Le conducteur victime dans le droit des accidents de la circulation( Télécharger le fichier original )par Hubert DIE KOUENEYE Université de Dschang Cameroun - Diplôme d'études approfondies 2006 |
CONCLUSION GENERALEL'étude qui s'achève avait pour but l'analyse du dispositif juridique d'indemnisation du conducteurs victime d'un accident de la circulation. L'égalité en droit des citoyens exigeant le traitement équitable des situations juridiques semblables, l'évolution légale du droit des accidents de la circulation a relativement amélioré la situation des victimes. Mais tel ne semble pas avoir été le cas pour le conducteur qui apparaît aujourd'hui comme la victime négligée par la réforme. Notre droit des accidents de la circulation au même titre que celui issu de la loi Badinter de 1985 en France n'a davantage envisagé le conducteur que sur le terrain de la responsabilité, mieux en tant que le principal auteur des accidents de la circulation. De ce fait, ce texte n'a pas fait des progrès exempts de critiques et n'envisage donc le conducteur que sous l'angle juridique d'une obligation de réparer. Heureusement vis-à-vis des autres victimes, l'assurance responsabilité civile décharge déjà le conducteur responsable de l'obligation de réparer. Il est pourtant aussi temps de mesurer l'ampleur des dommages que subissent au quotidien des conducteurs innocents. Les différentes réformes ici et là intervenues ont été louables mais des discriminations restent donc très manifestes à l'endroit de la victime conductrice. Celui-ci recourt aujourd'hui à deux voies essentielles pour obtenir indemnisation de ses préjudices : en cas de collision, seul l'assureur de responsabilité du véhicule adverse déclaré responsable est tenu de réparer au cas où le conducteur fautif aurait souscrit une assurance de responsabilité civile. Dans le cas contraire et en l'absence d'assurance, le conducteur victime fera recours au droit commun de la responsabilité civile. Bien plus, certains instruments mis sur pied par les compagnies d'assurances elles-mêmes pourront aujourd'hui lui permettre de contourner l'inertie du texte CIMA. C'est dire en réalité qu'au stade actuel de la réforme, il ne faudrait pas pousser à l'extrême les vertus du nouveau droit à indemnisation car sa fonction indemnisatrice est à certains égards inachevée. Le droit français est aujourd'hui en passe de revoir sa position sur la question de l'indemnisation des victimes de la route pour mieux intégrer la situation du conducteur233(*). Dans les pays en voie de développement, ceux de la CIMA comme le Cameroun notamment, les choses semblent encore à la traîne et beaucoup sont les conducteurs qui, victimes d'un accident de la circulation, s'en sortent encore sans indemnités ou avec une indemnité sans commune mesure avec l'ampleur des dommages réellement subis. La garantie responsabilité civile rendue obligatoire tant en France qu'au Cameroun se présente donc aujourd'hui comme une technique de protection sociale234(*). Ainsi aurait-il été aussi bénéfique de rendre la garantie du conducteur obligatoire, ceci au moins pour assurer l'indemnisation au cas où le conducteur serait seul impliqué. Cette garantie serait soit insérée au contrat d'assurance de responsabilité ou serait consignée dans une police distincte. Elle permettrait de mieux assurer une indemnisation intégrale des dommages subis par le conducteur. Cette garantie serait destinée à couvrir tous les préjudices économiques et extrapatrimoniaux déterminés en droit du dommage corporel235(*). Elle permettrait aussi une allocation conséquente et de plein droit des frais funéraires aux ayants droits du conducteur décédé telle que pratiquée en droit de la sécurité sociale236(*). Elle renverra en outre à l'article R.211-7 du code français des assurances qui prévoit que l'assurance automobile doit être souscrite sans limitation de somme en ce qui concerne les dommages corporels237(*) . Bien plus, la mise sur pied effective d'un Fonds de Garantie Automobile telle que prévue par le livre 6 du code CIMA pourrait opportunément permettre de pallier aux divers cas où les conducteurs pourraient se trouver en face d'un responsable insolvable238(*). Il est à d'ailleurs à espérer que le récent projet de loi déposé sur la table de