La problématique de l'humanisme dans " qu'est ce qu'une vie réussie? " de Luc Ferry( Télécharger le fichier original )par Ericbert TAMBOU Université catholique d'Afrique Centrale Yaoundé - Licence en philosophie 2011 |
CHAPITRE I : CONTEXTE D'EMERGENCE DE L'HUMANISME DE L'HOMME-DIEUIntroduction partielleL'horizon de questionnement de Luc Ferry se trouve largement conditionné par le contexte politique et religieux français. Comme il le rappelle bien dans son livre Qu'est ce qu'une vie réussie ?, le monde dans lequel Luc Ferry élabore son humanisme spiritualiste est un monde sécularisé et désenchanté, déserté par les transcendances, sans au-delà, où seule s'exprime la raison instrumentale (cette partie de la raison pour qui ne comptent que l'efficacité, le rendement et la performance). Autre caractéristique de ce monde remarque t-il, est qu'il se situe après la déconstruction des «idoles'' de la religion et de la métaphysique entamée par Nietzsche. I. Du monde sécularisé à la révolution démocratiqueIl n'existe pas de philosophie qui soit née ex-nihilo. Toute philosophie naît dans un contexte culturel précis : elle est incarnée. Hegel le rappelait déjà par cette célèbre assertion : « toute philosophie est fille de son temps. » L'humanisme de l'homme-dieu de Luc Ferry, ne fait pas exception. Il est fruit d'un contexte culturel et politique, celui de la France, sécularisé, voire laïcisé et désenchanté. 1. Une France laïque et désenchantéeSelon André Akoun, la laïcité « désigne, plus spécifiquement, la conception française de la séparation de l'Etat et des institutions religieuses. »2(*) L'histoire intérieure de la France est « l'histoire d'une incessante sécularisation (...), la longue histoire de la laïcisation »3(*) où sont progressivement séparés l'Eglise et l'Etat et où de l'une et l'autre ont été transférées l'administration, les finances, la justice et l'éducation. La laïcité prend corps pour la première fois pendant la Révolution française avec l'abolition de l' Ancien Régime en août 1789 et l'affirmation de principes universels, dont la liberté de conscience et l' égalité des droits exprimés par la Déclaration des Droits de l'homme. La loi constitutionnelle du 4 août 1995, dans son article premier stipule que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale (...). » Pour la France, qui se considère historiquement comme le pays des Droits de l'homme, cette laïcité est apparue au fil de son évolution comme un cadre protecteur des Droits de l'homme. La laïcité apparaît alors comme limitative de la religion. Elle est une des ``passions françaises'', qui suscite des débats récurrents : elle a ses militants et sa morale. Cette laïcité va aller de pair avec le désenchantement. Le mot désenchantement appartient au vocabulaire sociologique de Max Weber et il signifie « la cessation du charme, des sortilèges et par extension la déception qui en résulte. »4(*) Le désenchantement du monde est le recul des croyances religieuses ou magiques comme mode d'explication des phénomènes, et s'accompagne d'une perte de sens du monde, dès lors qu'il peut être scientifiquement expliqué. C'est la naissance de la science moderne et surtout le développement des sciences sociales qui conduit à s'émanciper d'une conception magique du monde, et permet de s'orienter vers le désenchantement du monde. Selon Agnès Antoine, « le désenchantement du monde n'est pas seulement une simple séparation entre religion et politique, (...) il constitue un remodelage des idées, des sentiments, et des moeurs individuels. »5(*) L'homme arrive à concevoir le monde dans sa totalité, et il n'y a plus, dans cette conception, la moindre place pour l'existence d'une dimension transcendante, d'un autre niveau de réalité. * 2 André AKOUN (dir.), Dictionnaire de sociologie, Paris, Le Robert/Seuil, 1999, p. 303. * 3 Sylvain AUROUX (dir.), Les notions philosophiques, t 1, Paris, PUF, 2002, p. 1432. * 4 André AKOUN (dir.), op. cit., p. 140. * 5 Agnès ANTOINE, op. cit., p. 34. |
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