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Politique environnementale et développement durable en Côte d'Ivoire( Télécharger le fichier original )par Brou Alexis KOMENAN Université catholique de l'Afrique de l'ouest- Unité universtaire d'Abidjan ( Côte d'Ivoire) - Maà®trise 2009 |
B. L'influence des populationsLes populations constituent, avec le territoire et le pouvoir gouvernemental, l'autre force politique de l'Etat. Elles sont dans l'ensemble assez peu au fait des questions écologiques. Pratiques culturales destructrices, déboisement étendu, chasse et pêche effrénée, braconnage, gestion non rigoureuse des ressources hydriques, énergétiques et climatiques, inexpérience dans la gestion écologique des déchets industriels sont aussi de leur fait. Choses qui s'opposent carrément au bien-être recherché, au développement dit « durable ». Ce qui nécessite une organisation et une formation de ces populations. La Côte d'Ivoire comptait en 1998 vingt-huit organisations non gouvernementales impliquées dans le secteur de l'environnement.98(*) Cette autre avancée dans la sensibilisation aux questions environnementales s'est manifestée dans les activités organisées par les associations y opérant lors de la célébration annuelle de la Journée mondiale de l'Environnement. Mais en réalité ces actions, dans l'ensemble peu soutenues, sont sporadiques et très localisées. Cependant, la création, le 1er novembre de l'année en cours, d'un Forum civil pour l'environnement (FCE) augure des lendemains prometteurs. Ce forum sera, comme l'explique M. Loukou Koffi Jules, président du comité de coordination, une plate-forme d'échange sur les problèmes environnementaux destinée aux citoyens. Il entend également « mettre fin au silence des autorités face aux dangers liés à la destruction de l'environnement »99(*). Les ONG environnementales locales montrent ainsi leur volonté de se positionner comme des acteurs de poids dans l'orientation politico-économique du pays. D'autres acteurs sociaux dénotent de la considération progressive, en Côte d'Ivoire, du caractère basal de la politique environnementale vis-à-vis du développement durable de l'Etat. Il s'agit des partis politiques qui se réclament du courant écologiste. Deux formations existent ainsi en Côte d'Ivoire, le Mouvement Ecologique Ivoirien (MEI) et le Parti Ecologique Ivoirien (PEI). Ces partis, déjà entreprenants sur le terrain comme les ONG - le PEI dispose d'un siège à l'Assemblée nationale - tissent comme elles des solidarités prometteuses avec d'autres formations et organismes environnementalistes sous-régionales et internationales, au profit de la politique environnementale locale. Un autre aspect sociologique à prendre en compte est la donne culturelle et le poids des traditions, des us et coutumes. L'habitat traditionnel ivoirien, plutôt sobre - comme d'ailleurs l'habitat traditionnel africain - n'est pas le fruit d'un désir psychologique d'esthétique environnementale, d'harmonie avec la nature ambiante, comme c'est le cas dans d'autres civilisations. Cependant, il s'intègre aussi bien au plan physique qu'au plan spirituel dans un environnement naturel, qui est la forêt, la savane ou l'écosystème aquatique ambiant, et est en général bien tenu par ses locataires. Cet aspect sera examiné plus en profondeur dans un chapitre ultérieur100(*). Un esprit semble demeuré dans le comportement des populations, celui de la considération de la ressource environnementale nourricière comme bien inépuisable, et dont la maintenance, facile - pas de plan d'aménagement de jardin, ni de construction de fontaine ou de plan d'eau artificiel, mais en général simple balayage de la devanture de la concession - ne nécessite ni d'attention singulière, ni d'élaboration rigoureuse. Transposé à l'échelle de la civilisation occidentale actuelle exportée par le colonisateur, avec l'ère du matériel jetable, cela donne une gestion environnementale défensive et sans véritable élan de perfectionnement du milieu. De plus, cette gestion ne prétend pas souvent jouer les premiers rôles dans les planifications locales de développement, où d'autres secteurs sont jugés prioritaires : infrastructures, santé, éducation, emploi, logement. Voilà une question qui permet de comprendre en partie les raisons pour lesquelles les politiques environnementales pratiquées généralement n'intéressent pas les populations et leurs dirigeants au plus haut point. Car il n'est pas clairement perçu le lien entre stabilité écologique et développement socioéconomique. Développement socioéconomique selon le modèle classique de la productivité et de la rentabilité, et qui plus est en rapport avec la conjoncture économique vécue. Ainsi, le cadre sociologique de l'élaboration d'une politique environnementale dans l'Etat de Côte d'Ivoire est fort d'une vision écologique montante, mais il demeure dans l'ensemble surtout réactionnaire, défensif et moyennement, sinon peu éveillé. En considération de tout ce qui précède, il ya lieu de retenir que la politique ivoirienne de l'environnement, qui devrait normalement conduire à un développement durable, est desservie par un certain nombre de lacunes qui la vicie dans l'atteinte de cet objectif. Or, une politique environnementale génératrice d'un développement durable est nécessaire. Il s'agira d'en définir les contours. * 98 PACIPE infos/news, op. cit., p. 9. * 99 Fraternité Matin, n° 13197 du Jeudi 6 novembre 2008, p. 7. * 100 Chapitre premier de la deuxième partie de la présente étude, intitulé : « L'adoption d'une éthique de l'environnement. », p. 50-67. |
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