L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008( Télécharger le fichier original )par Jules Bertrand TAMO Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011 |
B - La distinction du pouvoir constituant dérivé des autres pouvoirsPour bien comprendre les termes de cette distinction, il faut au préalable avoir égard à l'origine du concept même de pouvoir constituant dérivé (1). Par la suite, la distinction proprement dite du pouvoir constituant dérivé des autres pouvoirs se fera en étapes à savoir d'abord la distinction du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé (2) et ensuite le rapport entre ce dernier et les autres pouvoirs constitués (3). 1 - Origine du concept de pouvoir constituant dérivé http://www.anayasa.gen.tr/pconstituant.htm - _ftn1 http://www.anayasa.gen.tr/pconstituant.htm - _ftn2 http://www.anayasa.gen.tr/pconstituant.htm - _ftn3 http://www.anayasa.gen.tr/pconstituant.htm - _ftn4 http://www.anayasa.gen.tr/pconstituant.htm - _ftn5 http://www.anayasa.gen.tr/pconstituant.htm - _ftn6http://www.anayasa.gen.tr/pconstituant.htm - _ftn11Le concept de pouvoir constituant dérivé, qui ne date que du 20è siècle, a une origine doctrinale. En effet, le concept de pouvoir constituant dérivé apparaît dans les travaux de trois auteurs publicistes. Ainsi http://www.anayasa.gen.tr/pconstituant.htm - _ftn12, nous trouvons pour la première fois chez CARRE de MALBERG, une distinction claire entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé10(*). D'abord, CARRE de MALBERG fait une distinction entre le pouvoir constituant dans l'établissement de la première Constitution de l'Etat et le pouvoir constituant dans l'Etat une fois formé . Selon lui, la question du pouvoir constituant dans l'établissement de la première Constitution de l'Etat n'est pas une question d'ordre juridique : « la formation initiale de l'Etat, comme aussi sa première organisation, ne peuvent être considérées que comme un pur fait, qui n'est susceptible d'être classé dans aucune catégorie juridique, car ce fait n'est point gouverné par des principes de droit »11(*) . En revanche selon CARRE de MALBERG, le pouvoir constituant dans l'Etat une fois formé est un pouvoir d'ordre juridique et il peut être étudié comme un organe de l'Etat. Ensuite, CARRE de MALBERG divise le pouvoir constituant en deux, selon les circonstances dans lesquelles le pouvoir constituant est appelé à s'exercer , à savoir le pouvoir constituant exercé dans les circonstances révolutionnaires et le pouvoir constituant exercé dans les circonstances paisibles, régulières et juridiques . Le premier type de pouvoir constituant s'exerce en dehors du droit établi par la Constitution en vigueur . Car, à la suite d'un bouleversement politique résultant d'une révolution ou d'un coup d'Etat, il n'y a plus ni principes juridiques, ni règles constitutionnelles : on ne se trouve plus ici sur le terrain du droit, mais en présence de la force. « Dans toutes ces circonstances, affirme-t-il, la Constitution nouvelle ne sera point confectionnée selon la procédure, le mode constituant et les formes, qui avaient été prévus et prescrits pas sa devancière. Celle-ci ayant été radicalement détruite par l'effet même du coup d'Etat ou de la révolution, il ne reste plus rien d'elle ; et par suite, elle ne peut plus fournir d'organes pour la confection de la Constitution future... Ainsi, entre la Constitution ancienne, dont il a été fait table rase, et la Constitution nouvelle, qui reste à faire de toutes pièces, il n'existe pas de lien juridique ; mais il y a, au contraire, entre elles une solution de continuité, un interrègne constitutionnel, un intervalle de crise » 12(*) . En revanche, d'après CARRE de MALBERG, dans les circonstances paisibles , la situation est toute autre. En effet, si l'on fait abstraction des révolutions et des coups d'Etat , la révision constitutionnelle devra s'opérer suivant les règles fixées par la Constitution . Selon lui, quand il y aura lieu de réviser la Constitution, il ne sera nullement nécessaire de procéder à une révolution ; mais il suffira de faire intervenir les organes que la Constitution elle-même a fixés à cet effet . Ainsi, CARRE de MALBERG conclut que cet exercice du pouvoir constituant rentre purement et simplement dans le cadre de la théorie générale et normale de l'organe d'Etat 13(*). Toutefois, même si CARRE de MALBERG est le principal explorateur de la distinction du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé, il ne lui appartient pas la dénomination de ces deux pouvoirs constituants. En effet, on ne voit pas chez CARRE de MALBERG d'effort pour donner des noms différents à ces