Le conducteur victime dans le droit des accidents de la circulation( Télécharger le fichier original )par Hubert DIE KOUENEYE Université de Dschang Cameroun - Diplôme d'études approfondies 2006 |
CONCLUSION DU CHAPITRE ILa loi assimile le conducteur aux victimes d'accidents de la circulation et lui ouvre aussi un droit à indemnisation. Ce droit doit exister juridiquement. Il repose sur des préalables analysés en termes de conditions d'indemnisation. Certaines de ces conditions sont externes au conducteur alors que d'autres sont intimement liées à sa propre personne. L'appréhension de certaines notions susceptibles de difficultés d'application a par la suite justifiée la place de choix qui a été accordée à la définition et à la sanction de la faute du conducteur. Celle-ci est d'ailleurs au coeur du droit à indemnisation car c'est d'elle que dépendra l'étendue de la réparation. De plus, il est à noter que les tribunaux, les forces de l'ordre chargées de mener les enquêtes et les experts de l'automobile jouent ici un rôle indéniable, notamment lorsqu'il s'agit de déterminer le rôle qu'a joué la victime dans la survenance de l'accident. Plus loin, il a été question de relever qu'il pèse sur les personnes chargées d'assurer la réparation, assureur principalement et assuré à titre incident, un certain nombre d'obligations préalablement arrêtées par lesquelles elles se seraient prémunies contre le risque d'accident de la circulation. Ce n'est donc que lorsque ces exigences, somme toutes cumulatives, auront été satisfaites que le conducteur victime pourra valablement voir son droit dérouler ses effets juridiques. CHAPITRE IILES VOIES D'INDEMNISATION DU CONDUCTEUR VICTIME D'UN ACCIDENT DE LA CIRCULATION SUR LE FONDEMENT DU CODE CIMALa réalisation d'un droit renvoie à sa mise en oeuvre effective. En matière d'accidents de la circulation, la réalisation du droit à indemnisation traduit le processus par lequel l'assureur de responsabilité octroie des indemnités à la victime ou celui par lequel celle-ci obtiendra réparation de ses dommages. Il est à relever que le conducteur fautif ne pourra s'attendre qu'à une indemnisation limitée. Dans la pire des hypothèses, il ne bénéficiera d'aucune indemnité conformément à l'article 227 du code CIMA. Lorsqu'il est seul responsable de l'accident (chute dans un ravin, collision avec un arbre...), le conducteur ne peut être indemnisé de ses préjudices que s'il a souscrit une police d'assurance spécifique ou s'il bénéficie dans le contrat d'assurance automobile d'une clause dite « garantie individuelle conducteur » ou « sécurité du conducteur ». Dans ce cas, l'indemnisation est constituée des préjudices énumérés dans la convention et sera limitée par le plafond prévu au contrat d'assurance. C'est l'assureur du véhicule responsable de l'accident qui prend en charge l'indemnisation ou le Fonds de Garantie Automobile111(*). Le fonds paye les indemnités aux victimes d'accidents corporels lorsque, d'une part les dommages ouvrant droit à ces indemnités ont été causés par un véhicule terrestre à moteur, et d'autre part quand le responsable de ces dommages demeure inconnu ou étant connu, celui-ci se révèle insolvable112(*). Mais en attendant la relance des activités d'un tel organisme au Cameroun, l'action du conducteur ne pourra être dirigée que contre l'assureur du responsable113(*). Les voies d'indemnisation envisagées ici s'appliquent à l'indemnisation des dommages corporels ou corporels et matériels car les dommages ayant atteignant seulement les biens font l'objet de conventions entre la victime, l'assureur et le responsable. Il faut donc distinguer selon que l'assureur s'exécute à l'amiable (section 1) ou qu'il y a eu des contestations qui pourront donner lieu à la saisine du juge (section 2). SECTION I : L'OBLIGATION POUR L'ASSUREUR DE RESPONSABILITE DE FAIRE UNE OFFRE D'INDEMNITE AU CONDUCTEURL'obligation faite aux parties de transiger résulte des dispositions de l'article 231 qui dispose qu'« indépendamment de la réclamation que peut faire la victime, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter, dans un délai de douze mois à compter de l'accident, une offre d'indemnité à la victime qui a subi une atteinte à sa personne. En cas de décès, l'offre est faite à ses ayants droits... ». L'offre doit en principe se solder par une transaction entre les parties114(*). L'offre d'indemnité est faite au conducteur victime lui-même. Toutefois, si celui-ci est décédé, l'offre sera faite à ses ayants droits. Selon l'article 2044 du code civil, la transaction est le contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Un mauvais arrangement, c'est-à-dire une transaction, vaut mieux qu'un bon procès, dit-on souvent. Cela est vrai en général, mais un arrangement peut être tellement mauvais qu'il provoque lui-même un procès. L'article 2052 du code civil précise quant à lui que les transactions ne peuvent être attaquées pour lésion. Par ses dispositions, l'article 231 précité fait donc obligation à l'assureur du responsable de prendre à sa charge l'indemnisation de la victime. L'offre de l'assureur doit être faite dans un certain délai et doit avoir un contenu précis (§ I). Une fois la transaction conclue, les indemnités consenties au conducteur doivent lui être versées (§ II). § I : LES DELAIS ET LE DOMAINE DE L'OFFRE DE L'ASSUREURL'économie de la procédure d'offre permet de constater qu'il s'agit d'un moyen de contraindre l'assureur du véhicule