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Le déni de grossesse: revue de littérature ; essai de réflexion sur la prise en charge de patientes en déni.

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par Laure SAINTE-ROSE FANCHINE
Université de Nice Sophia Antipolis IAE - Diplôme d'état de sage-femme 2012
  

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INTRODUCTION

Histoire incongrue que celle retrouvée certain matin dans les pages des faits divers : une jeune femme, venue aux urgences pour une probable crise de colique néphrétique, a accouché quelques heures plus tard d'un petit garçon en bonne santé de 3 kilos... Une fois la mère et l'enfant hors de danger, la situation pourrait prêter à sourire, si un détail ne s'ajoutait pas à l'étonnant tableau : la femme en question ne se savait pas enceinte.

Telle est l'image déroutante - et de loin la moins sombre - que le grand public semble avoir aujourd'hui d'un phénomène méconnu : le déni de grossesse. Depuis quelques années, les médias reprennent régulièrement ces histoires un peu folles, certaines heureuses, d'autres à l'issue bien plus dramatique, de femmes qui dans l'ignorance de leur état de grossesse, mènent une existence en tout point normale, et ce parfois jusqu'à l'accouchement. Elles sont avocates, étudiantes, cadres, commerçantes, sportives de haut niveau ou militaires, mères de famille, en couple ou célibataires. Certaines viennent tout juste de se marier et ne songeaient guère à avoir des enfants avant plusieurs années, d'autres multipliaient les fausses couches et désespéraient de mener un jour une grossesse à terme. Dans la grande majorité des cas, elles ne présentent aucune psychopathologie et pas d'antécédents psychiatriques.

Pour beaucoup encore, le déni de grossesse se résume toujours à certains procès qui ont marqué la dernière décennie, mettant en scène une femme, parfois déjà mère, accusée d'avoir mené dans le secret une voire plusieurs grossesses à terme, d'avoir accouché seule pour se débarrasser ensuite de l'enfant nouveau-né. Des affaires complexes, exceptionnelles et souvent médiatisées à l'excès pour leur côté sordide et malheureusement vendeur.

Pourtant les cas de déni poursuivi jusqu'à la naissance de l'enfant, que certains nomment déni massif ou déni total, ne représentent que le sommet de l'iceberg. Plus rares encore sont ces accouchements inopinés donnant malheureusement suite, de manière intentionnelle ou faute de soins, au décès du nouveau-né. Bien plus nombreuses sont les femmes - entre 1500 et 2500 chaque année tous degrés de déni confondus - qui un jour consultent leur médecin, souvent pour un problème anodin telles une fatigue

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persistante, des douleurs gastriques ou abdominales, et qui se révèlent enceintes de quatre, cinq, six mois ou plus, sans même l'avoir envisagé.

Le déni de grossesse serait donc « le fait d'être enceinte sans avoir conscience de l'être ». Cette définition trouvée dans tous les dictionnaires récents résume en toute simplicité le phénomène, mais elle pose aussi d'innombrables questions : comment est-il seulement possible qu'une femme puisse porter un enfant pendant plusieurs mois sans en avoir la moindre conscience ? Comment a-t-elle pu passer à côté de ces signes de grossesse tels que les nausées matinales, l'absence de règles ou la prise de poids, si manifestes chez d'autres qu'ils en deviennent parfois gênants ? Comment celle-ci qui est interne en médecine et en déni à quatre mois de grossesse, n'a-t-elle pas compris bien avant ? Et cette autre quadragénaire, épouse aimante et mère modèle de trois enfants, comment a-t-elle pu se rendre compte qu'elle en attendait un quatrième qu'après huit longs mois de grossesse ? Et si elle ne s'était aperçue de rien ? Et si elle avait accouché seule chez elle... Qu'aurait-elle fait de cet enfant que personne n'attendait ?

