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Le déni de grossesse: revue de littérature ; essai de réflexion sur la prise en charge de patientes en déni.

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par Laure SAINTE-ROSE FANCHINE
Université de Nice Sophia Antipolis IAE - Diplôme d'état de sage-femme 2012
  

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4.2 CIRCONSTANCES DU LEVER

A l'image du déni de grossesse, les circonstances du lever et le terme auquel il s'effectue sont extrêmement variés.

La grossesse est découverte le plus fréquemment avant l'accouchement, au cours du deuxième trimestre de grossesse, et généralement de manière fortuite. Les patientes peuvent consulter pour des douleurs abdominales ou une augmentation de volume de l'abdomen, des troubles digestifs, des saignements vaginaux intempestifs ou plus rarement une aménorrhée persistante depuis peu, des sciatalgies ou lombalgies, des oedèmes des membres inférieurs. Une patiente en déni qui consulte car elle perçoit des mouvements foetaux semble être une situation excessivement rare.

Lorsque la grossesse n'est pas mise en lumière au cours de cette première consultation - la plupart du temps effectuée par un généraliste - elle est révélée lors d'examens diagnostiques telle une échographie ou une radio de contrôle. Dans ce cadre, une complication obstétricale peut donc être à l'origine du lever du déni.

Dans d'autres cas, ce peut être un proche qui en exposant ses soupçons et en dialoguant avec la femme en déni, l'aide à faire face, à penser l'impensable. Plus rarement, le déni peut se lever de manière spontanée aux alentours du 5e mois ; la patiente fait le lien entre ses symptômes et une éventuelle grossesse, et vient consulter dans cette optique. Ces femmes qui doutent ont cependant une idée très sous-estimée de leur terme.

Université Nice Sophia Antipolis - École de Sages-femmes de Nice page 53/89

4.3 CONSEQUENCES PHYSIQUES ET PSYCHIQUES DU DENI PARTIEL

La révélation de la grossesse, qu'elle soit du fait de la patiente ou d'un tiers, est toujours synonyme d'une profonde stupeur. La surprise est telle qu'elles restent choquées, sidérées, éprouvent parfois des sentiments d'insécurité ou de dépression sur une courte période [12]. Incapables d'évaluer ce que signifie le terme parfois très avancé de leur grossesse, beaucoup se raccrochent à l'espoir d'obtenir une interruption volontaire de grossesse (IVG). Parallèlement, d'autres s'inquiètent de leur conduite au cours des derniers mois qui aurait pu faire souffrir l'enfant, tels le tabagisme, la prise de médicaments ou la pratique d'un sport dangereux. Cette prise de conscience de leurs conduites à risque s'ajoute plus tard à leur culpabilité et leur honte de « n'avoir rien vu », ce qui exige des professionnels une approche particulière et un suivi de fin de grossesse attentif et compréhensif que nous aborderons plus tard.

De même sur le plan physique, la découverte de la grossesse entraîne une métamorphose que l'on qualifierait aisément de spectaculaire. Une fois le verrou psychique du déni levé, on observe dans les jours voire même les heures qui suivent l'apparition des signes de grossesse qui jusque-là faisaient défaut : l'utérus libéré de la sangle musculaire abdominale bascule en avant, présentant enfin un volume en rapport avec le terme. Les mouvements foetaux sont brusquement ressentis, à tel point qu'elles se sentent envahies dans leur intimité, submergées par un être intrus et dangereux qu'elles ne peuvent encore imaginer comme un enfant, leur enfant ; certaines parleront de porter « un alien » dans leur ventre tant la sensation de ne plus s'appartenir leur est impérieuse. Les douleurs abdominales semblent se préciser et prendre le tour de véritables contractions utérines, la prise de poids jusque-là peu voire pas du tout effective est manifeste au fil des jours, et certaines patientes vont jusqu'à éprouver des signes sympathiques de grossesse malgré le terme excessivement avancé. Comme si la grossesse jusque-là étouffée s'exprimait enfin librement, et s'effectuait de manière accélérée, libérée du joug du déni. [25]

De telles modifications physiques ont des conséquences dévastatrices sur le psychisme maternel : livrée à la réalité insupportable de la grossesse que le déni lui épargnait jusque-là, la future mère connaît transitoirement un risque majeur d'explosion

Université Nice Sophia Antipolis - École de Sages-femmes de Nice page 54/89

interne de sa psyché. Ainsi Isabelle Moulin a-t-elle décrit cette véritable tempête émotionnelle, trente ans après son déni partiel révélé à près de 8 mois de grossesse :

...Je me sentais envahie, c'était vraiment comme un viol. Tout à coup, quelqu'un avait pénétré à l'intérieur de moi, il n'avait absolument pas demandé l'autorisation, et maintenant il était là, il était installé, il était super gros, et je ne savais pas du tout comment j'allais faire sortir ça de moi. J'avais excessivement peur [...]. La seule chose à laquelle j'ai pensé, c'est « je veux mourir »... [...] « Et là, tout s'arrêtera, ce sera fini »... [29]

La révélation d'une grossesse déniée est toujours suivie d'une période d'extrême fragilité, détresse qui dans l'urgence de la prise en charge médicale et sociale de cette patiente, ne semble pas toujours bien prise en compte à l'heure actuelle. [23] [30]

Quelques-unes de ces femmes, pour qui le lever du déni entraîne une souffrance extrêmement brutale, peuvent se retrouver amnésiques de cet instant critique. En proie à un stress aigu potentiellement déstructurant, le déni transitoirement dissolu se reconstitue une fois le médecin quitté, et « efface » de la conscience maternelle la grossesse et les souvenirs liées à sa révélation. Dans ce cas et en l'absence de suivi, le déni de grossesse peut aisément se poursuivre jusqu'à l'accouchement.

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