impliqué dans l'accident à présenter dans les délais les plus brefs et sous peine de sanctions une proposition d'indemnisation à la victime. Dans le cas où plusieurs véhicules seraient intervenus dans la réalisation des dommages, il revient à l'assureur mandaté par les autres de faire l'offre d'indemnité au conducteur. C'est l'hypothèse d'un carambolage ou d'un accident en série. Celle-ci permet tout à la fois d'éviter une aggravation des préjudices ou un accord intervenu alors que l'état de la victime s'est déjà consolidé. Jusqu'alors, c'était à celle-ci d'accomplir toutes les démarches nécessaires pour obtenir réparation de ses dommages corporels. Le code a donc inversé les choses115(*). Tant les délais (A) que le domaine de l'offre de l'assureur (B) ont été précisés par le code. A- LES DELAIS DE MANIFESTATION DE L'OFFREL'offre est enfermée dans les délais que précisent les articles 231 et suivants du code CIMA. Le délai dans lequel doivent être indemnisées les victimes et par conséquent le conducteur victime lui aussi a été une préoccupation pour les rédacteurs du code CIMA. Ceux -ci sont conscients du fait que le versement d'une indemnité à la victime est un acte que l'assureur a toujours tendance à accomplir le plus tard possible. Il n'est pas seulement à craindre qu'il agisse mal, mais surtout qu'il n'agisse pas du tout. Ainsi, compte tenu de l'infériorité économique de la victime116(*), il était opportun que ceux-ci lui accordent protection117(*). Le délai imparti à l'assureur pour faire une offre à la victime est de douze mois maximum, que cette offre soit faite à la victime directe ou à ses ayants droit en cas de décès118(*). Toute la procédure organisée par le code CIMA tend à une indemnisation rapide des préjudices de la victime. Les suspensions de délais ont été limitativement énumérées et des sanctions prévues en cas de non respect de ceux-ci119(*). C'est au jour de l'accident, fait générateur du dommage que va naître la créance à réparation de la victime conductrice. C'est dire que l'offre a un effet rétroactif. L'émission d'une offre par l'assureur implique qu'il dispose des informations nécessaires à la constitution de celle-ci et que ceux-ci lui parviennent dans un délai compatible avec celui auquel il est lui-même assujetti. C'est ce qui justifie en outre le fait que le législateur ait prévu des cas de suspension et de prorogation des délais120(*). Les cas visés sont ceux de retard dans la déclaration de l'accident à l'assureur, de décès de la victime survenu postérieurement à l'accident, de retard dans la communication des documents justificatifs des dommages (cas du certificat médical ou du rapport de l'expert par exemple), d'absence de réponse ou de réponse incomplète de la victime entre autres121(*). Le code impose donc une obligation d'information réciproque entre les parties. Il est tout de même à craindre que le fait pour certaines victimes de ne disposer d'adresse permanente vienne compliquer la tâche de l'assureur et que la réparation à laquelle il est tenu ne puisse pas couvrir la dimension exacte des dommages. * 111 En France par exemple, le recours peut aussi être exercé contre le Fonds de garantie automobile. Dans le contexte des pays membre de la CIMA, un tel Fonds est prévu par le livre VI du code CIMA mais reste ineffectif dans la quasi-totalité de ses Etats membres. Au Cameroun, le Fonds de Garanti Automobile fut institué par la Loi n° 65/LF/9 du 22 mai 1965 mais ses activités ont été suspendues par un décret présidentiel de 1995. * 112 V. LIMAN BAWADA Harissou : « Etude contributive sur la mise en place d'un Fonds de Garantie Automobile dans la zone CIMA », mémoire DESSA, IIA Yaoundé 2002. * 113 Dans la plupart des litiges relatifs aux accidents de la circulation, est défendeur l'assureur qui garantit la responsabilité du véhicule terrestre à moteur. * 114 Cette exigence était aussi prévue par l'ordonnance de 1989 dont l'article 24 disposait que «l'offre de transaction est obligatoire ». Elle l'est aussi pour la loi française du 5 juillet 1985. V Article 12 : « L'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter dans un délai maximum de huit mois à compter de l'accident une offre d'indemnité à la victime qui a subi une atteinte à sa personne. En cas de décès de la victime, l'offre est faite à ses héritiers et, s'il y a lieu, à son conjoint ». * 115 C'est d'ailleurs ce qui justifie que dans la plupart des cas, les victimes préféraient faire recours au juge pour contourner une éventuelle résistance de l'assureur. * 116 Par rapport au poids économique de la compagnie d'assurances. * 117 V. LOHOUES OBLE, « l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation dans le code CIMA », in l'Assureur Africain n° 24, décembre 1996, P 10. * 118 Ce délai était de huit mois dans l'ordonnance camerounaise du 13 décembre 1989, ainsi que dans la Loi française du 5 juillet 1985 (art 12). * 119 D'après l'article 233 du code, « lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article 231, le montant de l'indemnité produit intérêt de plein droit au double du taux de l'escompte dans la limite du taux de l'usure à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre devenue définitive ». * 120 Il est à croire que les rédacteurs du code ont été pleinement conscients des difficultés de communication dans la plupart des Etats de la zone. * 121 V. articles 247 à 253 du code CIMA. |
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