La notion de fonds libéral en droit camerounais( Télécharger le fichier original )par Sébastien AGBELE NTSENGUE Université de Yaoundé 2 - Diplôme d'études approfondies en droit des affaires 2008 |
1) Le droit au bail32. La localisation est un élément important chez tous les professionnels, qu'ils soient commerçants ou praticiens libéraux, à ce titre, elle doit être stable87(*). C'est ce besoin de stabilité qui a été à l'origine du démantèlement de l'ancienne propriété immobilière par la propriété commerciale88(*). Ce besoin a d'abord été ressenti par les commerçants à la fin de la première guerre mondiale. Pendant cette première boucherie humaine, une crise aux conséquences désastreuses pour les propriétaires d'immeubles français s'est produite : les bailleurs ont été contraints de baisser les loyers des immeubles. La guerre terminée, l'accalmie retrouvée, les propriétaires voulurent revenir à la situation d'avant guerre en augmentant les loyers. Pour parvenir à leurs fins, ils invoquèrent simplement à leur bénéfice les dispositions du Code civil qui autorisaient le bailleur d'immeuble à refuser de renouveler le contrat de bail au terme de celui-ci89(*). Cette décision des bailleurs souleva une telle hostilité chez les locataires que le législateur se trouva face à un dilemme : sacrifier la justice ou sacrifier la sécurité juridique90(*). Finalement, le législateur marqua sa préférence pour la sécurité juridique, donc pour la stabilité des locaux d'exploitation des commerçants. Le législateur dut donc intervenir à travers la loi du 30 Juin 1926 ; désormais, les bailleurs sont tenus soit de renouveler le contrat à l'expiration de celui-ci, soit de payer une indemnité d'éviction au locataire le plus souvent élevée. Le législateur consacrait donc de manière subtile une véritable propriété commerciale au profit du locataire, faisant ainsi entorse à l'ancienne propriété immobilière91(*). Si le pari de la sécurité juridique plutôt que de la justice avait été fait, c'est parce que la localisation apparaît à bien des égards importante pour le commerçant. Mais très tôt, la préoccupation de stabilité est aussi apparue à l'occasion de l'exercice des activités libérales. Si les commerçants ont pu, s'affranchir des régimes des baux civils, tel n'a pas été le cas des professionnels libéraux qui sont restés longtemps soumis à une législation devenue de plus en plus inadaptée et obsolète92(*). Face à la fragilité et à la précarité de cette situation géographique, les praticiens libéraux, rivalisant d'ingéniosité vont recourir à des moyens détournés pour maintenir et pérenniser leur situation géographique. Ils le feront surtout par le rattachement conventionnel au statut protecteur du bail commercial93(*). Cette pratique illustre parfaitement l'idée selon laquelle la clientèle libérale n'est plus seulement attirée par des considérations personnelles donc subjectives, elle est de plus en plus attirée par des éléments objectifs de nature corporelle - les matériels ou incorporelle - la localisation, le « nom libéral ». * 87 VIALLA (F), op. Cit. , n° 86 p. 95. * 88 SAVATIER (R), Essai d'une présentation nouvelle des biens incorporels, RTD civ. 1958, n°34, p. 349. * 89 Voir par exemple l'article 1737 du Code civil. * 90 BERGEL (J-L), Théorie générale du droit, paris, Dalloz, 1985, n° 25, p. 32. : « Dans certains cas, le droit est indifférent à toute idée de justice... Il arrive enfin que le droit repousse toute finalité de justice au profit de l'ordre, de la sécurité, de la paix ... ». * 91 SAVATIER (R), Ibid. * 92 VIALLA (F), op. cit., n° 86 , p. 95; V. l'article 1737 du Code civil. * 93 RAYNARD (R), Les locaux de l'entreprise libérale, Colloque sur l'entreprise libérale, rev. de l'ACE, p. 30 : « C'est donc à un statut protecteur emprunté que les entreprises libérales vont avoir recours ». |
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