2.3.2 Autres études prospectives et
rétrospectives
Si l'on compare les résultats précédents
à ceux d'autres études dans la littérature, les
estimations sont également très proches :
· Etude rétrospective au Pays de Galles [43] : le
taux de déni total est estimé à 1/2475 (contre 1/2455
à Berlin)
· Etude de BERNS à Indianapolis en 1982 [11] :
taux de dénis de grossesse estimé à 2/1000, soit 1/500
(contre 1/475 à Berlin)
· Etude de BEIER en Allemagne en 2000 [11] :
prévalence estimée à 0,5/1000
· Etude rétrospective à Cleveland [43] :
2/1000 pour tous les dénis confondus (1/475 à Berlin)
· Etude de BREZINKA à Innsbruck en 1994 [43] : 27
cas recensés pour un taux évalué à 1/340 pour tous
dénis confondus soit l'équivalent d'environ 3/1000
· Etude de Friedman aux Etats-Unis : 1/515 soit 2/1000
pour tous types de dénis confondus
Quel que soit le pays où a lieu l'étude, le
taux de dénis de grossesses tous types confondus oscille donc entre 0,5
et 3 pour 1000, avec une moyenne de 1 sur 500. Pour comparaison, les naissances
gémellaires sont de l'ordre de 1/85 (soit 11,7/1000), les placentas
praevia et les HELLP syndromes sont estimés à 1/250-280 (soit
3,77/1000), et les crises d'éclampsie à 1/2500 (soit 0,4/1000)
par l'OMS.
Université Nice Sophia Antipolis - École de
Sages-femmes de Nice page 33/89
Selon ces mêmes études, le déni massif ou
total est lui estimé entre 1 et 2,5 sur 2500. Le risque de
décès néonatal est de 1/8000 [13].
Selon les observations de A. Gorre-Ferragu pour sa
thèse de médecine [11], ces chiffres sont stables depuis les
années 1970 et semblent indépendants de la couverture sociale
proposée.
Il apparait donc que loin d'être un
phénomène rare et fluctuant, le déni de grossesse
constitue un véritable problème de santé publique,
d'autant plus préoccupant qu'il est encore largement ignoré du
grand public mais aussi du monde médical et judiciaire [13].
Malgré un début de prise de conscience au cours des
dernières années, principalement dû au retentissement
médiatique de certaines affaires citées auparavant, le
déni de grossesse serait encore fréquemment
étiqueté comme « grossesse non suivie non
déclarée », et traité uniquement dans ses dimensions
médicales et sociales [32] [43] [8].
2.3.3 Profil à risque : universalité du
déni
Si la prévalence estimée du déni de
grossesse est relativement similaire d'une étude à l'autre, les
résultats sont en revanche beaucoup moins en accord en ce qui concerne
le type de population à risque de faire un déni de grossesse.
Les femmes en déni de grossesse font encore l'objet de
nombreux préjugés [43] : la croyance populaire les imagine jeunes
ou immatures, infantiles, irresponsables, sexuellement
inexpérimentées. Issues d'un milieu socialement
défavorisé, elles seraient pour la plupart dotées d'une
intelligence moindre, ou mentiraient sur leur état. Probablement
primipares, vivant seules ou chez leurs parents, elles présenteraient
souvent une pathologie psychiatrique préexistante...
Les études citées précédemment
ont démenti ce profil très éloigné de la
réalité.
Concernant l'étude prospective des maternités
de Denain et Valenciennes[32], la moyenne d'âge est de 26 ans tous
dénis confondus, les âges extrêmes étant 14 et 46
ans. Sur les 56 patientes sélectionnées, 26 étaient des
Université Nice Sophia Antipolis - École de
Sages-femmes de Nice page 34/89
multipares. La majorité était en couple avec le
père de l'enfant. Tous les milieux socio-économiques
étaient représentés.
L'étude berlinoise du gynécologue Jens Wessel
[43] a révélé une moyenne d'âge identique chez les
femmes en déni soit de 26 ans, toutes les tranches d'âge
étant représentées et avec des extrêmes allant de 15
à 44 ans. Seules 3% d'entre elles étaient encore
scolarisées, 14% n'avaient aucun diplôme, et 34%
présentaient un niveau d'étude moyen voire haut. 56% d'entre
elles étaient multipares, 12% avaient vécu au moins une grossesse
auparavant (IVG, FCS), et seulement 21% d'entre elles ont
présenté un déni pour leur toute première
grossesse. 4 patientes présentaient une grossesse gémellaire. La
plupart (83%) était dans une relation de couple stable. Enfin, seules 3
patientes sur les 66 étaient atteintes d'une pathologie psychiatrique
(schizophrénie).
L'étude de Friedmann en 2007 aux USA [18]
révèle des résultats assez différents avec
seulement 18 % de patientes âgées de plus de 30 ans, et 20% de
femmes en déni vivant en couple. En revanche, 74% d'entre elles avaient
déjà des enfants, réfutant comme les autres études
l'idée que les femmes en déni sont essentiellement primipares. De
même, l'influence de la consommation de drogues ou l'existence de
troubles psychiatriques ne concernent respectivement que 8% et 2% des
patientes, et ne semblent donc pas être des facteurs récurrents
dans le déni de grossesse.
Ces résultats témoignent d'un véritable
polymorphisme du déni de grossesse, qui ne suivrait aucun modèle
théorique précis. Si les préjugés
considéraient le déni comme plus fréquent chez des femmes
jeunes, célibataires, primipares, étudiantes ou sans emploi, les
études récentes ont prouvé qu'il touche au contraire des
femmes de tous âges et de tous les milieux sociaux, qu'elles aient ou non
déjà vécu l'expérience de la maternité,
qu'elles vivent seules ou en couple.
La survenue d'un déni de grossesse chez des femmes
déjà mères laisse également supposer que ce
symptôme n'appartient pas à une structure mentale
générale, mais qu'il serait plutôt dû à un
état ponctuel du psychisme de la femme [13].
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