1.3.2. Appropriation et
situations d'interactions communicatives
Dans ses réflexions sur le langage, CHOMSKY (1975/1981,
p. 24) associe acquisition langagière et expériences
linguistiques. L'approche socioconstructiviste postule également un
rapport intrinsèque entre celle-ci et les interactions sociales. BANGE
(1992b) souligne, ainsi, l'existence d'un lien direct entre l'appropriation
d'une langue et son usage en tant que langue de communication. En effet,
l'apprenant en interaction doit mobiliser ses compétences
langagières et s'en approprier de nouvelles pour répondre
à la pression exercée par la situation de communication (Lambert,
1994) ; pour cela, il met en oeuvre « des stratégies
cognitives de traitement de l'information, des stratégies de
réalisation des pratiques langagières, des stratégies
linguistiques et discursives » qui participent à son
appropriation de la langue par le développement « de nouvelles
capacités communicatives » (Véronique, 2007, p. 87).
Concernant les situations d'apprentissage du français
enseigné aux étrangers, VIGNER (2009) soutient que c'est par la
prise de parole et les interactions afférentes que l'apprenant parvient
à « intérioriser un certain nombre de formes de la
langue » (p. 62). Sa pensée est appuyée, en ce sens,
par CHAMPION (2009), pour qui la communication permet le développement
de « procédures de répétition, de reformulation,
d'explication » qui participent à un apprentissage
métalinguistique (p. 41), et par GIACOMI (2006), qui définit
l'appropriation langagière en interaction en termes de capacités
dont doivent faire preuve de manière progressive les
apprenants :
« la capacité à référer
à soi par rapport aux autres, c'est-à-dire la possibilité
d'établir des relations interlocutives [...] ; la capacité
à référer au temps, par l'établissement de
relations d'antériorité et de postériorité [...] ;
la capacité à référer à l'espace [...] au
moyen d'adverbes et de prépositions [...] ; la capacité à
référer aux personnes, aux objets et aux entités [...] ;
la capacité à établir des relations intra- et
inter-syntagmatiques au moyen de connecteurs et de conjonctions ; la
capacité à prendre plus ou moins de distance par rapport à
son propre discours et au discours de l'interlocuteur [...] ; la
capacité, enfin, à maintenir une cohérence et une
cohésion dans la conduite des interactions. » (p. 27)
Ainsi, à travers la réalisation d'une
tâche dialogique en cours de langue, l'apprenant expérimente et
peut apprendre « à interagir de façon authentique dans la
langue cible » (Muller, 2012). L'interaction communicative permet,
dès lors, de recueillir et d'intégrer des savoirs qui n'auraient
pu voir le jour sans l'échange (Dubost, 2009, p. 130), qui pourront
être réutilisés a posteriori (Merleau-Ponty, 1945,
p. 407) et consolider l'interlangue des apprenants (Muller, Ibid.).
Favorisation de l'éclosion d'un message tant personnel
que créatif, promotion des interactions communicatives et appropriation
de la langue peuvent donc être corrélées. Néanmoins,
les mécanismes d'apprentissage d'une langue étrangère
varient selon les capacités cognitives de l'individu. LAMBERT (1994)
expose cet état en termes d'aptitudes individuelles « à
la discrimination perceptive, à la faculté d'induction, à
la conservation en mémoire et à la sensibilité
grammaticale ». Chaque apprenant dispose d'une capacité
linguistique propre qui lui permet un apprentissage plus ou moins rapide et
efficient en fonction de sa faculté, modelée par ses
connaissances en langue maternelle, à « traiter les
données du langage, [à] les coder et [à] les
mémoriser » (Ibid.).
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