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Le conducteur victime dans le droit des accidents de la circulation

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par Hubert DIE KOUENEYE
Université de Dschang Cameroun - Diplôme d'études approfondies 2006
  

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1- La détermination de la qualité de conducteur

La distinction opérée entre conducteurs et non conducteurs peut être à l'origine de difficultés de qualification : quand peut-on dire qu'une personne est « conducteur »? La réponse paraît simple : lorsqu'au moment où l'accident s'est produit, elle était non seulement au volant du véhicule, mais encore le véhicule n'était pas en stationnement64(*), autrement dit qu'elle « dirigeait » ou « conduisait » le véhicule. La conception de la qualité du conducteur n'implique pas que le véhicule ait été en mouvement car la seule preuve que celui-là exerçait sur celui-ci les pouvoirs de contrôle et de direction suffit. Mais jusqu'à quand doit-on considérer qu'une personne est restée conducteur lorsque le véhicule est à l'arrêt : faut-il qu'elle soit sortie du véhicule?

Le double principe de l'indemnisation intégrale du piéton et de l'exclusion éventuelle du conducteur fautif donne un intérêt considérable à des situations marginales où il y a lieu d'hésiter sur la qualité de conducteur d'une victime. Prenons l'exemple d'un conducteur qui après avoir garé son véhicule s'apprête à traverser la route sur un passage protégé et se fait écraser par une voiture. La cour de cassation estime qu'est demeuré conducteur celui qui au volant de son véhicule en a conservé une certaine maîtrise65(*). En revanche, tout conducteur qui est descendu de son véhicule de gré ou de force, par exemple éjecté au cours d'un choc antérieur, est devenu piéton66(*). C'est dire qu'une bonne appréhension de la qualité de conducteur d'une victime éviterait toute controverse sur son statut, ceci éviterait à coup sûr qu'une personne soit considérée comme conducteur à un moment donné et comme piéton à un autre, ce d'autant que les régimes d'indemnisation prévus pour ces victimes sont fort différents. Hubert GROUTEL précise que la victime d'un accident de la circulation doit seulement prouver l'implication du véhicule et c'est au gardien du véhicule impliqué de s'exonérer en prouvant que la victime avait la qualité de conducteur au moment de l'accident67(*). Mais au demeurant, la perte de la qualité de conducteur a une certaine incidence sur la vigueur de son droit à indemnisation.

2- La portée de la perte de la qualité de conducteur

Le régime de rigueur auquel est soumis le conducteur porte à croire que la perte de cette qualité lui est plutôt bénéfique. L'on sait en effet que les conducteurs représentent la catégorie de victimes négligée par la réforme. La précision faite par l'article 228 du code CIMA selon laquelle « les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leurs personnes qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute» permet de se rendre compte que les victimes n'ayant pas la qualité de conducteur sont plus protégées. Une conception stricte du conducteur semble alors préférable. En effet, si l'idée générale de la loi est de défendre les victimes de la force cinétique lorsque le véhicule est arrêté aux fins de stationnement, le conducteur qui est considéré comme avoir perdu cette qualité à quelque titre que ce soit doit pouvoir bénéficier des avantages accordés à la victime piéton. Le choix est important car comme les autres victimes d'un accident de la circulation, le conducteur ne pourra se voir opposer ni la force majeure ni le fait d'un tiers par le conducteur ou le gardien du véhicule responsable des dommages68(*).

D'autre part l'étendue des droits de la victime conductrice s'en trouve plus confortée. En effet l'article 228 parlant de « victimes hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur » crée une discrimination entre les victimes avec une différence de régimes applicables : un régime de faveur pour les non conducteurs, cas du piéton notamment, et un régime de rigueur pour le conducteur. Le piéton bénéficie du droit à indemnisation de tous ses préjudices, corporels et matériels, alors que le droit du conducteur peut être limité ou exclu. Dans ce cas, lorsqu'il est établi que le prétendu conducteur était devenu piéton au moment de l'accident, ce n'est qu'opportunément que celui-là pourra se prévaloir des atouts dont bénéficie celui-ci dans la réparation des dommages. C'est au défendeur ou au responsable de prouver que la victime est restée conductrice au moment de l'accident69(*). Même sur le terrain de la faute, le piéton est sanctionné moins rigoureusement que le conducteur.

