6.2 PRISE EN CHARGE ACTUELLE FACE AU DENI DE
GROSSESSE
6.2.1 Prise en charge médicale et sociale
Face à un déni de grossesse tout juste
levé, le premier réflexe en maternité est de
déclencher un plan d'urgence : le dossier médical et
obstétrical est complété au plus vite, dans le but
justifié de rattraper le retard et d'assurer la meilleure prise en
charge possible au cas où une complication serait
dépistée. Au coeur de cette agitation, la patiente se sent
pourtant plus seule et malmenée que jamais : autour d'elle on parle de
foetus, de date de début de grossesse, de sérologies,
d'échographies, mais bien qu'on lui ait déjà dit plusieurs
fois qu'elle était enceinte, elle n'est souvent pas encore apte à
accepter la réalité. « Je suis enceinte puisque vous le
dites », semblent penser certaines, de plus en plus fermées [12].
L'état de sidération qui suit tout lever d'un déni dure
plusieurs heures et souvent même plusieurs jours ; dans l'idéal il
faudrait restreindre tout examen clinique ou paraclinique, et laisser à
cette « nouvelle mère malgré elle » le temps de se
reprendre, de réaliser.
Dans de telles situations où la santé de la
patiente et de son enfant priment avant tout, il est évident qu'il est
difficile d'être efficace sans être interventionniste. Les
professionnels sont souvent partagés entre l'urgence à
protéger le foetus négligé et la nécessité
de laisser à sa mère le temps d'accepter la
réalité. Il serait donc intéressant de faire, pour chaque
patiente et en équipe multidisciplinaire, la balance entre les
bénéfices d'une prise en charge en urgence, les risques encourus
par la grossesse non suivie, et le profit psychologique d'une approche moins
traumatique.
6.2.2 Accompagner le déni : un travail psychique en
accéléré ?
Dans son article « Accompagner le déni de
grossesse : de la grossesse impensable au projet de vie pour le
bébé » [4], Catherine Bonnet pédopsychiatre et
psychanalyste pose les principes d'une prise en charge psychologique du
déni partiel à peine levé.
L'accompagnement d'un déni de grossesse, hors de tout
contexte de psychose, se doit d'être pluridisciplinaire pour
répondre aux différentes facettes des
Université Nice Sophia Antipolis - École de
Sages-femmes de Nice page 70/89
grossesses déniées : un suivi social et
médical à installer, avec en parallèle un soutien
psychologique adapté et de préférence souhaité par
la patiente.
6.2.2.1 Déni de grossesse : une approche
repensée
L'attitude du thérapeute, même si d'inspiration
psychanalytique, nécessite une certaine réflexion, une remise en
question face au déni de grossesse. Si dans d'autres prises en charge
l'écoute est silencieuse pour ne pas biaiser le discours du patient,
l'écoute de la femme sortante du déni se doit au contraire
d'être active, car le silence est telle une répétition de
ce qu'elles ont vécu. Le premier entretien laisse souvent un sentiment
d'étrangeté chez les professionnels, déstabilisés
par un manque d'émotion chez la patiente qui n'est que l'expression du
déni encore présent.
Souplesse d'esprit, verbalisation des faits, faire montre de
ses émotions sont alors des éléments primordiaux : c'est
enfin face au regard de l'autre, face à son ressenti, que la femme en
déni va pouvoir à son tour mettre des mots, des émotions
sur ce vide psychique et émotionnel qu'elle traverse depuis des mois.
Elle expose les rationalisations qui expliquaient son état («
j'avais grossi mais je mangeais plus que d'habitude », «
j'étais partie en vacances et je pensais que les voyages pouvaient
expliquer mon retard de règles »). Le thérapeute lui
explique ce qu'est le déni, en quoi il la protégeait, et la
déculpabilise de sa non-prise de conscience.
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