D. Revue de la littérature :
Les dépenses en soins de santé et leur impact
socio-économique ont fait l'objet de nombreuses recherches et
publications en raison de l'importance que revêt ce sujet.
1. Santé et PIB.
L'étude réalisée par David et
al (2004), sur l'influence de la santé sur le PIB a
montré que la détérioration de l'état de
santé entraine l'appauvrissement de la population et une plus forte
détérioration de la santé, etc. (Cercle vicieux). Ce fut
le cas de l'ex-URSS, où l'espérance de vie masculine a
sensiblement diminué à la sortie du communisme ; et en
Afrique subsaharienne où les taux d'infection du VIH sont
élevés, le SIDA faisant accroître déjà
considérablement les taux de mortalité des adultes. La variation
moyenne des probabilités de mortalité est de 0,35% par an entre
1990 et 2000. Si l'on évalue prudemment la valeur d'une vie statistique
(VVS) à 100 fois le PIB par habitant, cette variation de la
mortalité en Afrique implique que le coût économique de
l'épidémie équivaut à plus ou moins 15% du PIB du
continent en 2000 (en supposant qu'environ 50% de la population est
âgée de 15 à 60 ans et que 90% des personnes mortes du SIDA
font partie de ce groupe d'âge). Cela correspond à une baisse du
revenu de 1,7% par an de 1990 à 2000, chiffre nettement supérieur
aux estimations actuelles de l'effet du SIDA sur le PIB (voir graphique 1).
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2. Santé et croissance.
Dans le rapport de la commission macroéconomie et
santé de l'OMS (OMS, 2001), la santé est présentée
comme le pilier du développement économique. A travers les
diverses études réalisées dans certains pays du monde, on
observe les différents résultats :
Au niveau macro-économique, l'impact de la maladie
représente pour les sociétés une lourde charge tendant
à avoir de graves obstacles économiques.
En effet, les maladies réduisent le revenu annuel d'un
pays, ses revenus par tête et ses chances de croissance
économique. Dans les pays les plus pauvres, les pertes se comptent
chaque année par douzaines de points de pourcentage du PNB ; ce qui
se traduit par des centaines de milliards de dollars des Etats-Unis. La
commission a aussi constaté qu'au sein même des pays en
développement, les maladies transmissibles, la mortalité
maternelle et la sous-nutrition, si elles concernent toutes les
catégories de revenus, frappent les pauvres beaucoup plus durement que
les riches.
Une estimation statistique classique indique que chaque
amélioration de 10 pour cent de l'espérance de vie à la
naissance (EVN) correspond à une augmentation de la croissance
économique d'au moins 0,3 à 0,4 point de pourcentage, les autres
facteurs de croissance étant considérés constants (OMS,
2001).
La récente étude économétrique
réalisée par Barro et Sala (1995), révèle que plus
de la moitié de la différence de croissance entre l'Afrique et
les pays d'Asie orientale à croissance rapide s'expliquent statiquement
par les effets de la charge de la maladie, de la démographie et de la
situation géographique, plutôt que par les variables plus
classiques que sont la politique macro-économique et la gouvernance.
Au niveau du ménage, on constate qu'un épisode
morbide peut condamner un ménage modeste à la pénurie de
biens matériels, notamment lorsqu'il lui faut vendre ses biens de
production pour couvrir des dépenses de santé.
En fait, nombreuses sont les raisons pour lesquelles la
maladie fait peser une charge accrue sur les pauvres. Premièrement,
ceux-ci sont beaucoup plus vulnérables à la maladie parce qu'ils
ont moins accès que les autres à une eau saine et à un
assainissement efficace, à un logement sûr et hygiénique,
à des soins médicaux, à une information sur les
comportements préventifs et à une alimentation appropriée.
Ensuite les pauvres sont beaucoup moins à même de recevoir des
soins médicaux, même quand ils en ont un besoin urgent, parce
qu'ils habitent plus loin des prestataires, parce qu'ils n'ont pas les
ressources financières nécessaires pour payer les soins et enfin,
parce qu'ils ignorent les meilleures mesures à prendre face à un
épisode morbide. Enfin tout comme déjà dit, les
dépenses qu'entraine une grave maladie peuvent les acculer
jusqu'à la misère en les forçant à contracter des
dettes, à vendre ou à hypothéquer des biens de production
(comme une terre). Une telle maladie peut plonger un ménage dans une
misère prolongée qui peut même s'étendre à la
génération suivante lorsque les enfants doivent quitter
l'école pour travailler.
3. Santé et pauvreté.
Le document de référence sur la pauvreté
et la santé, publié conjointement par l'OCDE et l'Organisation
Mondiale de la Santé (OMS) en collaboration avec le réseau du
comité d'aide au développement (CAD) travaillant sur la
réduction de la pauvreté, a eu pour conclusion, la recommandation
suivante : une approche de la santé aux pauvres dans les pays
partenaires (OCDE, OMS, 2003).
Cette approche de la santé aux pauvres consiste
à Privilégier la promotion, la protection et
l'amélioration de la santé des pauvres. Ensuite intégrer
le développement de systèmes de santé favorables aux
pauvres, s'appuyant sur des mécanismes de financement équitables.
Enfin englober des mesures dans divers domaines qui exercent une influence
déterminante sur l'état de santé des pauvres, notamment
dans l'éducation, la nutrition, l'assainissement et l'approvisionnement
en eau.
Selon Wagstaff (2002), il existe un lien de causalité
à double sens entre la santé et la pauvreté.
En effet, la pauvreté engendre la mauvaise santé
et la mauvaise santé entretient la pauvreté. La mauvaise
santé ou la fécondité exceptionnellement
élevée peut influer profondément sur le revenu des
ménages. Selon cet auteur, il convient de noter que le revenu perdu est
probablement une cause plus grande d'appauvrissement que les paiements directs
de prestations sanitaires. Partant des inégalités entre pauvres
et non pauvres face à la santé, il ressort que les
inégalités en matière de santé s'exercent presque
toujours au détriment des pauvres : ceux-ci ont tendance à
mourir plus tôt et à présenter des niveaux de
morbidité plus élevés que les riches.
Après avoir déterminé les causes des
inégalités face à la santé, l'auteur insiste sur
les paiements directs de soins. Les ménages ne doivent pas être
contraints de dépenser plus d'un certain nombre de pourcentage de leur
revenu en frais de santé ; toute somme dépassant ce seuil
est considérée comme catastrophique. Dans plusieurs pays, plus de
1% de tous les ménages ont consacré ces derniers temps la
moitié ou plus, de leurs dépenses extra alimentaires à se
faire soigner (OMS, 2000).
4. Accessibilité aux soins et source de
financement.
L'étude menée dans la commune de
Sèmè-podji au sud du Bénin sur l'analyse de
l'accessibilité des ménages ruraux aux soins de santé
primaires, par Singbo Sagbohan (2007), a montré que le consentement des
ménages à prépayer leurs soins de santé n'est pas
le fruit du hasard mais il peut être plus expliqué par la
rationalité économique. Le consentement à prépayer
des ménages est influencé par des paramètres socio
démographiques et économiques. Le niveau de revenu des
ménages, l'âge des répondants, la tradition d'utilisation
des services de santé de la localité (laquelle dépend de
la propreté du centre de santé) influent sur le consentement
à prépayer des ménages ruraux. De façon
spécifique, les répondants âgés sont les plus
favorables aux consentements à prépayer que leurs homologues plus
jeunes. De même, les chefs de ménages riches sont plus favorables
que les pauvres à des cotisations élevées. La valeur de
consentement à payer qui favoriserait l'adhésion des
ménages ruraux aux systèmes de préfinancement
communautaire des soins de santé est de 8000F CFA.
Au terme de l'étude menée au Bénin sur la
contribution des dépenses publiques de santé et du revenu par
habitant à l'amélioration de la santé des populations, par
Gangniahossou et Taïrou en 2007 ressort que le financement du secteur de
la santé au Bénin provient de sources fondamentales :
l'Etat, l'aide extérieure et les communautaires. L'implication de la
communauté à la base dans le financement de la santé se
renforce davantage depuis une dizaine d'années. Les montants
alloués à la santé au cours des cinq dernières
années sont encore éloignés de l'objectif de l'OMS et
cette situation requiert des actions vigoureuses surtout au plan interne. Les
parts revenant aux investissements dans le secteur n'ont pas atteint des
niveaux élevés et proviennent en majorité du financement
extérieur.