B- L'ABSENCE DE FAUTE

Les conducteurs de véhicules terrestres à moteur bénéficient, comme les autres victimes, du droit à l'indemnisation de leurs préjudices corporels, mais ce droit est conditionné par l'exigence de l'absence de faute. L'article 227 du code CIMA dispose explicitement que « la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages corporels et matériels qu'il a subis ». Cette disposition du code CIMA est identique à celle prévue par l'article 4 de la Loi Badinter de 1985 en France70(*). Mais tout comme le texte français, le code CIMA ne donne pas une définition exacte de la faute du conducteur ainsi que de ses modalités d'appréciation. Toutefois ces deux textes précisent que la faute a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des préjudices. Il importe donc au préalable de cerner la faute du conducteur (1) avant de s'appesantir sur ses incidences sur le droit à indemnisation (2).

* 64 V. Y. CHARTIER, article précité, P. 7.

* 65 Jurisprudence constante depuis 1990: Civ. 2e, 15 mai 1992, RC. ASS 1992, n° 322 ; RTD. CIV 1992, 775, Obs. JOURDAIN (cyclomotoriste éjecté puis écrasé par les roues d'un camion avec lequel il est entré en collision) ; Civ. 2e, 24 novembre 1995, RC. Ass n° 51 (le conducteur demeuré dans son véhicule immobilisé n'est plus conducteur au moment du choc) ; Civ. 2e, 8 décembre 1994, RC. Ass 1994, n° 51 (conducteur projeté sur un véhicule inverse) ; Civ. 2e, 16 mai 1994, RC. Ass 1994 n° 291 ; Civ. 2e, 11 janvier 1995, RC. Ass 1995, n° 99 (le motocycliste éjecté qui heurte un second véhicule est demeuré conducteur) ; Civ. 2e, 6 mars 1996 et 16 avril 1996, RCA. Ass n° 169 (conducteur éjecté de son véhicule : il revient au juge de fond d'apprécier les circonstances de la perte de la qualité de conducteur) ; Civ. 2e 15 avril 1999, RC Ass 1999, n°213 (a la qualité de conducteur celui qui est demeuré à l'intérieur de son véhicule qu'il tentait de redémarrer au moment de la collision).

* 66 Réf., cass. Civ., 11 déc. 1991, Aff dame PETIOT C/ Cie Le secours et autres : Juris -Data n° 003288, cassation de CA de Lyon, 6e chambre Civ., 8 mars 1990 : « attendu selon l'arrêt confirmatif attaqué que, sur une route, M. PETIOT, son automobile ayant heurté celle de M. LACROIX, fut éjecté de son véhicule et se retrouva au sol, sous la galerie de toit, au moment où arrivait l'automobile de Mme CHAZEVILLE qui passa sur la galerie ; que M PETIOT ayant été relevé mort, les consorts PETIOT ont assigné, en réparation de leurs préjudices, Mme CHAZEVILLE et son assureur (...). Attendu que pour débouter les consorts PETIOT de leur demande, l'arrêt retient que la victime n'avait pas perdu la qualité de conducteur ; qu'en se déterminant ainsi, alors qu'au moment où M. PETIOT avait été heurté par l'automobile, il se trouvait hors de son véhicule, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ».

* 67 V. RC. Ass 1994, n° 291 et chr. GROUTEL, n° 24.

* 68 L'article 226 du code CIMA précise que « les victimes y compris les conducteurs ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d'un tiers par le conducteur ou le gardien d'un véhicule mentionné à l'article 225 », par cette disposition, le code manifeste une position de faveur pour les victimes autres que le conducteur.

* 69 V. Cass. Crim., 10 janvier 2001, Dalloz 2001, I.R. p.982. Application pour un cyclomotoriste assis sur la selle de son véhicule en panne, le faisant avancer avec les jambes, la nuit sur une route non éclairée, vêtu d'un vêtement sombre, et sans casque. Dans cette espèce, le juge précise qu'il revient au défendeur, qui entend s'exonérer, de démontrer que la victime était restée conductrice au moment de l'accident qui a causé les dommages.

* 70 Cet article est libellé ainsi  « La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis ». 

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