deux pouvoirs constituants14(*). Georges BURDEAU , disciple de CARRE de MALBERG, dans sa thèse de doctorat soutenue en 1930, avait souligné qu'il faut établir une distinction entre ces deux pouvoirs constituants . Georges BURDEAU constate que la doctrine traditionnelle, sous le terme unique de pouvoir constituant, englobe deux notions tout à fait différentes . Il les appelle le pouvoir constituant stricto sensu et le pouvoir de révision . Le pouvoir constituant stricto sensu est « celui qui établit la première Constitution »15(*) . Selon cet auteur, c'est un pouvoir de fait qui, par conséquent, est extérieur au droit . Il existe après tous les mouvements révolutionnaires . Par contre, selon lui, le pouvoir de révision est le pouvoir dont un organe est statutairement investi pour modifier ou remplacer la règle fondamentale qui est au sommet du système des normes étatiques . Comme CARRE de MALBERG, Georges BURDEAU affirme aussi que l'examen du pouvoir constituant stricto sensu échappe totalement à l'analyse juridique . Pourtant, si comme on le voit, Georges BURDEAU a exprimé de la façon la plus claire la distinction entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant dérivé, il n'est pas le parrain des ces appellations. C'est en effet à Roger BONNARD qu'appartient la dénomination de ces deux pouvoirs constituants. Dans un article publié dans la Revue du droit public en 1942 , il a consacré la distinction entre ces deux pouvoirs constituants sous la double appellation de pouvoir constituant originaire et de pouvoir constituant institué16(*) . Selon l'auteur, le pouvoir constituant originaire est « un pouvoir existant en dehors de toute habilitation constitutionnelle »17(*) . Par contre, le pouvoir constituant institué est celui qui existe « en vertu d'une Constitution et qui a été établi pour venir, le cas échéant »18(*) . Ainsi le pouvoir constituant institué suppose une Constitution en vigueur, à la différence du pouvoir constituant originaire qui existe en dehors de toute Constitution . Cette distinction est reprise d'abord par Guy HERAUD dans sa thèse de doctorat soutenue en 1945 . Cependant il appelle le pouvoir constituant originaire directement le « pouvoir originaire »19(*) . Reprenant cette distinction entre le pouvoir constituant originaire et le pouvoir constituant institué, Georges VEDEL préfère le qualificatif « dérivé » à la place de celui d'« institué » et parle même plus de « pouvoir dérivé »20(*) . * 10 Cf. GOZLER (K.), Le pouvoir constituant, éd., EKIN KITABEVI, BURSA, 1999, disponible sur http://www.anyasa.gen.tr/pconstituant.htm, 120 p. (7 novembre 2009). * 11 Ibid. * 12 Ibid. * 13 Comme on le voit, CARRE de MALBERG distingue les deux types de pouvoirs constituants. L'un s'exerce dans les circonstances révolutionnaires, l'autre dans le cadre d'une Constitution en vigueur. Cette distinction correspond à celle du pouvoir constituant originaire et du pouvoir constituant dérivé. Cependant, CARRE de MALBERG n'emploie pas les expressions « pouvoir constituant originaire » et « pouvoir constituant dérivé (ou institué) » ; d'ailleurs, il ne donne pas même d'appellations univoques à ces deux pouvoirs qu'il a explorés. A propos du phénomène que l'on appelle aujourd'hui le « pouvoir constituant originaire », il parle de la « formation initiale de l'Etat » , de l'exercice du pouvoir constituant « dans les circonstances révolutionnaires » ou « en dehors du droit établi par la Constitution en vigueur » , etc. Egalement à propos de ce que l'on appelle aujourd'hui le « pouvoir constituant dérivé ou institué », il parle de « l'exercice du pouvoir constituant dans l'Etat une fois formé » , de l'exercice du pouvoir constituant « dans les collectivités érigées en Etats » , du pouvoir constituant « mis en oeuvre par les organes même que la Constitution assigne à cet effet » ; des « organes de l'Etat appelés à exercer la fonction constituante » ; du pouvoir constituant présentant « le caractère juridique d'organes étatiques » ; du pouvoir constituant exercé « dans les circonstances paisibles » ; l'exercice du pouvoir constituant rentrant « dans le cadre de la théorie de l'organe d'Etat » , etc . V. à ce propos GOZLER (K.), Le pouvoir constituant, op. cit. * 14 C'est l'avis de GOZLER (K.), Le pouvoir constituant, op. cit. * 15 Ibid. * 16 Cf. BEAUD (O.), La puissance de l'Etat, Paris, PUF, Léviathan, 1994, p. 314. * 17 Cité par BEAUD (O.), La puissance de l'Etat, op. cit., p. 314. * 18 Ibid. * 19 Cf. GOZLER (K.), Le pouvoir constituant, op. cit. * 20 Cité par BEAUD (O.), La puissance de l'Etat, op. cit., p. 314. |
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