1.11.- ACTIVITES REALISEES DANS LE BASSIN VERSANT DE LA
RIVIERE N'DJILI
1.11.1.- AGRICULTURE, ELEVAGE ET PECHE
Une production agricole et d'élevage suffisant
permettent d'assurer la sécurité alimentaire dans les meilleures
conditions. Pour qu'il y ait sécurité alimentaire, la nourriture
doit être suffisante en quantité et en qualité, être
facilement accessible à tous avec l'assurance d'un approvisionnement
continu sans rupture de stocks et ne pas être nocif. Dans
l'approvisionnement alimentaire, on doit tenir compte de quatre
éléments (Sachs et al., 1981) : de l'ensemble alimentaire
(calories, protéines, sels minéraux, vitamines...), de
l'efficacité biologique des nutriments, de la qualité
hygiénique et organoleptique et de l'accès effectif à la
nourriture.
En Afrique, le nombre des personnes qui souffrent
d'insécurité alimentaire c'est - à - dire celles qui n'ont
pas assez de nourritures pour bénéficier d'une santé et
d'une activité physique normale se montait à 100 millions en
1989. Au Tchad, Mozambique, Somalie, Ouganda, en République
Démocratique du Congo et en Zambie au moins 40 % de la population
souffrait d'une insécurité alimentaire chronique (Brown et al.,
1989). Dans notre pays, la situation est aujourd'hui plus dramatique en raison
des difficultés occasionnées par les guerres sur l'ensemble du
Pays. La FAO (2001) estime la population souffrant de
l'insécurité alimentaire à 16 millions d'habitants en
République Démocratique du Congo. Cependant, celles-ci sont
inférieures à la réalité et ne semblent pas prendre
en compte tous les pauvres des milieux urbains et la totalité des
personnes vivant dans les zones où sévit la guerre.
La notion d'insécurité alimentaire a
considérablement évolué depuis le sommet mondial qui s'est
tenu à Rome sous l'égide de la FAO en 1974. Au début, elle
était considérée comme une défaillance temporaire
dans les approvisionnements alimentaires notamment au niveau de la production
nationale causée par une catastrophe naturelle comme la
sécheresse ou les inondations. Les expériences de ces
dernières années ont montré que la cause fondamentale de
l'insécurité alimentaire est plutôt un problème
chronique d'accès à la nourriture lié à un pouvoir
d'achat trop faible des ménages et groupes vulnérables ou
à ce que l'on appelle actuellement « l'inégalité
des droits face à la nourriture ». L'insécurité
alimentaire peut être temporaire ou chronique (CTA, 1998).
Aujourd'hui, on estime que la sécurité
alimentaire existe quand toute personne a, à tout moment, physiquement
et économiquement accès à suffisamment de nourriture,
saine et nutritive pour répondre à ses besoins nutritifs
quotidiens en tenant compte de ses préférences alimentaires afin
qu'elle puisse mener une vie saine et active (Sommet mondial de l'alimentation
à Rome, 1996 cité par CTA, 1998).
Cependant, il faut noter qu'à Kinshasa, le pouvoir
d'achat de la population ne fait que s'effriter d'années en
années. Le mouvement s'est accéléré au cours de ces
dernières années en raison de la guerre qui engloutit l'essentiel
des ressources nationales. Une grande partie de la population vit aujourd'hui
en dessous du seuil de la pauvreté. L'accès à la
nourriture est donc devenu hypothétique pour la majorité des
ménages. La situation est plus grave et dramatique pour les populations
défavorisées résidant dans les zones d'extension.
L'approvisionnement de la ville en denrées alimentaires
est essentiellement exogène. L'importation concerne les produits
alimentaires d'origine animale surgelés : le poisson (chinchards
surtout), la viande de boeuf, de porc et du poulet. Cependant, le commerce de
produits alimentaires de faible valeur alimentaire a pris une ampleur
regrettable. On voit aujourd'hui sur le marché à Kinshasa des
croupions de dinde, les pattes de porcs et des poules, ainsi que d'autres
parties des animaux qui sont généralement
considérées comme des déchets alimentaires notamment la
peau de grands animaux, les organes génitaux...Seuls les poils, les
plumes et la substance cornée n'ont pas encore trouvé d'usage
alimentaire. Les produits alimentaires d'origine végétale
proviennent des autres provinces de la République : manioc,
maïs, légumes...
