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L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008

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par Jules Bertrand TAMO
Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011
  

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CONCLUSION DU CHAPITRE 2

L'on en vient à conclure que malgré la multiplication des propositions de révision de la Constitution initiées par les députés à l'Assemblées nationale depuis 1996, cette dernière, en tant qu'organe révisionniste demeure plus réceptive aux initiatives d'origine présidentielle. Au regard du contenu de la loi constitutionnelle de 2008, on est fondé à penser que ladite Assemblée a renoué avec les révisions orientées vers la remise en cause des principaux acquis constitutionnels des années 1990 : la résurrection de la clause de l'illimitation des mandats présidentiels, le verrouillage du poste de président de la République et l'altération de l'indépendance du juge constitutionnel.

En dernière analyse, la révision constitutionnelle du 14 avril 2008 plongeant dans « l'incertitude du constitutionnalisme », s'intègre dans la logique d'« une conception du pouvoir qui défie le droit » qu'évoquait le Professeur Maurice KAMTO il y a bien longtemps430(*).

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

A l'issue de cette analyse sur les mutations du pouvoir constituant dérivé depuis 1996, l'on se doit de reconnaître la matérialité progressive des mutations de ce pouvoir au double point de vue organique et fonctionnelle. Ainsi, malgré le contexte actuel caractérisé par l'ineffectivité du bicaméralisme et la pérennisation de la période transitoire qui en résulte, l'on ne peut conclure à l'absence de volonté ou à l'inertie des pouvoirs publics chargés de mettre en place le Sénat. C'est que, le temps étant la mesure de toute chose, toutes leurs actions doivent s'y inscrire. Tel est le sens profond de l'article 67 de la Loi fondamentale.

CONCLUSION GENERALE

Si nous nous sommes quelque peu étendus sur le débat ouvert à propos de l'Assemblée nationale en tant qu'organe révisionniste depuis les années quatre-vingt-dix au Cameroun, ce n'est pas seulement en raison de son actualité mais aussi parce qu'il nous semble poser une question plus générale sur les mutations dont le pouvoir constituant dérivé a pu faire l'objet lui-même en tant qu'organe de l'Etat. De l'appréciation des mutations du pouvoir constituant dérivé depuis 1990, l'on a déduit qu'il n'est pas un organe figé une fois pour toutes dans la forme donnée par ses auteurs. Le milieu où il s'exerce a changé, il évolue toujours, il vit ; le pouvoir constituant dérivé contribue à l'organiser en même temps qu'il pèse sur lui.

La problématique suivante a constitué le fil conducteur de cette étude : le pouvoir constituant dérivé a-t-il résisté aux transformations que subissent les organes de l'Etat en cette période de transition démocratique ? Dans une approche diachronique et en combinant la méthode juridique et la méthode de la science politique, nous avons étudié successivement les mutations du pouvoir constituant dérivé au Cameroun depuis 1990.

Au plan organique, le pouvoir constituant dérivé est passé tour à tour d'un Parlement monolithique entre 1990 et 1991 à un Parlement pluraliste entre 1992 et 1996 et depuis le 18 janvier 1996 à un Parlement bicaméral.

Au plan fonctionnel, la conséquence attendue et visible de cette mutation structurelle a été, sur le plan général, la revitalisation du débat constitutionnel et plus spécialement le réveil de l'Assemblée nationale où on relève une volonté des députés de prendre eux aussi l'initiative de la révision constitutionnelle, rompant ainsi avec une tradition en la matière qui veut que l'initiative juridique d'une révision de la Constitution soit un monopole du président de la République.

A cela, l'on se doit d'ajouter que l'appréciation des mutations du pouvoir constituant dérivé telles qu'elles sont observées au Cameroun doit se faire à la lumière de la théorie constitutionnelle et non point par rapport à ce qui se fait ailleurs dans la mesure où il n'y a pas de standard en la matière. Tout dépend des rapports entre partis politiques et le pouvoir propres à chaque Etat.

Reste que le pouvoir constituant dérivé au Cameroun revêt un double visage : l'un vertueux et l'autre vicieux. D'une part, au plan de la vertu, le pouvoir constituant dérivé entre 1990 et 1996 a adapté la Constitution du 2 juin 1972, toute proportion gardée, aux réalités et aux aspirations démocratiques des citoyens. Il a successivement porté atteinte à l'absolutisme présidentiel et permis la « résurrection » du régime parlementaire camerounais431(*) en introduisant dans la Constitution un poste de premier ministre formellement Chef du gouvernement ainsi que les mécanismes de la responsabilité de ce dernier devant le Parlement qui lui-même devient bicaméral. A cela s'ajoute la consécration d'un Conseil constitutionnel qui est appelé au regard de ses attributions à contribuer à la consolidation de l'Etat de droit au Cameroun. Au niveau de la division verticale du pouvoir dans l'Etat, on relève la constitutionnalisation en 1996 de la décentralisation au Cameroun432(*).