l'Assemblée Nationale camerounaise le 3 décembre 2008, tendant à la dissolution du fonds aux fins de relance de ses activités, soit d'un apport important pour l'indemnisation du conducteur au cas où le responsable serait inconnu ou insolvable. Au demeurant, seule une adaptation du code CIMA en vue de l'intégration de la situation de la victime conductrice et par voie de conséquence pour assurer l'indemnisation égalitaire de toutes les victimes pourrait à terme permettre à ce texte de portée sous régionale d'atteindre les objectifs essentiels que se sont fixés ses promoteurs. Au total, si aucune oeuvre humaine n'est parfaite, il n'en demeure pas moins que celle-ci est perfectible. Le traité CIMA qui constitue en lui-même un instrument important d'harmonisation du droit des affaires en Afrique et partant le code des assurances des Etats membres seraient un exemple patent et achevé de la codification des règles relatives à l'indemnisation des victimes de l'hécatombe routière. Mais le paiement en espèces serait lui-même source d'inconvénients car les conducteurs parfois mus par un besoin d'indemnisation rapide se voient souvent octroyés des sommes dérisoires. Il faut donc souhaiter que la procédure d'offre dans sa conception actuelle ne constitue pas un frein à l'évolution du droit à indemnisation vers une formule plus concrète. C'est certainement à ce prix que les victimes conductrices qui ont besoin de prendre en main leur réhabilitation cesseront d'être des assistés qui acceptent sans scrupule de monnayer leurs souffrances. * 233 En droit français, un récent projet de loi de l'Assemblée Nationale (relatif à la réforme du droit des obligations et de la prescription), entend aligner l'indemnisation du conducteur sur celle des autres victimes. * 234 ONANA ETOUNDI (F.), thèse précitée. * 235 DE ROBERT (Ph.): « La garantie du conducteur », in FFSA infos n°78, octobre 2006, p 2 et s. En France, pour combattre l'injustice occasionnée par l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation, l'avant projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription (Rapport CATALA déposé en septembre 2005) et la cour de cassation dans son rapport de 2005, proposent d'aligner l'indemnisation du conducteur sur celle des autres victimes en abrogeant notamment l'article 4 de la loi de 1985. Mais ces textes ne disent pas si l'indemnisation du conducteur est de droit dans tous les cas même lorsque leur véhicule est seul impliqué ou qu'il est nécessaire qu'il y ait un autre véhicule impliqué. La réponse à cette question a été donnée par la cour de cassation le 13 juillet 2006 : « attendu que le gardien du véhicule terrestre à moteur, victime d'un accident de la circulation ne peut se prévaloir des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 à l'encontre de son propre assureur, pour obtenir indemnisation de son dommage en l'absence d'un tiers conducteur du véhicule débiteur d'une indemnisation à son égard...» L'auteur rappelle opportunément qu'en France, un accident de la circulation sur cinq se produit sans tiers en cause et que dans ce cas, le conducteur blessé (ou sa famille) peut être indemnisé s'il a souscrit une garantie individuelle conducteur. * 236Le professeur P.G. POUGOUE concluant son cours dispensé aux étudiants de DEA en 1989 regrettait l'absence d'une réglementation appropriée du domaine de la sécurité sociale au Cameroun, et finit par conseiller une large campagne d'information des citoyens sur l'existence d'une filière d'assurés volontaires à la CNPS. (Caisse Nationale de la Prévoyance sociale). Aujourd'hui les choses sont plus certaines d'autant qu'il existe au niveau national un grand nombre de compagnies d'assurances qui proposent des assurances individuelles pour la couverture des risques de la circulation. * 237 En revanche les dommages au véhicule doivent demeurer hors du champ de l'assurance obligatoire et leur garantie demeurer facultative comme aujourd'hui. Le caractère indemnitaire ainsi garanti réserve à l'assureur un droit éventuel contre le tiers responsable. * 238 V. LIMAN BAWADA Harissou : Etude contributive sur la mise en place d'un Fonds de Garantie Automobile dans la zone CIMA, mémoire DESSA IIA Yaoundé 2002. |
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