Chapitre. II
LE SECTEUR AGRICOLE ET LA CROISSANCE ECONOMIQUE
Il existe une certaine unanimité au sein des
économistes sur l'importance du secteur agricole dans une
économie en développement. De la pensée des physiocrates
jusqu'aux écrits des auteurs contemporains, le secteur agricole demeure
un pilier important sur lequel doit s'appuyer tout décollage de
l'économie. Les historiens font d'ailleurs remarquer que dans de
nombreux pays dits développés d'aujourd'hui, la révolution
agraire a été un préalable à la révolution
industrielle. Cette vision justifie la place centrale qu'occupe l'agriculture
dans la théorie du développement. De nombreux auteurs de ce
courant de pensée tels LEWIS (1955), HIRSCHMAN (1958), FEI et RANIS
(1964), ou encore MELLOR (1966) y ont consacré des écrits
importants. Et même en cette période du 21e
siècle, la mise en oeuvre de politiques agricoles efficaces par la FAO
demeure une condition nécessaire à l'éradication de la
faim et la réduction des inégalités dans les pays du
monde.
L'analyse de l'impact du secteur agricole sur la croissance et
le développement économique se fait suivant plusieurs points de
vue dans la littérature économique. Les premiers auteurs de la
théorie du développement lui assignaient un rôle "passif"
dans l'économie. LEWIS (1955), HIRSCHMAN (1958), RANIS et FEI (1964)
pour ne citer que ceux-là, le situent en amont des activités des
autres secteurs de l'économie qui impulsent réellement le
développement. L'agriculture doit fournir au reste de l'économie
les ressources dont il a besoin pour son fonctionnement. La part du secteur
agricole est ainsi vouée à la décroissance au fur et
à mesure que l'économie croît.
Mais, La notion d'une agriculture au service du
développement du reste de l'économie, réservoir de main
d'oeuvre et de capital à exploiter, recule de plus en plus devant celle
qu'il faut s'engager dans la voie du développement agricole pour
lui-même et que l'agriculture peut parfois s'avérer un secteur en
tête de l'économie, surtout en période d'ajustement
économique .Un développement du secteur
agricole en tant que secteur d'activité dans l'économie est
également un gage d'atteinte d'un niveau de développement
économique. La coexistence des secteurs urbain et rural ne
transparaît plus comme une aberration en ce sens qu'un
développement du secteur agricole permettrait de voir des
améliorations de niveau de vie dans le monde rural. Avant d'exposer plus
en détail ces différentes approches de l'impact de l'agriculture
sur la croissance de l'économie, il est opportun de définir ces
concepts.
2.1. Définition des
concepts
2.1.1 Agriculture
L'agriculture dans son acception large désigne
l' « ensemble des travaux transformant le milieu naturel pour la
production des végétaux et des animaux utiles à
l'homme ». En plus donc de la culture des végétaux,
sont également prises en compte les activités d'élevage,
de pêche et de chasse.
Du point de vue économique, l'agriculture
représente un secteur d'activité, une activité
génératrice de revenu à partir de l'exploitation des
terres, de la culture des animaux, etc. À ce titre, elle contribue
à la formation du revenu national et emploie de la main d'oeuvre. Les
principes d'économie politique peuvent donc s'appliquer à
l'agriculture afin de comprendre les différents mécanismes qui
concourent à son fonctionnement en tant qu'activité
économique. Il s'agit des mécanismes de production, de
maximisation du profit, de formation des prix, d'écoulement du produit,
etc. C'est un secteur d'activité doté d'un caractère
spécifique pour l'économie d'un pays ; il répond au
besoin le plus important de l'être humain : l'alimentation.
L'activité agricole est dotée de nombreuses
spécificités dont il faut tenir compte pour comprendre son
fonctionnement :
Ø La Terre.
La Terre joue un rôle particulier dans l'activité
agricole. Les techniques agricoles exigent d'être
développées sur des grandes étendues de Terre, les
superficies des exploitations agricoles se mesurent souvent en hectares.
Comparativement à l'activité industrielle, la Terre est un
facteur de production important pour la pratique de l'activité agricole.
Par ailleurs, l'abondance ou non des Terres peut justifier le système de
production pratiqué. Ainsi, dans les zones où le facteur Terre
est limitant, l'activité agricole sera plus intense en capital ou en
travail. Contrairement aux zones dans lesquelles ce facteur est abondant
où l'activité sera extensive.
Ø Les conditions naturelles et les
saisons
La dépendance de l'agriculture vis-à-vis des
conditions naturelles et des saisons est très marquée. Elle l'est
davantage dans les pays en développement où la maîtrise des
techniques sophistiquées n'est pas encore un acquis. Cette
dépendance entraîne certaines conséquences : la
saisonnalité de l'emploi des facteurs et le risque. La
saisonnalité des facteurs, même si elle n'est pas
spécifique à l'agriculture impose à la fonction de
production agricole des caractéristiques particulières. On parle
par exemple de tomates pluviales, de tomates irriguées. Quant au risque,
aucune activité économique n'y échappe. En agriculture, au
risque classique qui provient de l'incertitude quant au prix auquel une
marchandise sera vendue, s'ajoute une incertitude sur la quantité de
produits obtenus avec des moyens de production et une technique de production
donnée. Un orage peut par exemple ravager l'ensemble des
résultats, une pluviométrie peu abondante peut entraver le
développement normal des plantes, une épidémie peut
détruire la production d'un élevage.
Ø La rigidité de la demande
Concernant la demande des produits alimentaires, elle est peu
sensible aux prix (loi de KING) et au revenu (loi d'ENGEL). Mais, il faut tout
de même faire la distinction entre produit alimentaire et produit
agricole. Tout produit alimentaire n'est pas agricole et tous les produits
agricoles ne sont pas alimentaires. Cependant, il apparaît que la
rigidité de la demande alimentaire se transmet pour l'essentiel à
la demande des produits agricoles. Cette situation a pour effet une difficile
intégration de l'agriculture dans une économie en croissance.
La notion de croissance économique est ainsi
devenue une préoccupation pour les économies car au-delà
de la satisfaction des besoins de la population, l'objectif de
l'économie est aussi de connaître la phase de croissance et de
développement économique. En RDC, un taux de croissance à
deux chiffres reste une condition nécessaire à un
développement économique.
L'agriculture, en tant que secteur d'activité de
l'économie peut contribuer à la croissance de celle-ci. Dans la
théorie économique, la contribution de l'agriculture à la
croissance économique se fait selon plusieurs points de vue. Le
caractère "primaire" des activités agricoles en fait souvent un
secteur en amont des autres. Il est donc un secteur d'activité au
service des autres secteurs dans le processus du développement. Mais
au-delà de ce rôle de secteur en amont du développement,
d'autres auteurs estiment que le développement du secteur agricole pour
lui-même offre aussi des gages d'un véritable
développement. Les sections suivantes ont pour objet d'exposer ces
différentes approches.
|