Par suite de l'extrême pauvreté et du profond
déficit alimentaire, la population urbaine de Kinshasa se trouve dans
une situation nutritionnelle catastrophique qui exige des solutions urgentes.
Parallèlement à cet approvisionnement
exogène en denrées alimentaires, il se développe de plus
en plus mais timidement une production intra- urbaine grâce à
l'agriculture et à l'élevage. La population prend de plus en plus
conscience que le « bien - être de l'humanité reste
étroitement lié à la terre » (Postel, 1989) et
que « l'agriculture est l'épine dorsale des économies
en développement » (Jacobson, 1989).
1.11.1.1.- AGRICULTURE
URBAINE
L'agriculture urbaine est donc devenue omniprésente et
se généralise de plus en plus parce qu'elle est
considérée comme un appoint indispensable dans l'alimentation
familiale pour les uns et comme une source principale de revenus pour les
autres. Elle repose principalement sur les cultures maraîchères et
le petit élevage et accessoirement sur la culture des arbres fruitiers.
Pour certains, l'activité maraîchère est même devenue
un métier ou mieux une profession. Dans le périmètre de
Kinshasa, on trouve 13 centres maraîchers occupant une superficie totale
estimée à 719 hectares. La commune de Kimbanseke compte à
elle seule 6 centres maraîchers sur une superficie de 373 hectares soit
près de 52 %. Le tableau 16 donne la répartition des centres
maraîchers à Kinshasa.
Tableau 17 : Répartition des principaux centres
maraîchers dans la ville de Kinshasa
Centres
|
Commune
|
Nombre des maraîchers
|
Superficies disponibles en Ha
|
Surfaces
cultivées en Ha
|
Production en kg
|
N'Djili
|
N'Djili
|
647
|
62
|
59
|
3169
|
Manzanza
|
Kimbanseke
|
444
|
28
|
23
|
1235
|
Kimbanseke
|
Kimbanseke
|
600
|
76
|
33
|
1772
|
Lemba Imbu
|
Mont - Ngafula
|
650
|
60
|
50
|
2685
|
Tadi
|
N'sele
|
250
|
19
|
9
|
1161
|
Tshangu
|
Kimbanseke
|
750
|
84
|
58
|
3114
|
Funa
|
Mont - Ngafula
|
850
|
81
|
62
|
3329
|
Mangu
|
Kimbanseke
|
701
|
70
|
55
|
2953
|
Mokali
|
Kimbanseke
|
365
|
60
|
45
|
2416
|
Bono
|
Kimbanseke
|
328
|
55
|
50
|
2685
|
Kisenso
|
Kisenso
|
370
|
49
|
46
|
2470
|
Masina Pool
|
Masina
|
325
|
64
|
60
|
3222
|
Bandal/Camp Kokolo
|
Bandal
|
1200
|
11
|
8
|
430
|
Total
|
7411
|
719
|
558
|
30641
|
Source : Kinkela (2001) revu et
complété.
La vallée de la rivière N'Djili est très
riche en terre alluviale. C'est pourquoi, elle est le siège d'une
intense activité dans le domaine des cultures maraîchères
et vivrières. Pain (1984) a recensé 1785 maraîchers
implantés dans la vallée
Selon le B.E.A.U., le secteur de maraîchage,
l'agriculture, la sylviculture et la pêche occupaient 24 250 personnes en
1990 ce qui représentait 3,5 % en proportion d'emploi. Il est
évident que cette proportion a fortement augmenté depuis lors par
suite du chômage et surtout après les deux pillages de 1991 et
1993 qui ont complètement désorganisé le secteur
économique à Kinshasa.
Si à l'origine, cette activité était
essentiellement laissée aux femmes, aujourd'hui, les hommes sont devenus
familiers à ces techniques. C'est ce qui explique le
développement de l'agriculture urbaine à Kinshasa. Les
activités agricoles sont à la mode partout dans la ville et
surtout à proximité des cours d'eau. Toutes les vallées
des rivières de Kinshasa ont donc fait l'objet d'une colonisation
agricole intensive. Luboya (1997) a dénombré 500 maraîchers
dans la vallée de la rivière Tshangu et 850 dans celle de la
rivière Funa (Photos 9 et 10).
Dans ce cadre et comme l'indique le tableau 39, étant
donné son importance stratégique et géographique ainsi que
son étendue, le bassin versant de la rivière N'Djili est
appelé à jouer un rôle déterminant dans
l'approvisionnement de la population de Kinshasa en denrées alimentaires
et contribuer ainsi à assurer la sécurité alimentaire de
la population de la ville.
