La problématique de l'humanisme dans " qu'est ce qu'une vie réussie? " de Luc Ferry( Télécharger le fichier original )par Ericbert TAMBOU Université catholique d'Afrique Centrale Yaoundé - Licence en philosophie 2011 |
Conclusion partielleCe chapitre nous a permis de présenter le nouvel humanisme, l'humanisme de l'homme-dieu qui se situe à la croisée de deux processus, l'humanisation du divin et la divinisation de l'humain lequel fait descendre le sacré dans l'être humain : c'est ce que nous avons appelé le sacré à visage humain. Il en ressort que le nouvel humanisme n'est pas si hostile à la transcendance ; il fait appel à une transcendance, une transcendance pas comme les autres, une transcendance qui est immanente à l'homme et qui se trouve dans l'expérience quotidienne. Cette nouvelle transcendance a d'autres visages à savoir la justice, la beauté, la vérité et l'amour car nous ne les inventons pas, mais nous les découvrons en nous, dans nos expériences humaines et qui s'imposent à nous comme des évidences. Ainsi présenté, le nouvel humanisme nous a conduits à reconsidérer la question du bonheur réponse de Luc Ferry à l'antique question de la vie réussie. Il en ressort que pour Luc Ferry, une vie réussie est celle qui repose sur quatre piliers : être ouvert à l'autre, en ce qu'il a d'unique (la singularité) et à la fois d'universel, l'intensité de la vie, aimer vraiment (la sagesse de l'amour), et savourer les moments uniques (l'instant éternel). Toutefois, cet humanisme de l'homme-dieu de Luc Ferry suscite néanmoins quelques interrogations à savoir : L'homme se suffit-il ? N'y a-t-il pas une autre voie qui ouvre à l'humanisation que celle que propose l'humanisme de l'homme-dieu ? Luc Ferry ne se trompe t-il pas sur l'idée de la transcendance ou sur sa conception du christianisme ? Toutes ces interrogations et bien d'autres seront le fil conducteur du prochain chapitre dans lequel nous tenterons d'y apporter une réponse. CHAPITRE III : ÉVALUATION CRITIQUE ET PERSPECTIVEIntroduction partielleComme nous l'avons vu plus haut, en menant sa réflexion sur ce que pourrait être la vie bonne dans nos sociétés sécularisées et désenchantées qui ont congédié le divin, Luc Ferry plaide en faveur d'un nouvel humanisme : l'humanisme de l'homme-dieu. Il est question pour nous ici, après avoir présenté ce nouvel humanisme, d'analyser la valeur de celui-ci en montrant ce par quoi il demeure un message de sagesse et un appel pour les hommes d'aujourd'hui grâce à son invitation à l'amour du singulier et son exigence de la «pensée élargie''. Nous nous attarderons aussi sur ses limites ou impensés à savoir la présence en l'homme de Dieu, la vie spirituelle et mystique comme autre voie d'humanisation à la lumière des autres philosophes et le cas du sacré qui ne peut se comprendre et se définir que par rapport à la religion. Nous finirons cette partie par une réflexion sur l'humanisme qui, selon nous, convient à notre époque : l'humanisme de la finitude. I. Portée de l'humanisme de FerryL'humanisme de l'homme-dieu parle de manière forte aux hommes d'aujourd'hui par des messages de sagesse. C'est ces messages que nous voulons relever ici. 1. L'importance de la pensée élargiePar la pensée élargie, Luc Ferry invite à agrandir son champ d'expérience. L'un des moyens qu'il propose c'est le voyage. Grâce à la pensée élargie, le voyage devient un impératif catégorique. Le voyage permet de sortir de l'ordinaire car quand le poids des journées répétitives nous colle les pieds au plancher, un voyage nous en donne des ailes. Il fait grandir le plaisir d'apprendre, il est une remarquable école dont l'enseignement finit par laisser des traces. On peut s'offrir un surplus d'histoire grâce à celle des autres, un surplus de culture grâce à la culture des autres, un surplus de beauté grâce à celle des autres. Le voyage ouvre l'esprit vers de nouveaux horizons. Montaigne dans ses Essais précisait déjà qu'« il faut voyager pour frotter et limer sa cervelle contre celle d'autrui. »60(*) Grâce au voyage, on découvre les qualités de la société qui est la sienne et on apprécie davantage la chance que l'on a d'en faire partie. En élargissant sa pensée, on développe la certitude d'avoir un avenir. Le voyage est une ouverture sur le monde : à moins d'être borné, personne ne revient d'un voyage plus idiot qu'avant. Il nous ouvre à autrui ; la confrontation avec autrui nous emmène vers une pensée élargie : si dans notre activité de penser, nous tenons compte des autres, nous aboutissons alors à une pensée plus complète, plus juste. On pense par soi-même et avec les autres : c'est ce à quoi nous convie un voyage, qui apparaît comme une véritable école de pensée. Luc Ferry a le mérite de montrer que le voyage est l'avenir de l'humanité car celui-ci permet de ne pas rester borné mais de s'ouvrir aux autres et à d'autres réalités. Partir découvrir ceux que l'on ne connaît pas, s'offrir pour apprendre, s'ouvrir pour être : voilà l'idéal d'un voyage. Comme tout ce qui compte dans la vie, un beau voyage est une oeuvre d'art : c'est une création. Il faudrait aussi ajouter l'étude d'une langue étrangère comme étant un autre facteur favorisant la pensée élargie pour notre époque. Quand j'étudie une langue étrangère, que je veuille ou non, je ne cesse d'élargir mon horizon car j'entre à travers elle en communication avec plus de personnes mais aussi je découvre la culture qui s'attache à cette langue. La langue n'est pas seulement le moyen privilégié de communication entre les êtres humains, elle incarne aussi la vision et la représentation du monde de son locuteur, son imaginaire, sa façon de véhiculer le savoir. C'est la raison pour laquelle la langue fonde l'identité culturelle d'un peuple : elle est le pilier de la culture. Le malien Seydou Kouyaté disait à ce sujet « ...par la langue, nous avons ce que le passé nous a laissé comme message et ce que le présent compose pour nous. C'est la langue qui nous lie et c'est elle qui fonde notre identité. Elle est un élément essentiel et sans la langue il n'y a pas de culture. »61(*) En parlant une langue autre que la mienne, « je m'enrichis de manière irremplaçable d'un apport extérieur à ma particularité initiale. »62(*) D'où l'invitation du nouvel humanisme à promouvoir dans notre société l'étude d'autres langues mais aussi de sa langue maternelle car « chaque langue humaine est une fenêtre ouverte sur le monde. » * 60 Cf. Michel Eyquem de MONTAIGNE, Essais, Paris, PUF, 2004. * 61 http://www.kanjamadi.com/mahamadsangare.html * 62 Luc FERRY, Apprendre à vivre. Traité de philosophie à l'usage des jeunes générations, op. cit., p. 293. |
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