6.2.2.4 L'autre en déni : un mot sur le
conjoint
Il a été vu précédemment le
rôle probable que tient le compagnon dans le déni de grossesse.
S'il a participé ne serait-ce que par sa cécité à
la survenue et au maintien d'un tel phénomène, il reste
évident qu'il doit également s'y confronter.
Pour le compagnon qui n'a rien vu, l'annonce de la grossesse
est tout autant synonyme de choc. Cette sidération, proche d'un
morcellement pour certains, s'accompagne de réactions de refus parfois
très violentes de panique, d'agressivité, de peur. Projeté
tout comme sa compagne dans la soudaine perspective d'être parent, il le
vit et le formule volontiers comme « un cauchemar » :
d'autorité une telle situation lui paraît impossible, impensable.
Il faut bien tenir compte de ce « sursaut de déni » comme une
tentative désespérée pour lui de rester lucide face
à la souffrance psychique indicible qu'entraîne la
révélation de la grossesse.
« On peut ne pas voir, mais on ne peut pas ne pas sentir
» [23] : ainsi s'exprime souvent le compagnon, qui prend instinctivement
ses distances avec la notion impensable et angoissante qu'il n'a rien vu venir.
Sidéré, il accuse sa compagne de trahison, de mensonges, elle qui
« a bien dû comprendre, à un moment ou un autre, mais qui n'a
rien dit, rien fait ». L'enfant n'est jamais l'objet de sa haine,
considéré comme innocent ; c'est sa compagne la fautive, celle
« qui lui a volé cette grossesse » qu'il espérait tant
[14] ou qui lui a fait « un enfant dans le dos » [30].
En pré comme en post-natal, il est du devoir du
professionnel de soutenir le père - mais aussi l'entourage - dans cette
épreuve source de sidération massive. Il faut prêter une
oreille attentive à son discours sidéré, et l'informer du
caractère non unique de sa situation. Savoir « qu'ils ne sont pas
les seuls », que le déni existe, qu'il laisse certes des marques
mais aussi et surtout qu'on s'en relève, lui permet de dépasser
la pensée blanche du déni et de se projeter dans cette
paternité imprévue. Tout comme avec la patiente sortante du
déni, il importe d'identifier avec le compagnon les éventuelles
causes d'une telle situation, de l'amener à se poser les bonnes
interrogations, certes douloureuses et à risque d'effondrement de son
propre
Université Nice Sophia Antipolis - École de
Sages-femmes de Nice page 73/89
fonctionnement psychique, mais primordiales pour
dépasser le déni et éviter la répétition
d'un tel phénomène, ou la minimisation de son importance par
l'entourage.
Malgré ces mesures, le conflit est inévitable -
et semble par ailleurs essentiel pour la résolution du problème
[22]. Mais si certains couples parviennent à dépasser
l'épreuve du lever du déni, d'autres ne se remettent jamais d'un
tel évènement. Le plus souvent dans ces cas précis, le
père rompt toute relation avec l'enfant comme avec sa mère,
incapable de surmonter le sentiment d'incompréhension et de trahison
qu'elle lui inspire.
|