'une décentralisation des
ressources éducatives pour permettre une gestion efficiente et efficace
impliquant la participation réelle de tous les acteurs de la
communauté éducative.
La décentralisation apparaît donc en
dernière analyse comme une exigence de modernité et
d'efficacité du système éducatif camerounais.
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