Au-delà de cette dimension vertueuse, le pouvoir constituant dérivé présente un aspect versatile et vicieux. Après s'être prononcé en 1996 dans un esprit d'objectivation en faveur de l'application des normes constitutionnelles et de l'institutionnalisation du pouvoir, le pouvoir constituant dérivé de 2008 est bien loin d'avoir recherché cet idéal. La révision constitutionnelle de 2008 a été opérée au seul profit du Chef de l'Etat et au détriment des autres organes de l'Etat alors même que dans le texte et l'esprit des dispositions constitutionnelles pertinentes édictées en 1996, les jalons d'un rééquilibrage des pouvoirs ne faisaient l'objet d'aucun doute.

On comprend alors que la Constitution camerounaise se révèle être en fait, au-delà de la rigidité qui se dégage des mécanismes de sa révision, une Constitution souple, car révisable à souhait par le Chef de l'Etat dont la seule volonté détermine le contenu de la révision. Les risques de voir la compétence révisionniste du Parlement mise en oeuvre dans le seul but de consolider le pouvoir du Chef de l'Etat et de perpétuer le système politique et social qu'il a créé sont évidents, surtout pendant la période transitoire.

Dans ces conditions, les chances de voir la Constitution jouer réellement la fonction d'institutionnalisation du pouvoir433(*) au Cameroun résident sans doute dans la mise en état de fonctionnement effectif du bicaméralisme. En effet, il ne suffit pas de consacrer formellement le pouvoir constituant dérivé mais de veiller à l'effectivité de toutes les opérations (juridiques et matérielles) nécessaires ou indispensables à son opérationnalité. En ce qui concerne la loi constitutionnelle de 1996, elle a prévu des modalités de mise en place progressive des institutions indispensables à la mise en place du Sénat. La généralité de leur formulation tout comme l'absence de mécanismes juridiques de contrôle de leur mise en place ne remet nullement en cause l'obligation voire la nécessité pour les organes de l'Etat chargés par la Constitution de leur donner corps. Elles permettent plutôt de mesurer la volonté réelle de novation institutionnelle des pouvoirs publics à laquelle la promulgation d'une loi constitutionnelle ou d'une Constitution ne saurait être que le point de départ, l'impulsion initiale. En d'autres mots, une loi constitutionnelle n'est pas les réformes, c'est la machine principale devant permettre aux pouvoirs constitués de les réaliser.

La plume étant réputée serve, élaborer une loi constitutionnelle revient à imposer un cadre mais non à geler le texte qui, au-delà des imperfections qu'on y déplore434(*), est paradoxalement l'incarnation de la réalisation effective de l'idéal démocratique du peuple camerounais. Et on peut souhaiter que les multiples appels de la société civile et de l'opposition politique pour la mise en place effective des institutions relatives au parachèvement des mutations du pouvoir constituant dérivé amorcées dans les années 1990 ouvrent la voie à un renouveau du constitutionnalisme au Cameroun.

* 430 Cf. KAMTO (M.), Pouvoir et droit en Afrique noire. Essai sur les fondements du constitutionnalisme dans les Etats d'Afrique noire francophone, Paris, LGDJ, 1987, pp. 427-447, notamment p. 436.

* 431 Cf. ONDOA (M.), « Une résurrection : le régime parlementaire camerounais », AFSJP/UD, n° 2, juin-décembre 2002, pp. 6-42.

* 432 Cf. GUIMDO DONGMO (B.-R.), « La constitutionnalisation de la décentralisation au Cameroun », in MELONE (S.), MINKOA SHE (A.) et SINDJOUN (L.) (dir.), La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun. Aspects juridiques et politiques, op. cit., pp. 292-317.

* 433 L'« Institutionnalisation » du pouvoir doit être entendue ici dans le sens que lui donnent GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), c'est-à-dire comme le « processus par lequel le pouvoir est dissocié des individus qui l'exercent et incorporé dans l'institution étatique ». V. GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 257.

* 434 Selon NACH MBACK (Ch.) par exemple, « ...le Cameroun dispose aujourd'hui de la Constitution la plus mal rédigée de son histoire, et peut-être même de l'Afrique de ces dernières années. Certaines de ses dispositions sont pratiquement inapplicables, soit du fait de leur incohérence, soit du fait de leur caractère contradictoire par rapport à la version anglaise ». V. NACH MBACK (Ch.), « La seconde Chambre dans les nouveaux Parlements africains », op. cit., p. 133, en note de bas de page.

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