Les droits fondamentaux des détenus au Sénégal( Télécharger le fichier original )par El-Hadj Badara NDIAYE Université Gaston Berger de Saint- Louis Sénégal - Maitrise droit privé 2003 |
Parag. II - Les garanties accordées aux détenus après jugementLe dispositif législatif sénégalais concernant les détenus après jugement est articulé en deux séries distinctes de régimes : la première concerne le régime général de détention (A) et la seconde série les régimes particuliers de détention (B). A - Les garanties relatives aux régimes spécial de détentionA la suite des réactions humanitaires contre l'arbitraire et la rigueur dans l'exécution des peines, l'une des fonctions essentielles du régime pénitentiaire devient l'amendement et le reclassement social du délinquant. A travers les visées de l'Ecole de la Défense Sociale Nouvelle63(*), la fonction d'intimidation devient secondaire, celle de réadaptation et de réinsertion essentielle. S'inscrivant dans cette lancée, la législation pénale sénégalaise a édicté un certain nombre de garanties pour parvenir à ces fins. Tel est le cas des garanties relatives aux conditions de vie des détenus mais aussi à la discipline et au travail pénitentiaire. 1 - Les garanties relatives aux conditions de vie des détenus Les conditions de vie dans une prison figurent parmi les principaux facteurs déterminants pour un détenu, son sens d'amour propre est de dignité. Le professeur Mireille Delmas-Marty citant Saleilles fonde la dignité que la peine devrait aider le détenu à retrouver. « C'est le régime de la peine auquel on le soumet qui seul peut être efficace pour le développement de l'idée du bien et de la confiance en soi. C'est par-là que la vraie dignité va renaître »64(*). Ainsi, les conditions de vie des détenus doivent revêtir une dimension matérielle et une dimension psychologique. L'aspect matériel concerne la santé et la nourriture, l'aspect psychologique a trait aux contacts avec le monde extérieur et à la liberté de culte. La santé des détenus doit être prise en compte. Elle passe par divers facteurs qui influencent sur son état. Ainsi, s'agissant du logement, les cellules ou chambres destinées à l'isolement nocturne ne doivent être occupées 65(*) par un seul détenu. Si pour des raisons spéciales, telles qu'un encombrement temporaire, il devient nécessaire pour l'Administration pénitentiaire de faire des exceptions à cette règle. Les locaux de détention et, en particulier ceux qui sont destinées au logement des détenus pendant la nuit, doivent répondre aux exigences d'hygiènes compte tenu du climat, notamment en ce qui concerne le cubage d'air, la surface minimum, l'éclairage, le chauffage et le ventilation. L'hygiène est l'autre volet de la santé. Aux termes de l'article 33 de l'arrêté portant règlement intérieur des établissements pénitentiaires66(*) repris dans l'annexe 3 du code de procédure pénale : « la propriété corporelle est exigée de tous les détenus. Ils doivent faire leur toilette à chaque réveil et se laver une fois dans la journée ... ». Les détenus valides ont l'obligation de maintenir leur cellules propres, l'administration pénitentiaire devant fournir les produits nécessaires (savons, basins, balais ...). Ainsi, l'hygiène regroupe à la fois l'hygiène corporelle et celle des lieux. De même, les installations sanitaires doivent permettre aux détenus de satisfaire aux besoins naturelles au moment voulu, d'une manière décente et propre. La santé des détenus oblige à les passer à un examen ou visite médicale pour déceler toute affection de nature contagieuse et évolutive. A cet effet, l'article 42 de l'arrêté dispose que : « un médecin généraliste est désigné auprès de chaque établissement pénitentiaire pour veiller à la santé physique et mentale des détenus, à défaut un infirmier major y supplée ». Les détenus malades bénéficient gratuitement des soins qui leur sont nécessaires ainsi que de la fourniture de produits pharmaceutiques. Enfin, la santé des détenus