Politique environnementale et développement durable en Côte d'Ivoire( Télécharger le fichier original )par Brou Alexis KOMENAN Université catholique de l'Afrique de l'ouest- Unité universtaire d'Abidjan ( Côte d'Ivoire) - Maà®trise 2009 |
DEUXIÈME PARTIE : POUR UNE POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE GÉNÉRATRICE D'UN DÉVELOPPEMENTDURABLE La formation d'un Etat dûment consentie par ses composantes humaines est juridiquement et solennellement basée sur la Constitution, mais celle-ci n'est que la matérialisation des aspirations et valeurs du peuple, qui trouvent leur raison d'être dans la sublimation de la terre-patrie. Ainsi, le lien entre la terre et ses habitants existe, comme dans tout peuple, mais celui-ci, influencé par de multiples facteurs historiques et politiques s'est souvent trouvé gauchi, ce qui a pour conséquence la banqueroute environnementale. Ceci est vrai tant pour les autres Etats que pour la Côte d'Ivoire. Par conséquent, afin de crédibiliser l'affect sociologique qui lie les populations à leur terre, base des énergies légitimes de l'action et du développement, il faut réveiller et régénérer cet affect en l'ajustant à ce qui fait son essence : une éthique de l'environnement (Chapitre 1). Il est également nécessaire de tirer toutes les conclusions du corpus de connaissances sur la situation de l'environnement planétaire en orientant l'économie ivoirienne dans une direction viable, c'est-à-dire une direction d'intégration véritable des principes écologiques (Chapitre 2). CHAPITRE 1 : L'ADOPTION D'UNE ÉTHIQUE DE L'ENVIRONNEMENTUne politique de l'environnement viable, c'est-à-dire facteur de stabilité écologique, gage d'un véritable développement humain, doit prendre en compte et dynamiser la donne affective qui lie, comme tous les peuples, les Ivoiriens à leur pays et qui a sous-tendu le combat pour l'émancipation et la création de l'Etat. Quelles sont les modalités pour y parvenir ? D'abord la saisie des conceptions de la relation psychologique de l'homme ivoirien avec la Nature (Section 1). Ensuite la perception du rôle, au sein de l'Etat, des forces sociologiques qui le constituent (Section 2). Section 1 : DU FONDEMENT ÉTHIQUE : LA RELATION HOMME - NATUREEN CÔTE D'IVOIRE Il s'agit de voir quel type de relation s'établit entre l'homme ivoirien et l'environnement en tenant compte de deux dimensions : la dimension philosophico-mystique, dans laquelle la Nature est d'abord maître et parent (Paragraphe 1), ensuite la dimension socioéconomique, qui envisage la Nature comme serviteur et capital (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : La Nature, maître et parentLa conception de la Nature en tant que maître et parent s'enracine dans une vision philosophico-mystique du monde (A) pour se matérialiser dans les types de rapports entretenus par les peuples éburnéens avec la Nature (B).
A. La vision philosophico-mystique du mondeComment se présente cette vision des choses chez les peuples éburnéens ? A ce propos, L'Encyclopédie Générale de la Côte d'Ivoire pose ceci : « Tout le monde s'accorde pour reconnaître que l'Africain appartenant aux sociétés traditionnelles faisait, et fait encore, dans une certaine mesure, à cause de la faible efficacité des anciennes techniques, l'expérience quotidienne que le milieu naturel est plus fort que lui. En ce qui concerne des sociétés du type de celles de la Côte d'Ivoire traditionnelle, le « champ du sacré » recouvre tout ce qui est ressenti comme porteur d'une puissance non explicable par la connaissance. Bien des éléments entrent dans cette catégorie, dans l'entourage de l'individu. Tout d'abord, les éléments non humains. La végétation comporte de multiples composantes chargées de puissance et en tout premier lieu les plantes qui entrent dans la pharmacopée des guérisseurs... Enfin, les végétaux sont considérés comme des partenaires vivants. Il est rare que l'on coupe un arbre ou que l'on en prélève une quelconque partie sans observer un certain type de rite destiné à permettre l'opération... Les lieux peuvent aussi être habités par une puissance. On peut distinguer ceux qui jouissent d'une puissance attachée à leur configuration propre et ceux dans lesquels une puissance a été concentrée grâce à diverses opérations... Particulièrement chargés de puissance, encore, les animaux. L'origine d'une société, d'une tribu ou d'un village, est souvent marquée par l'intervention d'un animal, en général véhicule d'un esprit tutélaire : il y a donc alliance sacrée entre l'animal et les membres de ce groupe. Dès lors, tout ce qui arrive à cet animal peut accroître ou affaiblir la puissance protectrice qu'il exerce sur la communauté : à l'interdiction de le tuer s'ajoute souvent l'obligation de lui porter secours si on l'estime menacé. Quant aux phénomènes astronomiques ou météorologiques, ils sont perçus comme autant de manifestations de puissances supérieures à l'homme. Soleil, lune, pluie, tonnerre, marée, éclipse, séisme sont considérés comme manifestations ou symboles d'une puissance, soit comme puissance eux-mêmes - réalité vivante qu'il s'agit dans tous les cas de se concilier. Les phénomènes anormaux dans ce domaine sont évidemment ressentis comme particulièrement puissants... Dans son milieu naturel, l'homme des spiritualités traditionnelles est ainsi sans cesse confronté à des puissances avec lesquelles il doit compter : le sol, l'air, le ciel, la végétation, les divers lieux, le temps, perçus comme autant de forces à maîtriser pour assumer la vie. De nombreuses ethnies pratiquent le culte des esprits de la nature - Akan, Krou, Koulango, Gouro, Gban, Malinké - ou parfois plus précisément du terroir - Baoulé, Dan... Ainsi le sacré est-il entièrement lié à la vie quotidienne de l'Ivoirien des sociétés traditionnelles. Le « champ » - l'étendue - du sacré est pour lui considérable. Il se meut dans un milieu entièrement magico-religieux où chaque acte, chaque geste peut le confronter à des puissances agissantes (...) la vie quotidienne de l'individu se déroule dans un univers de forces en équilibre les unes par rapport aux autres. Tout acte se doit d'être assuré que l'équilibre sera maintenu durant son déroulement. Pour l'Ivoirien, exister est un acte religieux car cette existence, d'avant la naissance au- delà de la mort physique, se déroule, nuit et jour, suivant le mince cheminement résultant de cet équilibre. »101(*) Voici dépeint le cadre philosophico-mystique du rural ivoirien quant à son rapport à l'environnement. On notera la relative diversité des coutumes religieuses, liée au caractère non moins divers des peuples éburnéens. Cependant, les conditions naturelles, les philosophies sont assez semblables pour que leurs différentes manifestations dégagent le fonds commun de l'animisme. On retrouvera cette vision du monde dans les types de rapports entretenus avec la terre et ses êtres. * 101 Encyclopédie générale de la Côte d'Ivoire, 1978, vol.3, p. 1100-1105. |
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