1.3. Vers une appropriation
de la langue ?
1.3.1. Appropriation et
élaboration du message verbal
· La subjectivité et l'implication de l'apprenant
dans le message
La situation de communication procède des relations qui
s'opèrent entre l'émission du « je/moi » et
son opposition au « tu/toi » et « au
il/lui » (Benveniste, 1974, pp. 99, 200). L'inclusion du
locuteur apparaît, dès lors, comme une condition sine qua
non à l'expérience discursive : « une
expérience humaine [qui] dévoile l'instrument linguistique [qui]
la fonde » (Ibid., p. 68). BENVENISTE (1970) définit
l'énonciation « comme un procès
d'appropriation » au cours duquel « le locuteur s'approprie
l'appareil formel de la langue et [...] énonce sa position de locuteur
par des indices spécifiques » (p. 14). GIACOMI (2006) souligne
ce même rapport entre usage et acquisition de la langue en
précisant que par le « je » l'apprenant se
pose « comme un être pensant et agissant par rapport aux
autres et au monde » (p. 27). En s'exprimant alors en tant que
sujet-personne, il se révèle « davantage susceptible de
s'approprier les données qu'en étant limité à une
identité d'élève » (Muller, 2012). De plus, en
réorientant « le potentiel communicatif des enjeux
discursifs », les différents phénomènes de
déritualisation et d'engagement énonciatif permettent à
l'apprenant « de redessiner les contours des interactions
d'apprentissage », de redéfinir « les formes, les
objectifs et les contenus » de la situation initiale et de
s'approprier les données nouvellement cadrées (Moore & Simon,
2002).
· L'expression personnelle créative dans le
message
Dans un contexte de classe de langue, contraindre des
apprenants à créer verbalement « valorise la fonction
poétique imaginative de la langue et encourage une implication
personnelle » (Muller, 2009a, p. 103), les incite à « ouvrir
et aiguiser leur liberté énonciative et discursive »
(Beacco, 2007, p. 242). En effet, afin de donner forme à leurs
idées, ils doivent convertir l'ensemble des inputs
reçus, leurs analyses relatives et les émotions
générées en mots (Aden, 2009, p. 175) ; ils doivent
mobiliser leurs compétences langagières, qu'ils agencent dans un
style propre, « caractère d'une prise de possession de la
langue » (Benveniste, 1974, p. 100). De plus, la réalisation de
tâches créatives permet de favoriser la prise de risque et de
valoriser la confiance en soi tout en développant un
apprentissage dans la langue cible (Aden, Ibid.). Ainsi, ADEN (Ibid.)
soutient que
"Maîtriser de mieux en mieux une langue c'est devenir de
plus en plus créatif dans cette langue, l'un n'étant pas la
conséquence de l'autre, mais les deux se renforçant dans une
boucle rétroactive. » (p. 174)
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