3.7.- MESURES A PRENDRE FACE AUX RISQUES DES CATASTROPHES
DANS LE BASSIN VERSANT DE LA RIVIERE N'DJILI
Face aux risques des catastrophes dans les sites sensibles du
bassin hydrographique de la rivière N'Djili, une opinion très
répandue, même parmi les experts, propose l'évacuation de
la population et sa réinstallation dans des lieux plus sûrs. Ceci
semble être une solution radicale et un remède miracle. Cependant,
une analyse attentive montre qu'elle est, dans les conditions actuelles,
techniquement impossible à réaliser au point de vue
économique, politique et social. Une telle mesure n'est pas envisageable
parce qu'elle peut entraîner de nombreux problèmes difficiles
à résoudre.
On doit savoir que les personnes installées sur des
sites à risques appartiennent généralement à la
catégorie des personnes vulnérables et disposent d'un revenu
très faible. Ils sont très souvent implantés à
proximité de leurs lieux de travail ou recherche un toit à soi
ou un loyer très bas compatible avec leurs faibles ressources. Outre le
fait que tous les sites proposés par le gouvernement (Mpasa I, II et
III) sont très éloignés du centre ville, on peut noter les
inconvénients suivants qui constituent des contraintes
majeures :
1. Difficultés quasi insurmontables
de transport pour atteindre les lieux de travail ou simplement le centre
commercial ;
2. Les sites proposés sont
constitués des parcelles de terres non viabilisées
dépourvues des maisons et qui exigent, de ce fait, d'importants moyens
et de grands efforts de la part des bénéficiaires pour
construire. Cela n'est tout simplement pas possible ;
3. L'éloignement des centres de
production maraîchère et d'élevage situés dans les
vallées du bassin versant de la rivière N'Djili a pour effet de
priver les ménages d'une source importante de revenus et de supprimer
l'emploi pour de nombreuses personnes qui s'adonnaient à cette
activité à titre principal. La production maraîchère
joue, en outre, un rôle de premier ordre dans l'alimentation de
nombreuses familles ;
4. Les sites fournis aux sinistrés
sont généralement dépourvus d'infrastructures
communautaires et d'équipements collectifs : absence des formations
médicales, d'écoles et d'autres structures importantes pour la
communauté et notamment des lieux pour les loisirs ce qui oblige la
population à parcourir parfois de très longues distances pour
avoir accès à ces services ;
5. Des facteurs d'ordre social divers ont
également une grande importance. En effet, l'appartenance à des
associations, à des clubs ou à des mutualités quelle que
soit leur nature, les liens familiaux et les facteurs émotionnels de
divers types renforcent l'attachement des gens à leurs lieux de
résidence habituelle. Déplacer les populations est toujours
perçu comme un déchirement ou un déracinement et comme une
perte d'une partie de soi - même. Il convient donc dans toute
décision de ce type de tenir compte de la dimension psychologique et
sociale du problème.
Un regard rétrospectif sur un passé
récent montre que ce type des solutions a toujours abouti à
l'échec. Le cas des habitants de la vallée de la rivière
Makelele à Kinshasa est devenu un cas d'école qui peut être
épinglé en exemple. Dans ce site, on observe
régulièrement des inondations répétitives
entraînant de nombreuses pertes en vies humaines et d'importants
dégâts matériels. A plusieurs reprises des personnes
déplacées et parfois indemnisées reviennent sur le
même lieu après avoir vendu les terrains ou les maisons qui leur
avaient été attribuées à titre d'indemnisation.
Dans d'autres cas, les espaces restés libres sont
réoccupés par des nouveaux venus. Les sinistrés d'hier
bien qu'indemnisés redeviennent des sinistrés d'aujourd'hui au
point où certaines personnes périssent finalement dans des
catastrophes contre lesquelles on a voulu les préserver. On peut donc en
conclure que les catastrophes ne sont pas gérées comme il se doit
(Tableau 71).
