Problématique de la gratuité de l'école: cas de la circonscription scolaire d'Akpro-Missérété au Bénin( Télécharger le fichier original )par Arnaud DANGBENON Université d'Abomey-Calavi (Bénin) - Maà®trise option développement communautaire 2010 |
2.1.2 Revue de littératureLa mesure de la gratuité de l'école a pour objectif de favoriser l'accès de tous les enfants sans distinction. la revue de littérature sur notre thème n'est pas riche car mis à part les vielles démocraties qui ont mis en oeuvre ce principe depuis des décennies, 16 juin 1881 par exemple pour la France. ce n'est qu'avec l'EPT que les pays en voie de développement ont commencé à le mettre en oeuvre. On peut citer la République Démocratique du Congo qui l'a instauré en 2007, le Congo Brazzaville, le Togo qui le mettront respectivement en oeuvre en 2008 et 2010. Dans les lignes qui suivent nous allons parcourir les travaux ayant trait à la gratuité de l'école, ses préalables et nous jetterons un regard sur la gratuité de l'école dans le droit éducatif international. La gratuité de l'enseignement primaire a été abordé au Congo, après sa constitutionnalisation par Pierre Félix KANDOLO ON'UFUKU WA KANDOLO. Dans son mémoire intitulé `'La gratuite de l'enseignement primaire en République Démocratique du Congo : contribution à la mise en oeuvre des mécanismes spécifiques'' Le but poursuivi par sa recherche est de mettre à la disposition du Gouvernement et des acteurs politiques, les ONG et les partenaires de l'enseignement un schéma pratique pour la mise en place effective de la gratuité de l'enseignement primaire dans son pays. Ce schéma pratique consiste en ce que, d'une part, une loi spéciale, au sens strict du mot, soit prise pour organiser la gratuité et, d'autre part, que des institutions étatiques (en dehors de celles qui existent ou le renforcement de celles-ci) chargées de veiller à la mise en oeuvre de cette gratuité soient mises en place. Une telle proposition appelle quelques précisions. La gratuité de l'enseignement primaire poursuit des objectifs divers : réduire le taux d'analphabétisme en vue d'augmenter celui de scolarité et alléger la charge des parents pour la scolarisation de leurs enfants. Il mentionne que les membres de direction, le corps enseignant et mêmes les parents d'élèves des écoles congolaises ont trouvé utopique et même irréaliste la position gouvernementale dans un contexte ou l'Etat n'arrivait pas à payer les enseignants. Cependant, au terme de ses travaux, qui avaient pour objectifs d'identifier des mécanismes spécifiques de mise en oeuvre de cette mesure, il a conclu que malgré celle-ci des contributions obligatoires subsistent, variant d'une école à une autre et sous des dénominations diverses. il en arrive à la conclusion selon laquelle il ne suffit pas de proclamer la gratuité pour accroître les effectifs des élèves. Le défi de la qualité comme celui du travail doit être relevé. Ce défi suppose des actions à entreprendre dans au moins trois axes fondamentaux : l'amélioration des compétences et des conditions de vie des enseignants, la conception des programmes d'études et la gestion des écoles. L'Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante du Québec à travers une analyse comparative des pays tels que l'Allemagne, le Mexique et la suède conclut que les études de cas réalisées ont démontré au moins une chose : la gratuité scolaire est possible dans des contextes politiques, sociaux et économiques variés. La façon dont elle est mise en oeuvre dépend surtout de la volonté politique d'un pays A l'issue de ce qui précède, il est évident que l'éducation constitue un facteur clé pour le développement des pays en voie de développement. Pourtant, tout cela passe par un tout autre type de lutte ; celle des contraintes liées à la promotion de l'éducation pour tous. Ces contraintes sont essentiellement de deux ordres : celles liées à la demande en éducation26(*) et celles liées à l'offre en éducation27(*). 