2.4.1.3 Statut pondéral et prise de poids
L'idée d'un surpoids préexistant pouvant
favoriser un déni de grossesse a été avancée, mais
si un certain embonpoint pourrait constituer un facteur favorisant de
déni (en particulier concernant l'entourage), les femmes en déni
de grossesse sont loin d'être toutes en surpoids : d'après
l'étude de C. Brezinka, sur 27 patientes, seules 9 d'entre
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elles souffraient d'obésité, les autres
présentant une constitution normale voire même une insuffisance
pondérale.
Quant à la prise de poids, celle-ci s'avère
minime voire parfois absente dans les cas de déni de grossesse, et ne
constitue donc guère un signe d'appel. De même si elle est
significative et constatée, elle est attribuée à un
changement d'habitudes hygiéno-diététiques, à un
stress intense (déménagement, rupture sentimentale,
décès d'un proche, travail, examens...) ou encore à des
variations de poids habituelles.
2.4.1.4 Taille de l'abdomen
Le peu voire l'absence de modification de volume de l'abdomen
est peut-être l'aspect le plus frappant d'un déni de grossesse. Le
plus souvent la femme en déni n'a pas besoin de changer de taille de
vêtements et ne modifie donc aucunement ses habitudes vestimentaires -
contrairement à la grossesse cachée évoquée
précédemment, où la femme met des vêtements amples
dans le but conscient de dissimuler son état. Ainsi, Mme Courgeault
aurait été vue et photographiée en maillot de bain alors
qu'elle était enceinte de plus de six mois et cela sans que nul n'ait eu
le moindre soupçon. Une jeune femme de 19 ans rencontrée dans le
cadre de nos recherches, membre très actif d'une équipe de
basket, jouait en tournoi et se changeait avec ses collègues au
vestiaire la veille encore d'une consultation qui révéla une
grossesse évolutive de près de huit mois.
S'il y a une faible prise de ventre, elle est sans rapport
avec le terme de la grossesse déniée, et est souvent
assimilée à l'âge ou la parité ou encore une fois
à un changement de mode de vie. Dans la littérature, on a
dénoté certaines femmes persuadées qu'elles avaient une
tumeur ou un fibrome à l'origine de cette augmentation discrète
de tour de taille.
Cette absence de modifications physiques, pourtant
évidentes lors d'une grossesse normale, est d'autant plus
étonnante que les foetus et nouveau-nés issus d'une grossesse
déniée s'avèrent le plus souvent d'un développement
staturo-pondéral et morphologique dans les normes [43]. Ce
phénomène a été expliqué par le Professeur
Nisand dans le documentaire d'Andrea Rawlins-Gaston, « Déni de
grossesse : ces bébés clandestins ». Lors d'une grossesse
normale, le foetus en développement fait peu à peu pointer
l'utérus vers l'avant, et la proéminence du ventre devient de
plus en plus
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évidente. Dans le cas du déni de grossesse, les
muscles de l'abdomen et en particulier les grands droits se renforcent
progressivement tout au long de la gestation, et l'utérus ainsi retenu
ne peut s'antéverser : le foetus n'a d'autre choix que de se
développer longitudinalement, en parallèle à la colonne
vertébrale de sa mère, refoulant les viscères vers le haut
et se logeant ainsi sous ses côtes vers la fin de la grossesse. Sa
croissance est donc normale, mais le profil physique maternel reste
trompeusement inchangé.
Ce phénomène est d'autant plus criant qu'il
s'estompe la plupart du temps dans les heures voire les minutes qui suivent la
prise de conscience de la grossesse : la sangle abdominale se relâche, et
le ventre prend une apparence en corrélation avec la grossesse et son
terme estimé. Ainsi Isabelle Moulin dans son témoignage
décrit sans fard ce changement radical en elle, survenu à la
révélation par le médecin de son état :
...comme une bascule, comme un mouvement
extrêmement important, [...] et tout d'un coup quelque chose qui se
déployait à l'intérieur de moi, et qui prenait place. Et
tout d'un coup, mon ventre était comme ça, et j'étais
effectivement enceinte de sept mois, en quelques minutes. Pour moi
c'était effarant, j'avais si peur... [29]
De même pour la jeune basketteuse citée plus
haut, dépistée à huit mois de grossesse lors d'une
échographie rénale pour recherche de kyste, qui décrit
l'instant en quelques mots simples mais révélateurs : «
...je l'ai su à dix-sept heures. Et le soir, il bougeait, j'avais un
ventre... »
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