La notion de fonds libéral en droit camerounais( Télécharger le fichier original )par Sébastien AGBELE NTSENGUE Université de Yaoundé 2 - Diplôme d'études approfondies en droit des affaires 2008 |
Paragraphe II : L'admission prétorienne du cabinet au sein de la communauté conjugale153. L'une des interrogations les plus passionnantes suscitées par le mariage d'un praticien libéral est celle de savoir à qui appartient le cabinet : est-ce la propriété exclusive du praticien ou au contraire un bien commun aux deux époux ? Autrement dit, le cabinet d'un praticien peut-il entrer en communauté ? Cette interrogation a donné lieu à des réponses divergentes en doctrine ; et malgré l'âpreté des débats doctrinaux sur cette question (A), les juges ont, sur la base de la distinction subtile du titre et de la finance376(*), admis que le cabinet puisse être un bien qui échoit en communauté (B). A/ En dépit de l'âpreté des débats doctrinaux sur l'admission du cabinet dans la communauté conjugale ...154. La question de l'admission du cabinet dans la communauté conjugale divise les auteurs en deux camps. Alors que certains auteurs sont contre une telle admission (1), d'autres au contraire y sont favorables (2). 1) Les thèses hostiles à l'entrée du cabinet dans la communauté conjugale155. Les opposants à l'entrée du cabinet dans la communauté font valoir certains arguments dont la pertinence n'est pas des plus absolue. Parmi ces arguments, on peut citer celui avancé par le Professeur COLOMER selon lequel l'entrée des clientèles civiles en communauté ne peut se concevoir que si on leur reconnaît une valeur patrimoniale377(*). En principe, la clientèle civile n'a pas de valeur patrimoniale puisqu'elle dépend principalement des liens personnels unissant le client au praticien. N'ayant donc pas de valeur patrimoniale, la clientèle civile ne saurait entrer en communauté. Si ces arguments sont parfois confortés par certaines décisions de justice378(*), ils sont souvent contredits par des thèses doctrinales qui sont favorables à l'intrusion du cabinet dans la communauté conjugale. 2) Les thèses favorables à l'entrée du cabinet dans la communauté conjugale156. Pour soutenir l'entrée du cabinet dans la communauté conjugale, certains auteurs font valoir que le lien de confiance n'est pas aussi déterminant qu'il ne l'était par le passé. Sous l'influence du mouvement de matérialisation, ce lien se distend. Bien plus, ce lien n'est pas caractéristique des seules professions libérales, on le retrouve aussi de manière prégnante en matière commerciale, ce qui n'empêche pas les cessions de clientèles commerciales. Dans le dessein d'affiner leurs arguments, certains auteurs proposent de distinguer le titre - droit d'exercer la profession - qui est personnel à son titulaire et qui n'a pas de valeur patrimoniale de la finance - la valeur de la clientèle - qui seule a une valeur patrimoniale et peut par conséquent être admise en communauté379(*). Toutes ces thèses ont eu pour effet majeur d'embarrasser le juge qui était ainsi ballotté entre autoriser l'entrée du cabinet dans la communauté et s'opposer à une telle entrée. Mais finalement, et quoique de manière hésitante, les magistrats vont reconnaître une valeur patrimoniale au cabinet, laquelle justifie son entrée en communauté. * 376 LAMBERT-PIERI (M-C), L'avenir de la distinction du titre et de la finance dans la communauté légale, Dalloz Sirey, 1982, Chron., p. 65 et S. * 377 COLOMER (A), note sous trib. civil de LILLE, 12 mars 1957, JCP 1958, II, 10433. * 378 Tribunal civil de la Seine, 6 mai 1943, Gaz. Pal. 1943, 2, 45. * 379 LAMBERT-PIERI (M-C), op. cit., p. 65 et s. ; CABRILLAC (R), note sous Civ. 1ère, 12 Janvier 1994, Bull civil 1994. p.313. |
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