2.1.2.2 Contraintes liées à la demande en éducation2.1.2.2.1 Pauvreté La situation économique des personnes pauvres les empêche de satisfaire pleinement leurs besoins d'éducation. Les pauvres pensent à se nourrir d'abord et ensuite aux besoins secondaires. Donc l'initiative de mettre un enfant à l'école est jugée comme une dépense supplémentaire. Les frais tels que les droits d'inscription, les uniformes, le transport et les fournitures scolaires découragent les parents. En effet, à chaque rentrée scolaire, l'accumulation de ces dépenses s'élève à un montant tel que les parents d'élèves se trouvent incapables de les satisfaire. Par exemple, dans les zones sous scolarisées du nord de la Côte d'Ivoire, l'avantage concurrentiel que présente l'école coranique sur l'école « moderne » contribue à la faiblesse de la scolarisation dans ces zones (Tapé, 1996 ; cité par Ibata, 2003) car les dépenses exigées par l'école coranique sont en effet moindres que celles relatives à l'école « moderne » (Marietou, 1997 ; cité par Ibata, 2003). Les parents préfèrent donc choisir soit de s'abstenir d'emmener les enfants à l'école, soit d'opter pour des écoles coraniques. Le revenu et la richesse des parents jouent aussi un rôle important tant sur l'enrôlement que la progression des enfants : Jacoby (1994), Jamison et Lockheed (1987). Deolalikar (1993) trouvent que le revenu non salarial a le même impact sur la scolarisation des garçons et des filles, alors que Handa (1996) pense que le revenu a un plus grand impact sur la scolarisation des filles seulement. 2.1.2.2.2 Besoins des enfants pour des tâches agricoles/ménages Les activités courantes rencontrées dans nos pays sont les travaux domestiques et champêtres. Ces travaux requièrent une main d'oeuvre importante. Le conflit entre l'école et le travail en économie paysanne décrit par Kamuzora (1984 ; cité par Ibata, 2003) montre combien la scolarisation limite la contribution des enfants à la production domestique. Cet arbitrage entre l'école et les travaux domestiques fait par les parents va amener ceux-ci à ne pas scolariser leurs enfants puisque la production domestique est prioritaire. Les filles sont de plus en plus associées à ces travaux. Par exemple dans l'ouest du Cameroun, les jeunes filles participent aussi bien aux travaux champêtres les plus laborieux que les garçons. Elles s'occupent aussi des travaux domestiques. Ainsi, avoir des filles est une source de richesse que la providence a elle même donné. En Côte d'Ivoire, les travaux extrascolaires, qui concernent aussi bien les travaux domestiques que les travaux champêtres, la garde des animaux, l'exercice du petit commerce, etc., constituent un obstacle à l'accès et surtout au maintien des enfants à l'école particulièrement celle des filles (Dedy et Bih, 1997 ) 2.1.2.2.3 Faible importance accordée à l'éducation des filles Dans nos sociétés traditionnelles, la jeune fille est perçue d'une part, comme une main d'oeuvre au service de sa mère, et d'autre part comme une épouse reproductrice (Marietou, 1997 ; cité par Ibata, 2003). C'est ce qui traduit dans l'effectif scolaire dans nos pays, la faible proportion des filles. Ce jugement malheureux hérité des traditions, Africaines, condamne des millions de filles sous l'ornière de la non scolarisation. Cependant, il existe une controverse parmi les conclusions des auteurs. Certains tendent à montrer que les filles sont plus favorisées que les garçons en terme d'accès et de progression : au Brésil (Birdsall 1985) ; au Botswana (Chernichowsky 1985); au Philippines (King et Lillard 1983). Pour d'autres auteurs, les garçons sont plus favorisés : Jamison et Lockheed au Népal (1987), Glewwe et Jacoby au Ghana (1984), Deolalikar en Indonésie (1993). Selon EPT en Afrique : Repères pour l'action 2005, p. 67, « les données empiriques de nombreux pays africains montrent aujourd'hui un taux d'accès en 1ère année égal ou proche de 100%, mais peu sont proches de l'achèvement universel du cycle primaire du fait du problème de la rétention des élèves, surtout les filles, au cours du cycle ». D'après le Document de synthèse du Plan Décennal de Développement du secteur éducatif béninois 2006-2015, un certain nombre de problèmes persistent dans le sous-secteur de l'enseignement primaire. Parmi ces problèmes, nous pouvons noter des problèmes d'équité qui se manifestent par une répartition inégale des effectifs entre les différentes régions et surtout par un écart entre le taux de scolarisation des filles et celui des garçons, dû principalement au faible taux de scolarisation des filles ; Une autre étude faite en 1978 au Bénin par la CNBU avait permis d'identifier quelques causes de la déperdition d'effectifs scolaires chez les jeunes filles telles que les conditions économiques et sociales difficiles des familles, la pénurie d'enseignants et l'insuffisance du niveau de leur qualification, le conditionnement idéologique de la société féodale qui considère la femme comme un objet plutôt qu'un sujet, etc. Des études réalisées par le Réseau pour la Promotion de la Scolarisation des Filles ont repris entre autres les facteurs ci-dessus cités comme obstacles majeurs à la fréquentation scolaire des filles à l'école primaire. 