· La négociation entre apprenants
Les désaccords sur un point particulier de l'image
peuvent donner lieu à des négociations conversationnelles entre
les apprenants. Les sensibilités individuelles se révèlent
un facteur d'opposition comme en témoigne l'extrait suivant où
deux conceptions d'analyse de l'image Juste avant le sourire se font
face : mêler le fond et la forme (Vince), se baser exclusivement sur
la forme (Alexandre).
Index 09 :
Exemple n°06
232
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Vince
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ça c'est du bois
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233
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Alexandre
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ça c'est un rocher de pierre
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234
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Vince
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ah ouais ?
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238
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Vince
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ok + + moi j'ai vu le fil là
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240
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Alexandre
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non c'est une grotte c'est de la pierre
ça c'est de la pierre
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248
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Vince
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moi j'ai le même problème
là avec + moi j'ai vu un fil
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249
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Alexandre
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une clé ?
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253
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Vince
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[...] je pensais à un truc de migraine mal
à la tête + avec les yeux + avec les yeux
là + et même moi j'ai vu le le visage les yeux et la bouche et
tout ça mais ça le rouge pour moi c'est plutôt comme du
sang + du sang pour moi + euh et donc pour moi ça venait de XX des yeux
+ il y a quelque chose qui sort de la tête
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256
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Alexandre
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moi je pense que c'est une roche
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257
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Vince
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non moi je je suis d'accord que tout ça c'est
un roche oui ? + le derrière là ?
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260
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Vince
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je croyais que c'était un miur
comme: + euh
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Les deux apprenants sont en désaccord sur le sujet de
l'oeuvre. Vince écoute alors les remarques d'Alexandre (« ah
ouais ? », TP 234 ; « ok », TP 238) et lui
propose son interprétation de l'objet (TP 238-248-253). Par un tel
comportement, il signale à son interlocuteur qu'il accepte de
régler le désaccord par la négociation. Cependant,
Alexandre ne le suit pas sur ce champ conversationnel. En effet, dans une
logique de conflit énonciatif, il réitère à de
multiples reprises sa conception et converse sans tenir compte de
l'argumentation élaborée par son partenaire (TP 240-249-256).
Finalement, Vince adopte une double posture en ne se ralliant
spontanément qu'en partie à la position d'Alexandre. S'il accepte
l'assertion de l'autre (« c'est une roche oui », TP
257 ; il parlera par la suite d'un « miur », TP 260),
cela ne concerne, selon lui, que l'arrière plan (« le
derrière là ? », TP 257) et non l'ensemble de la
photographie ; le fond de l'image est, à son sens, ailleurs.
· Un cas particulier de négociation : le
malentendu
La situation suivante
diffère des cas précédents d'interaction pour deux
raisons : le professeur apparaît comme un interlocuteur
intrinsèquement impliqué et il réalise une
interprétation erronée de l'énoncé d'une
apprenante.
Index 10 : Exemple
n°07
122
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Carin
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je pense aussi que si il est sur une bombe parce que
il a un problème et [...] il va avoir plus de
problèmes
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125
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P
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exactement quand on joue à un jeu
dangereux parfois on peut dire
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126
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Carin
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non non psychologiquement je voulais dire
?
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127
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P
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aussi oui oui
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Carin n'acquiesce pas lorsque notre remarque ne correspond pas
à ce qu'elle a voulu dire (TP 126). La vivacité de la
réplique rétorquée, le ton utilisé et le double
usage du « non » prouvent qu'elle tend à la maitrise
de la signification de ses propos et qu'elle tient à ce que son
interprétation de la photographie ne soit pas altérée ou
mal interprétée par les destinataires. Le dialogue interactif a
permis de résorber le malentendu qui s'évanouit lorsque nous
comprenons notre erreur (TP 127).
Par le croisement de leurs interprétations
personnelles, les apprenants s'installent dans un cadre d'interaction
horizontale où la parole peut circuler, où chacun prend position
et écoute l'autre. Notre cadre théorique précise que de
telles situations permettent aux locuteurs et interlocuteurs une appropriation
de la langue cible, alors utilisée comme outil de communication et
d'interaction.
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