La problématique de l'humanisme dans " qu'est ce qu'une vie réussie? " de Luc Ferry( Télécharger le fichier original )par Ericbert TAMBOU Université catholique d'Afrique Centrale Yaoundé - Licence en philosophie 2011 |
2. Amour du singulierSeule la singularité, pense Luc Ferry dans son nouvel humanisme, « est objet d'amour. »63(*) Voici un message pour notre société qui en matière d'affectivité ne sait plus à quel saint se vouer. Des personnes se rencontrent, sont séduites l'une et l'autre, s'aiment, se marient mais quelques temps après s'ennuient d'être ensemble et finissent par se séparer. Pourquoi une telle réalité ? Parce qu'elles ont aimé en l'autre ses qualités extérieures (force, humour, courage, gentillesse...) qui sont des attributs périssables et non par ce qui le distingue des autres êtres, c'est-à-dire ce qui fait de lui un être singulier. Quand l'être aimé a perdu ses qualités extérieures ou du moins ce qui était aimé en lui, l'amour qui était porté pour lui finit aussi par disparaître pour céder la place à la lassitude et à l'ennui : c'est la séparation. Ces qualités particulières à savoir « la beauté, la force, l'intelligence, etc., ne sont pas propres à tel ou tel, elles ne sont nullement liées de manière intime et essentielle à la «substance'' d'une personne à nulle autre pareille, mais elles sont, pour ainsi dire, interchangeables. »64(*) Le mérite de Luc Ferry est de nous inviter dans son humanisme de l'homme-dieu à porter notre amour non sur les qualités extérieures de l'autre qui un jour peuvent ou vont disparaître, mais sur sa singularité c'est-à-dire ce qui le distingue de tous les autres êtres et « le rend à nul autre pareil. »65(*) C'est cette singularité que nous sommes appelés à aimer et à développer pour l'être aimé comme en soi. En aimant les qualités extérieures de l'autre qu'on pourrait le cas échéant rencontrer chez d'autres, on l'aime pas en tant que être singulier mais on aime ses qualités. C'est pourquoi Pascal écrivait : « (...) celui qui aime quelqu'un à cause de sa beauté, l'aime t-il ? Non ; car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu'il ne l'aimera plus. Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m'aime t-on, moi ? Non ; car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même. »66(*) Je peux tout perdre sans perdre pour autant ma singularité, ce qui fait que je suis moi c'est-à-dire ma dimension subjective et personnelle. C'est cette singularité qu'il faut aimer car je suis seul à être moi. * 63 Luc FERRY, Qu'est ce qu'une vie réussie ?, op. cit., p. 479. * 64 Luc FERRY, Apprendre à vivre. Traité de philosophie à l'usage des jeunes générations, op. cit., p. 295. * 65 Ibid., p. 296. * 66 Blaise PASCAL, Pensées, 306. |
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