Tableau 75 : Pratique de la gestion des catastrophes
dans le bassin versant de la rivière N'Djili
Catastrophes
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Intervention
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Préparation
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Secours (a) ou Urgence (b)
|
Réhabilitation
|
Reconstruction
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Mitigation
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- Soudaines : INONDATIONS
- A développement lent :
EROSIONS
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Classique
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Activités permettant de minimiser les pertes en vies
humaines et les dommages, d'organiser l'éloignement temporaire des
personnes et des biens des zones menacées et de faciliter en temps voulu
des sauvetages, des secours et une réhabilitation efficaces
|
Rechercher les survivants ;
Réponse aux besoins élémentaires (abris,
eau, nourriture, soins médicaux...)
|
Vise la restauration des conditions de vie antérieurs
de la société victime
|
Rétablissement complet de la communauté :
construction d'habitation permanentes, restauration complète de tous les
services...
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Englobe toutes les actions et mesures d'anticipation ainsi que
celles visant la réduction des risques à long terme
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Actions réalisées sur le terrain
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Néant
|
Peu efficaces et souvent mal organisés
|
Néant
|
Néant
|
Néant
|
Intervenants
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Populations menacées avec des moyens précaires,
archaïques et inadaptés face à l'ampleur et à la
gravité des problèmes à résoudre, ONG locales, ONG
internationales (OXFAM, CICR, CRS...), USAID, CARITAS ; Organismes du
système des Nations - Unies (PNUD, OCHA, HCR, PAM, UNICEF, OMS...),
coopérations bilatérales (ambassades de France, d'Italie, de
Belgique, d'Algérie, des Etats - Unis d'Amérique....),
Gouvernement congolais.
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Observations
|
Les actions menées par ces organisations ne se limitent
qu'au secours et à la gestion des urgences. Elles sont
caractérisées par le manque de coordination et par une
perspective à court terme au point où on est réduit
à la gestion des urgences humanitaires momentanées en attendant
les prochaines catastrophes.
|
La meilleure solution est l'aménagement rationnel et
durable de tous les sites à risques déjà
occupés: zones inondables et zones à forte pente sensibles
à l'érosion. L'expérience vécue pendant
l'époque coloniale montre que cela est possible. En effet, certaines
communes de Kinshasa ont été érigées dans des zones
marécageuses.
Selon Robert (1952), Lemba, Matete, Bandalungwa et Kalamu
furent des zones marécageuses régulièrement
frappées par des inondations avant l'élaboration et la mise en
oeuvre du plan décennal 1949 - 1959. Il en est de même de la
commune de Limete dont le nom en Teke - Humbu est «limere » qui
signifie herbes des terres marécageuses. On peut noter, cependant, que
ces communes sont aujourd'hui parmi les plus urbanisées et les plus
sûres. Plus près de nous l'association momentanée LOGEC -
Fondation Maman Mobutu a construit une cité moderne sur un site
collinaire à très forte pente dénommée
«Cité Maman Mobutu » sans problème. Il y a donc
moyen de corriger les erreurs dues à l'occupation spontanée et
anarchique des sites sans nécessairement recourir à des
déplacements massifs des populations. Cependant, on peut
reconnaître que l'urbanisation des sites sensibles menacés
entraînera inévitablement l'expropriation de certaines familles
pour cause d'utilité publique.
C'est pourquoi, en accord avec Askew (1991), des mesures
suivantes doivent être prises et mises en oeuvre face aux risques des
catastrophes dans le bassin versant de la rivière N'Djili :
1) Evaluation des risques :
établir des cartes de risques indiquant des zones à haut risque
et des zones à faible risque ;
2) Réglementation de l'occupation des
sols : mettre en place un système judicieux de zonage des sols
indiquant nettement des sols à usage résidentiel, à usage
non résidentiel, des zones humides notamment des plaines inondables et
des zones sensibles à l'érosion ;
3) Maîtrise des crues et protection
contre les inondations : prévoir des ouvrages de génie civil
(barrage, bassin de rétention, canaux de dérivation, digues...)
tout en sachant que ces ouvrages ont une efficacité limitée car
ils ne peuvent éliminer les inondations et les crues mais sont utiles
dans la mesure où ils permettent de réduire l'impact de ce type
des catastrophes ;
4) Promouvoir les techniques de construction
anti - inondation pour réduire l'impact des inondations ;
5) Mettre en place un système de
prévision des crues et élaborer des plans d'évacuation des
personnes en cas de menace des catastrophes ;
6) Viabiliser et urbaniser tous les sites a risques
déjà habites tout en contrôlant l'occupation des sites a
risques non encore investis par la population.
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