1.11.1.1.1.- EVOLUTION DU PROJET MARAICHAGE DANS LA
VALLEE DE LA RIVIERE N'DJILI ET SES DEPENDANCES
Le Projet Maraîchage et Pisciculture de Kinshasa a
commencé en 1954. A cette époque, l'Administration coloniale
créa un périmètre horticole dans la vallée de la
rivière N'Djili en rive droite de la rivière. En 1956, le
périmètre de Kimbanseke va prolonger ce dernier portant les
superficies maraîchères exploitées à une centaine
d'hectares. Malheureusement au lendemain de l'indépendance, l'action
entreprise est abandonnée.
En 1967, la République Démocratique du Congo,
conscient du problème d'approvisionnement en produits vivriers
posé par l'accroissement démographique exceptionnellement
important de la ville de Kinshasa et se référant aux accords de
coopération culturelle et technique de 1963, demande de l'aide au
Gouvernement français pour la relance des activités
maraîchères dans ce secteur. Le Bureau pour le
Développement des Productions Agricoles en sigle
« BDPA » sera alors chargé par le Gouvernement
français d'étudier, d'intensifier, et de développer les
cultures maraîchères dans les périmètres environnant
de la ville de Kinshasa. Ce sera la naissance du projet « Ceinture
verte de la ville de Kinshasa ».
En 1972, par arrêté ministériel, la
structure de l'opération devient le « Centre de
Commercialisation des Produits Maraîchers et Fruitiers de la
ville » en sigle CECOMAF.
Aujourd'hui, dans le bassin versant de la rivière
N'Djili, on trouve beaucoup d'organisations maraîchères :
Masina, Lemba Imbu, Kisenso, AFMAD/N'Djili regroupées en 14
vallées, l'Union des Coopératives Maraîchères en
sigle UCOMA...
1.11.1.1.2.- CULTURES REALISEES DANS LE BASSIN VERSANT
DE LA RIVIERE N'DJILI
La vallée de la rivière N'Djili et ses
dépendances présentent un intérêt particulier en
raison de son importance économique et démographique. Le tableau
17 note quelques cultures et arbres fruitiers cultivés dans cette
vallée :
Tableau 18 : Principales cultures
réalisées dans le bassin versant de la rivière
N'Djili
Cultures prédominantes
|
Nom scientifique
|
Nom commun
|
Nom vernaculaire
(en langue lingala)
|
Cultures maraîchères
|
Hibiscus sabdarifa
|
Oseille
|
Ngaingai
|
Hibiscus esculentus
|
Gombo
|
Dongodongo
|
Amaranthus hybridus
|
Amarante
|
Bitekuteku
|
Daricus carota
|
Carotte
|
-
|
Apium graveolus
|
Céleri
|
-
|
Brassica campestri
|
Chou de chine
|
-
|
Brassica oleracea
|
Chou pommé
|
-
|
Allium tuberosum
|
Ciboule chinoise
|
-
|
Allium fistolosum
|
Cive
|
Ndembi
|
Cucomis sativa
|
Concombre
|
-
|
Petroselinum sativum
|
Persil
|
-
|
Psiphocarpus scandens
|
Pois carré africain
|
Kikalakasa
|
Capsicum annum
|
Poivron
|
-
|
Lactuca sativa
|
Laitue
|
-
|
Solanum esculentum
|
morelle
|
Bilolo
|
Hibiscus asper
|
Oseille de Guinée
|
Ngaingai
|
Allium schoenoprusum
|
Ciboulette
|
Ndembi
|
Amaranthus amer
|
|
Bilolo
|
Ipomoea batatas
|
Patate douce
|
Mbala ya sukali
|
Piper nigrum L .
|
Poivrier
|
Pilipili
|
Capsicum fructescens
|
Piment
|
Plilipili
|
Solanum melongena
|
Aubergine
|
Solo
|
Manihot glaziovii ou M. utilissima
|
Manioc
|
Pondu
|
Phaseolus vulgaris
|
Haricot
|
Madesu
|
Rosella alba
|
Epinard-
|
-
|
Lycopersicum esculentum
|
Tomates
|
-
|
Colocasia esculenta
|
Tarot
|
Langa
|
Allium porrum
|
Poireau
|
-
|
Zea mays
|
Maïs
|
Masangu
|
Oryza sativa ou O.glaberrina
|
Riz
|
Loso
|
Arboricultures
(arbres fruitiers)
|
Cocos nucifera
|
Cocotier
|
-
|
Garcinia mangostana
|
Mangoustanier
|
-
|
Mangifera indica
|
Manguier
|
Manga
|
Elaeis guineensis
|
Palmier à huile
|
Libila
|
Carica papaya L.