Ainsi vont les questions sur les femmes en déni, jeunes et moins jeunes, seules ou en couple. Parce qu'il touche à l'affectif pur et au vécu de chacun, le déni de grossesse étonne, effraie, fascine ou révolte, mais ne laisse personne indifférent. Proies du scepticisme collectif, les femmes qui en souffrent sont souvent reniées : on les traite de menteuses, de dissimulatrices, on les accuse de folie furieuse ou d'idiotie caractérisée, de préméditation, de meurtre. Seuls quelques-uns pendant les débats animés que suscite une telle question, osent parfois élever la voix et dire : « Moi, j'ai connu quelqu'un à qui c'est arrivé. On n'avait vraiment rien vu. »

Même parmi les professionnels de santé, le phénomène est méconnu ou mis en doute. Quand le déni de grossesse est reconnu comme tel - ce qui n'est pas toujours le cas, surtout dans ses formes les plus « bénignes » - il est encore aujourd'hui remis en question, rejeté, désavoué. Le déni du déni parmi les professionnels est bien présent face à ces femmes qu'on qualifierait presque de « fantaisistes », et les questions muettes de planer, en consultation, en suites de couches : « Comment avez-vous pu ? Vous n'aviez vraiment rien su ? Tout s'est bien terminé, vous pouvez nous le dire, maintenant... ».

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Et lorsque le déni est connu, le phénomène est presque banalisé dans son impact psychique. On cherche au plus vite à normaliser la grossesse dite « de découverte tardive » sur les plans médical et social, tandis que le versant psychique est souvent négligé, minimisé. Mais une grossesse amputée de quelques premiers mois dans l'esprit d'une mère peut-elle se rattraper aussi aisément que la mise à jour tardive du dossier médical par quelques prises de sang ?

Comme le dit Sophie Marinopoulos, psychanalyste et psychologue clinicienne, le déni hors contexte de grossesse est observé chaque jour dans des « situations de souffrance psychique intense » [22] : chez le conjoint qui se refuse à voir les tromperies de l'autre tandis que tout l'entourage le sait et tente de l'alerter ; chez le parent dont l'enfant se drogue au vu et su de tous sauf du parent en question ; chez le patient qui vient d'apprendre qu'il est atteint d'un cancer et veut repousser l'intervention en urgence pour profiter d'un voyage à l'étranger [3]. Le déni protège de l'angoisse, sert le Sujet souffrant par la défense qu'il procure : c'est une protection coûteuse et qui peut conduire au drame, mais dont la présence ne doit pas remettre en question l'intégrité d'esprit du Sujet donné. Le déni de la réalité n'est pas un signe de psychopathologie, mais bien un mécanisme de défense.

Face à une grossesse dont l'idée est trop douloureuse et inacceptable pour des raisons que nous détaillerons, le psychisme menacé met en place le déni. Et la grossesse dans son existence psychique s'efface, tandis que son évolution physique se poursuit. La femme est enceinte, mais elle ne sait pas, ne peut pas savoir.

Ce mémoire a été initié pour répondre à plusieurs questions personnelles, posées après le visionnage de certains documentaires sur le déni de grossesse et la lecture d'articles de presse. Qu'en est-il de nos connaissances actuelles concernant un tel phénomène ? Pourquoi certaines femmes prennent conscience de leur grossesse tandis que d'autres restent dans le déni jusqu'à l'accouchement ? Savons-nous aujourd'hui expliquer pourquoi la grossesse est à ce point insoutenable, que leur esprit préfère rester dans l'ignorance totale et la plus trompeuse ?

A ces questionnements s'est ajouté celui de la prise en charge : que faisons-nous aujourd'hui face à une femme en déni partiel - c'est-à-dire levé en cours de

Le déni de grossesse Mémoire 2012

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grossesse ? Quel accompagnement, quelles conduites, quels mots utilisent les professionnels ? Qu'en est-il du suivi en post-partum et de la prise en charge des dénis massifs ? Et existent-ils des moyens de prévenir un tel phénomène ?

L'idée première était de pratiquer des recherches dans la littérature et de faire des entretiens auprès des professionnels, pour en finalité proposer un protocole d'accueil et de prise en charge des patientes en déni. Il est très vite apparu qu'un tel objectif était utopique voire même péjoratif et dangereux : le déni de grossesse est un domaine vaste et par trop méconnu, et parce qu'il touche à la dimension psychique de la maternité, il se refuse à tout semblant de catégorisation. Vouloir l'aborder en pratique de manière machinale et prédéterminée serait très probablement un tort.

Aussi, plus qu'un protocole, ce mémoire souhaite apporter des connaissances issues de la littérature récente et des anecdotes moins formelles, pour aboutir à des éléments de réflexion destinés à tout professionnel qui un jour, s'est demandé ce qu'il devrait faire - ou aurait pu faire - face à une patiente en déni de grossesse.

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Le déni de grossesse Mémoire 2012

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille