3 ème partie :
Discussion médico-légale
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Réalité du dommage :
La confrontation de l'individu à un
évènement inexorable à caractère vital induit dans
près de 20 à 60% des cas (25,26) l'apparition d'un stress
lié au traumatisme. Et ce, que l'on ait directement été
victime ou simplement témoin. Par définition l'accident consiste
dans la survenue d'un évènement inattendu provoqué
par l'action soudaine et violente d'une cause extérieure
indépendante de la volonté des participants.
Traumatisme actif versus passif
Les définitions relatives au stress traumatique mettent en
avant le caractère inattendu, soudain, violent d'une cause
extérieure indépendante de la volonté. Cette
définition caractérise le sujet comme étant placé
en position de victime d'un évènement indépendant de sa
volonté. Ceci n'est pas le cas de l'accident survenant alors que le
sujet se place de façon consciente dans une situation à risque
(compétition, sports extrèmes).
Implication du sujet dans la survenue du traumatisme
Dans la situation où le sujet est spectateur de
l'évènement dans lequel il est impliqué. Il n'y a aucune
raison particulière de son fait pouvant expliquer de façon
rationnelle sa position de victime. «Pourquoi moi ?». Ce d'autant
plus qu'il n'a pas conscience d'avoir fait de faute particulière.
Réalité des lésions :
A. Traumatisme et lésions objectives :
Le traumatisme s'accompagne de lésions qui pourront
être objectivées cliniquement ou au moyen d'examens d'imagerie.
Ces lésions pourront prendre des formes diverses (épilepsie,
syndrome déficitaire, etc...) et en fonction de leur localisation avoir
des expressions variées (troubles de l'humeur, de la mémoire,
etc )
B. La notion de traumatisme informationnel :
Il s'agit là du traumatisme cognitif subi par le sujet en
référence à la situation informationnelle de l'accident.
Il peut être rapporté au traumatisme initial décrit par
Freud (27). Ce traumatisme peut être caractérisé comme
correspondant à l'innondation de la mémoire immédiate par
l'ensemble des perceptions sensorielles associées au contexte de
l'accident y compris celles associant le «Moi splanchnique».
Cette situation informationnelle constitue un tout. Elle est
d'autant plus prégnante que le traumatisme est survenu de façon
inopinée.
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Concordance de siège :
Dans une revue récente, Peretz Lavie & al (28),
Dugovic & al (29) font le point sur l'ensemble des éléments
relatifs à la comorbidité existant entre le Stress et les
Troubles du sommeil. Les principales études polygraphiques ne montrent
pas de différence quantitative significative sur les principaux
paramètres du sommeil étudiés chez les sujets ayant subi
un traumatisme. Le temps de sommeil total , les latences d'endormissement, la
répartition des différents types de sommeil , le nombre
d'éveils nocturnes ne diffèrent pas de façon significative
par rapport à une population témoin. Toutefois, l'analyse plus
fine des paramètres spéfiques du sommeil paradoxal permet de
mettre en évidence une augmentation des évènements
phasiques (mouvements oculaires notamment) dans la population ayant subi un
traumatisme. De même est retrouvée une augmentation de
l'activité musculaire associée à une augmentation des
mouvements périodiques à la fois durant le sommeil lent profond
et le sommeil paradoxal. On note aussi une augmentation de la prévalence
des apnées de sommeil chez les patients (2 fois plus que dans la
population générale).
Lien anatomoclinique :
Récemment (30) D.Davenne a mis en évidence une
diminution spécifique de la force musculaire du trapèze chez les
sujets mis en situation de privation de sommeil. Arnulf & al (31) ont
montré l'existence d'une activité phasique des
sterno-cléido mastoïdiens survenant en sommeil paradoxal et
suppléant l'activité du diaphragme.
Ces données sont à rapprocher de celles,
identifiées expérimentalement, relatives aux
effets de l'apprentissage sur le sommeil (augmentation globale de
la durée du Sommeil Paradoxal de 40% ).
Sur le plan anatomo-clinique, si l'on retient la mise en jeu
anormale de l'entité fonctionnelle associée à
l'oculo-céphalogyrie durant le sommeil paradoxal, il serait alors
possible de décrire un syndrome associant :
une dimension cognitive :
· troubles mnésiques portant sur les faits
récents
· difficulté de la concentration intellectuelle et
de l'association des idées
· céphalées
une dimension liée à la motricité oculaire
:
· fatigabilité intellectuelle (par
hétérophorie)
· fatigabilité visuelle
· sensation d'instabilité
une dimension liée à la motricité
céphalogyre
· vertiges de position sans caractère giratoire,
avec obnubilation visuelle
· perturbation de l'activité du trapèze
· perturbation de l'activité des
sterno-cléido-mastoïdiens
Les perturbations à moyen terme du sommeil
évoluant vers des troubles de l'humeur (32) :
· modification de l'humeur et du caractère avec
irritabilité
· intolérance aux bruits
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Délai d'apparition des symptômes :
Le temps d'intégration psychique
Les définitions fonctionnelles caractérisent le
sommeil comme l'expression comportementale de processus liés à
l'adaptation ou ayant pour objet de permettre la
récupération de la période d'éveil
précédente et de préparer à la période
à venir.
Ces définitions impliquent la nécessité
d'une prise en compte de l'apparition des symptômes dans une dimension
chronobiologique (29). En effet, la réponse au traumatisme (ou au
stress) est médiée par des interactions complexes
neuro-endocriniennes. Sur le plan chronologique on envisage les réponses
d'adaptation à très court terme mettant en jeu l'axe
hypocampo-hypothalamo-hypophyso-surrénalien, puis des réponses
retardées avec un délai de l'ordre de 24h où l'on note un
rebond de sommeil paradoxal, de 72h qui mettent en jeu des modifications de la
régulation de l'activité cellulaire (phase de transcriptions),
des réponses encore plus retardées de l'ordre du mois.
Le temps d'intégration psychique se module alors en
plusieurs phases : une phase précoce, une phase retardée et une
phase tardive de l'ordre du mois.
Les premiers troubles apparaissent de façon précoce
à la suite de traumatisme.
Etat antérieur :
Le traumatisme dans le schéma freudien
Le traumatisme informationnel correspond par définition
à l'innondation de la base de connaissance du sujet (son acquis) par un
flux d'informations associé au traumatisme.
Par définition, l'histoire naturelle du sujet participe
fondamentalement à la manière dont seront intégrées
les informations associées au traumatisme.
La capacité du sujet à se situer par rapport
à l'environnement associé au traumatisme va jouer un rôle
fondamental dans la prise en compte de l'expérience vécue.
Le niveau de contrôle de la réponse au ça par
le surmoi ainsi que l'aptitude du sujet à se distancer par rapport
à l'expérience vécue va ainsi influer sur la
capacité d'intégration des éléments
informationnels.
L'impossibilité à se distancer pour des raisons
diverses se traduira alors par
l'apparition d'un conflit entre le moi, l'environnement
informationnel subi et le traumatisme.
De façon simpliste on pourrait traduire le conflit par
l'expression : «Pourquoi moi ?»
Pourquoi moi ? j'étais arrêté à un feu
rouge, j'ai fait tout ce qu'il faut, je n'ai pris aucun risque, etc... mais je
suis victime. Pourquoi ?
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Elements extérieurs pouvant expliquer le dommage :
Le masquage thérapeutique
Si l'on accepte le principe de la séquence :
1. Traumatisme informationnel associé ou non à un
traumatisme physique
2. Perturbation de l'intégration psychique (dont
processus associés au sommeil)
3. Apparition de symptomatologie fonctionnelle (defaut
adaptatif)
La prise en charge thérapeutique précoce, celle
liée à la perturbation de l'intégration psychique ou de la
symptomatologie tardive vont influer de façon directe sur l'expression
du dommage.
Si l'on accepte la notion de traumatisme informationnel, la prise
en charge, au moyen de susbtances psychotropes de type anxioloytique ou
hypnotique, s'avère inapropriée si elle est faite de façon
isolée sans travail cognitif.
En effet, l'effet des psychotropes induit un effet de masquage de
la problématique sous-jacente au traumatisme informationnel. Cet effet
ne permet pas l'adaptation du sujet à l'expérience du traumatisme
et peut éventuellement évoluer vers une chronicisation des
symptômes présentés.
Causalité :
Au regard de la discussion des éléments relatifs
à l'imputabilité on peut admettre l'existence d'un lien de
causalité certain et direct entre le traumatisme informationnel et
l'apparition d'un syndrome post-commotionnel.
Toutefois, il est beaucoup plus difficile d'admettre une
causalité totale. Ce, en raison de la notion même de traumatisme
informationnel. Le traumatisme ne pouvant s'exprimer qu'en présence
d'une situation favorisante liée tout à la fois à
l'histoire naturelle du sujet et aux modalités de prise en charge
médico-sociale (pour être large) du traumatisme subi.
Par ailleurs, cette même notion de traumatisme
informationnel fait qu'il est quasiment impossible de replacer le sujet dans la
situation où il était avant le dommage.
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