|
Papayer
|
Payipayi
|
Musa sp.
|
Bananier
|
Makemba, Bitabe
|
Dacryodes edulis
|
Safoutier
|
-
|
Citrus sinensis (L.) osb.
|
Oranger
|
-
|
Citrus limon (L.) Burm
|
Citronnier
|
-
|
Citrus reticulatus
|
Mandarinier
|
-
|
Opuntia sp.
|
Figuier de barbarie
|
-
|
Anona reticulata
|
Coeur de Boeuf
|
-
|
Persea americana
|
Avocatier
|
-
|
Psidium guajava
|
Goyavier
|
Mapela
|
Eugenia jambos
|
Pomme rose
|
-
|
Coffea arabica et C. canephora
|
Caféier
|
-
|
|
Saccharum officinarum
|
Canne à sucre
|
Coco
|
Photo 5: Espace
maraîcher le long de la rivière N'Djili: on voit à
l'arrière-plan un abri temporaire.
Photo 6: Espace
maraîcher le long de la rivière N'Djili: on voit dans le fond une
maison érigée en matériaux durables ce qui est un indice
d'occupation permanente d'un site qui était à l'origine
réservé uniquement à l'agriculture urbaine.
Parmi les cultures maraîchères, quelques cultures
ont pris une importance certaine : Amarantes, Oseilles, les feuilles de
patates douces, le Gombo...Ce sont des plantes autochtones qui sont
prisées par la population ; elles ont l'avantage d'avoir un cycle
de développement court (plus ou moins un mois) et peuvent être
cultivées en toute saison à condition de disposer de l'eau en
permanence. L'eau constitue un facteur limitant.
L'eau d'arrosage des légumes est puisée
directement dans les cours d'eau voisins à l'aide des récipients
tels que seaux, arrosoirs, bassins...(Photo 7).Les légumes
récoltées sont lavées directement plongées dans les
eaux de la rivière à proximité des berges pour leur lavage
(Photo 8). Ces pratiques exposent les produits maraîchers à la
contamination étant donné que les eaux des rivières sont
polluées ce qui présente un risque certain pour la santé
des consommateurs.
Depuis de nombreuses années, les cultures sont
réalisées sur les mêmes espaces. Les sols sont appauvris et
dans certains endroits, les plantes sont rabougries visiblement mal nourries et
présentent des feuilles jaunies. C'est pourquoi, les maraîchers
font recours aux engrais naturels (lisiers de porcs, fientes de poule, feuilles
mortes, déchets d'arachides, résidus résultant de la
torréfaction de café...) et, à l'occasion quand cela est
possible par suite du coût exorbitant, aux engrais chimiques.
Luboya (1997) a réalisé une enquête
auprès de 150 maraîchers pris au hasard dans la vallée de
la rivière N'Djili. Cette dernière a permis d'obtenir des
renseignements suivants :
a) En ce qui concerne le lieu de résidence :
§ 59 soit 39,3 % habitent la Commune de N'Djili
§ 47 soit31 % habitent Matete ;
§ 34 soit 22,6 % habitent la Commune de
Kimbanseke ;
§ 10 soit 6,6 % résident dans d'autres communes
de la capitale.
b) En ce qui concerne l'impact des activités
maraîchères
§ 110 personnes soit 73,3 % se livrent à cette
activité à titre principal.
Le maraîchage est donc pour eux une profession. Ils y
passent tout leur temps. La plupart d'entre eux ont même construit des
abris leur permettant de se protéger des intempéries et de se
nourrir pendant la journée.
L'arboriculture semble une activité moins importante
que le maraîchage voire même marginale dans le bassin versant de la
rivière N'Djili. En effet, les arbres demandent beaucoup de temps pour
atteindre la maturité et leur production est saisonnière. En
outre, la population n'a pas l'habitude de consommer des fruits.
Photo 7: Arrosage des
Légumes avec de l'eau puisée dans la rivière
N'Djili
Photo 8: Les légumes
récoltées sont plongées directement dans les eaux de la
rivière N'Djili pour leur lavage
|