concerne l'habillement et le couchage. Sur ce plan, les vêtements des détenus ne doivent pas être dégradants ou humiliants. Les détenus doivent aussi disposer d'un lit individuel. L'autre aspect matériel concerne la nourriture des détenus. Tout détenus doit recevoir de l'Administration pénitentiaire aux heures usuelles une alimentation de qualité, bien préparée et bien servie ayant une valeur nutritive suffisante au maintient de sa santé et de sa forme.67(*) Le régime alimentaire prévu est digne d'un restaurant diététique.68(*) La dimension psychologique est tout aussi importante car devant assurer l'équilibre psychique des détenus. Le premier volet concerne les contacts avec l'extérieur. Ces contacts sont maintenus. Les droits de l'homme relatifs à l'interaction et à la communication ne sont pas abrogés par l'incarcération. En outre, si une réintégration est affirmée par la législation pénale sénégalais, il est nécessaire de maintenir et même de renforcer les contacts avec l'extérieur. A ce propos, l'article 74 de l'arrêté du 12 mai 1987 portant règlement intérieur des établissements pénitentiaires dispose que : « les détenus peuvent écrire tous les jours et sans limitation, à toute personne sous réserve des dispositions contraires ordonnées par la magistrat saisi du dossier de l'information ou par le Directeur de l'Administration pénitentiaire s'il s'agit d'un condamné ». Ainsi, la correspondance comme moyen de maintenir les contacts est mentionné explicitement. Cependant, les lettres sont soumises à la censure au départ comme à l'arrivée, à l'exception de celles à destination ou en provenance des défenseurs et des assistants sociaux.69(*) Les détenus doivent aussi être tenus régulièrement au courant des événements les plus importants. A cet effet, chaque établissement doit avoir une bibliothèque à l'usage de toutes les catégories de détenus. Les visites sont un moyen plus puissant de relations sociales extérieures. Elles ont lieu, selon l'article 70 du même arrêté, « les dimanches, mercredis et jours fériés ». Mais l'article 72 précise que : « la durée d'une visite est de 15 minutes au moins. Le parloir dans lequel elle s'effectue est mini d'un dispositif de séparation. A titre de récompense, la visite peut se faire par quinzaine dans une pièce dépourvue de dispositif de séparation. Les détenus malades peuvent recevoir des visites au lieu de leur hospitalisation ». Le second volet est relatif à la liberté de culte. Chaque détenu a la faculté de pratiquer le culte de sa foi dans la mesure où cette pratique ne perturbe pas l'ordre et la discipline. Un marabout et un aumônier catholique visitent régulièrement les prisons. Il est à remarquer qu'un assistant social est chargé d'assurer le service des détenus.70(*) Ceci participe de la dimension psychologique même si cette pratique n'est pas courante. Ces principes contenus dans les règles minima de traitement des détenus, repris par la législation pénale nationale fait du Sénégal un pays très avancé dans la protection des droits fondamentaux des détenus sur le plan législatif. Ce qui apparaît aussi dans le réglementation de la discipline et du travail pénitentiaire. 2 - Les garanties relatives eu travail et à la discipline pénitentiaire Le travail pénitentiaire malgré son caractère rétributif, parce qu'il est imposé et réadaptateur, est un dérivatif à l'ennui. Le travail est la principale activité en prison. Le décret n°86-1466 du 28 novembre 1986 réglemente le travail dans les établissements pénitentiaires en définissant les catégories des détenus qui peuvent en bénéficier et en précisant les modalités de rémunération, la durée du travail et ceux qui sont les travaux disponibles dans les prisons, etc. En effet, l'article 30 stipule que : « seuls les condamnés à des peines privatives de liberté sont astreints aux travaux pour des faits qualifiés crimes ou délits de droits commun qui n'en sont pas dispensés en raison de leur âge, de leur infirmité ou sur prescription