2.1.2.2.4 Bas niveau d'éducation des parents et sexe du chef de ménage (CM) Le niveau d'éducation des parents influent fortement sur la scolarisation de leurs enfants. Les parents ayant déjà fréquenté l'école ont une grande préférence à emmener leurs enfants à l'école. En revanche, ceux n'ayant pas un niveau scolaire appréciable, ni n'ayant pas fréquenté l'école accordent moins d'importance à la scolarisation de leurs enfants. Concernant le sexe du chef de ménage, une étude montre qu'au nord de la Côte d'Ivoire les CM de sexe féminin assure une scolarisation plus forte que leurs homologues de sexe masculin (Toto ,1999). Beaucoup d'évidences empiriques existent sur le lien entre le niveau d'instruction des parents et la scolarisation des enfants. On peut citer les travaux de Chernichovsky(1985), Glewwe et Jacoby (1994), Lloyd et Blanc (1996). Dans beaucoup d'autres cas, l'éducation de la mère est plus déterminante que celle du père : behrman et wolfe (1987), singh (1992).Ces conclusions sont parfois contestées, Cogneau et Morin (2001) ont montré que la relation statistique entre l'éducation de la mère et la scolarisation des enfants à Madagascar est biaisée. Ce mécanisme peut aussi jouer par l'effet de goût qui veut que la préférence et le goût des parents à l'éducation fassent qu'ils désirent la même chose pour leurs enfants. 2.1.2.2.4 La taille du ménage Le nombre élevé de personnes dans le ménage, notamment des enfants très jeunes, limite les capacités du parent à investir dans la scolarisation des enfants. Ainsi la relation entre la taille du ménage et la scolarisation des enfants pourrait être négative surtout dans les ménages pauvres. Les études réalisées en Afrique tendent à infirmer cette hypothèse classique. En Côte d'Ivoire, on observe un effet ambigu. Montgomery et al. (1995 ; cité par Ibata, 2003) ont effectué une étude comparative sur la Côte d'Ivoire et le Ghana, et montrent qu'en milieu rural la taille du ménage à un effet positif sur la scolarisation et qu'en milieu urbain, l'effet est négatif. Une autre étude de Dedy et Bih (1997) montre que la taille du ménage agit négativement sur la mise à l'école particulièrement dans les régions sous scolarisés du Nord. 2.1.2.2.5 La religion Les enseignements ainsi que les pratiques de certains groupes religieux peuvent affecter la scolarisation, surtout celle des filles. La plupart des parents musulmans affirment privilégier la pratique religieuse chez les filles ; l'école publique laïque, apparaît comme un des obstacles majeurs à la vie spirituelle des familles qui, pour la contourner, préfèrent garder leurs enfants à la maison ou les inscrire à l'école coranique (Trah, 1996). L'école est perçue comme un lieu de dépravation des moeurs, lieu de rupture avec le milieu familial, contrairement à l'école coranique qui enseigne le respect, la soumission et les principes de la religion musulmane (Marietou, 1997 ; cité par Ibata, 2003). Toto (1999) prouve qu'en zone urbaine comme en zone rurale, les chefs de ménages chrétiens scolarisent plus les enfants que ceux d'obédience musulmane. 2.1.2.2.6 Le phénomène du vidomegon Ce phénomène a été abordé dans le contexte général de l'étude, chapitre1 page 17. 2.1.2.2.7 Autres facteurs Parmi les facteurs socioculturels, il faut citer également les grossesses et mariages précoces et la perception de l'éducation en conflit avec les valeurs traditionnelles. Il faut noter l'impact de certaines maladies telles que la pandémie du sida sur la demande éducative. D'après une estimation de l'AFD (2004 ; citée par Dougnon et al, 2006), certains pays comme le Malawi, la Zambie, Le Zimbabwé et l'Afrique du Sud verrons d'ici 2010 leur population se réduit d'un quart par rapport à une situation d'évolution démographique normale a cause du sida. * 26 La demande d'éducation est l'intention exprimée ou non par une frange de la population d'entreprendre ou de poursuivre des études. * 27 L'offre éducative est un ensemble de dispositions mises en place pour permettre de satisfaire la demande exprimée. |
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