Par ailleurs, la capacité d'absorption du financement
extérieur demeure faible.
L'analyse de l'incidence des dépenses d'investissements
sur l'accessibilité des populations aux soins de santé montre une
amélioration de la couverture du territoire national.
L'offre de soins de santé s'est
améliorée. Il s'ensuit une maîtrise, voire une
réduction du taux de prévalence de certaines maladies.
Néanmoins, certaines disparités demeurent et découlent de
la mauvaise répartition géographique des services de
santé, d'une répartition inégale et inéquitable des
ressources financières publiques et de la faiblesse
générale des revenus des populations. Cela pourrait conduire
à terme, si des mesures n'ont pas été prises, à une
faiblesse accentuée d'accès, préjudiciable à un bon
développement humain indispensable pour réduire la
pauvreté.
De même, les efforts réalisés sont
insuffisants pour permettre d'atteindre à l'horizon 2015 les objectifs
du millénaire pour le développement en ce qui concerne la cible 5
(réduire le taux de mortalité infanto-juvénile de 166,5
pour mille en 1996 à 90 pour mille en 2015), la cible 6 (réduire
le taux de mortalité maternelle de 498 en 1996 à 390 pour cent
mille naissances vivantes en 2015) et la cible 8 (avoir maitrisé le
paludisme et d'autres grandes maladies, et avoir commencé à
inverser la tendance actuelle d'ici à 2015).
5. Conséquences économiques des
prescriptions irrationnelles de médicaments.
L'étude menée dans la région de Dakar sur
les conséquences économiques des prescriptions irrationnelles de
médicaments aux malades dans les structures de soins, par Basenya
(2003), a montré que ces prescriptions irrationnelles ont pour
conséquences :
- L'élévation du prix moyen de l'ordonnance,
l'achat incomplet de médicaments, le fractionnement des doses de
médicaments.
- Un impact sur les dépenses de consommation mensuelle
moyenne, le ménage risquant de se priver des autres biens pourtant de
première nécessité au profit d'une ordonnance.
Du fait de la maladie, les personnes perdent une partie de
leur aisance économique.
Lorsque les économistes ou les spécialistes de
la santé publique tentent de quantifier cette perte d'aisance, ils
considèrent généralement les éléments
suivants : la perte de revenus marchands causée par la maladie, la
perte de salaire résultant d'un épisode de maladie, la perte de
capacité de gains de l'adulte résultant d'épisodes de
maladie au cours de l'enfance, et la perte de gains futurs résultant
d'un décès prématuré (Koné, 2005).
En somme, les conséquences économiques d'un
épisode de maladie pour un ménage peuvent encore être
aggravées si les dépenses encourues par celui-ci pour faire face
à la maladie l'obligent à trop ponctionner ses ressources et
à contracter des dettes. Il risque ainsi de se retrouver plongé
dans une situation de dénuement total de laquelle il ne pourra s'en
sortir ; ce qui aura des incidences sur le bien être de tous ses
membres, et parfois aussi sur celui d'autres personnes de la famille. De
nombreuses études ont montré que les ménages pauvres sont
rarement assurés contre les effets catastrophiques d'une maladie et
doivent donc vendre leurs maigres biens, comme du matériel agricole ou
des animaux de ferme, ou encore hypothéquer leur terre pour maintenir
une consommation minimale en dépit de leurs pertes de revenus marchands,
tout cela pour payer les soins médicaux urgents. Cette réduction
des biens de production peut les condamner à une misère
persistante qui s'étendra au-delà de l'épisode aigu de
maladie ; car il leur sera très difficile de rentabiliser de
nouveau leurs activités de production. Le ménage endetté
ne disposera pas de fonds de roulement nécessaire aux investissements
à court terme qui lui permettraient de produire suffisamment pour
rembourser ses dettes ; et il lui sera impossible d'emprunter sur ses
futurs gains. Cette misère risque alors d'aggraver encore les conditions
initiales favorables à la maladie.
A l'issue de cette revue de la littérature, nous
retenons que la santé a un impact sur le niveau de vie des
ménages. Les dépenses en soins de santé entrainent
diverses conséquences sur les ménages (endettement,
paupérisation etc.). Notre étude s'orientera vers les
déterminants de la vulnérabilité des ménages suite
aux dépenses de soins hospitaliers.
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