médicale (...). Les condamnés de police peuvent demander pour l'organisation et la discipline du travail ». Le travail est donc un droit et tous les détenus peuvent en demander même ceux qui n'y sont pas astreints : les détenus politiques, des détenus purgeant des peines contraventionnelles, les détenus provisoires. Deux formes de travail sont souvent utilisées dans les prisons : le travail en concession pour le compte d'un particulier. En effet, « le travail est défini comme un agent de la transformation carcérale ».71(*) Le travail n'est ni une addition, ni un correctif au régime de la détention. Ce n'est pas, non plus, une activité de production qui est utile car son rendement est faible au regard de l'article 53 du décret susmentionné. Il est un principe d'ordre et de régularité, il véhicule, d'une manière insensible, les formes d'un pouvoir rigoureux. Le travail pénal est conçu par le législateur comme étant par lui-même une machinerie qui transforme le détenu violent, agité et irréfléchi. Avec lui, la règle et l'ordre s'introduisent dans la prison, ils y règnent sans effort, sans emploi d'aucun moyen répressif ou violent. Cependant, en cas de violation des règles d'ordre public de la prison, des sanctions peuvent êtres prises à l'encontre du détenu qui serait à l'origine. Mais faudrait-il que ces sanctions soient mesurés pour respecter la dignité de l'individu. La discipline est essentielle au maintien de l'ordre en prison. Aux termes de l'article 2 de l'arrêté ministériel n° 711 en date du 21 mai 1987 portant règlement intérieur des établissements pénitentiaires, elle doit être « maintenue avec fermeté sans apporter plus de restriction qu'il n'est pas nécessaire pour le maintien de la sécurité et de la bonne organisation de la vie en collectivité ». Par ailleurs, « certains châtiments, les peines corporelles et toute sanction cruelle, inhumaine ou dégradante sont strictement interdits ». Mieux, l'article 16 vise à protéger aussi les droits du détenu en lui permettant « d'être préalablement informé de l'infraction relevé contre lui et mis en mesure de présenter ces explications au Régisseur de l'établissement ou au Directeur à l'administration pénitentiaire, selon la gravité de la faute commise et sanction encourue ». L'article 15 du même arrêté fixe les sanctions disciplinaires auxquelles le détenu est exposé en cas de manquements à la discipline. Les contraintes physiques ne sont autorisées que dans des « circonstances précises ». La privatisation sensorielle est formellement interdite. La réduction de nourriture sont admises sous certaines conditions. Les instruments de contraintes comme les fers, les menottes, les camisoles de force ne sont pas autorisés. Les détenus sont donc protéger contre toute action arbitraire. De ce fait, les détenus peuvent faire réviser leur sanction. Ils ne sont pas exclus des plaintes et des requêtes. Ils ont le droit de porter plainte sans craindre des représailles ou de la censure et ce parallèlement à leur « droit à un traitement juste » et à l'interdiction de toute action ou punition arbitraire. Les condamnés bénéficiant du régime spécial ont eux aussi des droits garanties par la législation pénale sénégalaise. * 63 ANCEL (M.), op-cit, voir aussi Soyer (J.C), Droit pénal et procédure pénale, Paris, LGDJ, 9ème édition, 1992, p .... * 64 DELMAS-MARTY, op-cit, p. 16. * 65 « Mettre les textes en action », PRI, op-cit, p. 161. * 66 Arrêté ministériel n° 7117 M. INT. DAP, en date 21 mai 1987 portant règlement intérieur des établissements pénitentiaires, annexe 3 du CPP. * 67 Cf. art. 51, 52, 53 de l'arrêté portant règlement intérieur des établissements pénitentiaires. * 68 MICHELET (E.), OP-cit, RIPAS, p. 471. * 69 Cf. art. 76, de l'arrêté portant règlement intérieur des établissements pénitentiaires, annexe 3 du CPP. * 70 Cf. art. 85, 86, 89 de l'arrêté portant règlement intérieur des établissements pénitentiaires, annexe 3 chapitre IX. * 71 FOUCAULT, op-cit, pp. 243 et s. |
|