L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008( Télécharger le fichier original )par Jules Bertrand TAMO Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011 |
B - La configuration pluraliste du ParlementParler de la configuration pluraliste du Parlement revient à examiner deux points caractéristiques du tout premier Parlement démocratique du Cameroun de la décennie 90 : il s'agit de la majorité (1) et de l'opposition parlementaires (2). 1 - La majoritéLa majorité peut être entendue comme « Parti ou coalition de partis détenant la majorité des sièges du Parlement et servant d'appui au Gouvernement en régime parlementaire »221(*). Ainsi comprise, la majorité renvoie aux partis voire à un ensemble de partis qui partagent les mêmes vues que le Gouvernement. A l'issue des élections législatives de 1992, le RDPC est le parti politique ayant obtenu le plus de sièges à l'Assemblée nationale sans qu'il ne s'agisse cependant de la majorité absolue. Avec 88 sièges seulement sur les 180 sièges prévus, il se situait à trois sièges de la majorité absolue qui lui aurait permis de garder un pouvoir de dernier mot dans la procédure législative ou de révision constitutionnelle. Certains auteurs ont perçu ce scrutin comme un vote-sanction, arguant que les partis qui s'étaient présentés sous la bannière de l'opposition avaient obtenu ensemble plus de sièges que le parti du Chef de l'Etat222(*). Et n'eut été le refus du MDR de coaliser avec les autres partis d'opposition présents au Parlement, le RDPC aurait eu tous les problèmes du monde à former un Gouvernement. Pourtant, rien ne prédestinait ce jeune parti politique à jouer un rôle déterminant de nature à bouleverser les équilibres sortis directement des urnes. En effet, ne disposant que 6 députés dans un Parlement qui en compte 180, d'aucuns diraient que sa moisson n'était pas abondante. Mais, c'est négliger le rôle d'arbitre que devait jouer ce parti dans les tractations qui alimentent la vie de tout Parlement pluraliste. C'est ainsi que grâce à l'appui du MDR, le RDPC au pouvoir avait pu former un Gouvernement le 9 avril 1992, coiffant ainsi au poteau ses suivants immédiats l'UNDP et l'UPC. Est-il besoin de rappeler que les 88 sièges remportés par l'ex-parti unique ne lui permettaient pas d'avoir la majorité absolue, c'est-à-dire d'avoir au moins 91 députés sur les 180 que compte l'Assemblée nationale ? La formation d'un Gouvernement apparaissait alors comme un véritable casse-tête. En acceptant de faire partie de la majorité présidentielle, le MDR avait tiré le RDPC de l'embarras223(*). Bien avant la formation du Gouvernement, le MDR était entré en force au Bureau de l'Assemblée où il obtint un poste de vice-président, un secrétaire et un questeur224(*). Le MDR et le RDPC avaient constitué à eux deux le premier Bureau de l'Assemblée nationale pluraliste. Comme on le voit, la formation politique au pouvoir était, dès les premières élections de l'ère du pluralisme politique, bousculée dans sa position de monopole exclusif qu'elle avait occupé jusque-là tant sur l'échiquier politique national qu'à l'Assemblée nationale. Le RDPC payait certes le prix électoral des difficultés économiques et sociales éprouvées par les déflatés des programmes d'ajustement structurel. Mais au-delà de ce constat classique qui s'applique à tous les partis défendant un bilan gouvernemental, s'ajoutait un phénomène, tout aussi classique d'essoufflement. Aux affaires depuis 1973, l'ex-parti unique souffre d'un déficit d'image, de discours et de crises internes. Ce dernier n'a pas su changer profondément la culture politique d'un parti naguère solitaire et qui, désormais est sommé de s'adapter au nouveau contexte pluraliste et donc concurrentiel. Le thème de la « démocratisation interne du parti » brandi par le président Paul BIYA et président national de ce parti ne s'est pas accompagné d'un appel d'air qui aurait, entre autres, attiré vers le parti davantage de représentants de la société civile. Parallèlement à ce succès en demi-teinte de l'ex-parti unique, les partis d'opposition font une entrée triomphale à l'Assemblée nationale. * 221 Cf. GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 289. * 222 Cf. ONANA (H. F.), Les transitions démocratiques en Afrique : le cas du Cameroun, op. cit., p. 65. * 223 La récompense n'a pas tardé à venir car le leader du MDR est entré au gouvernement, le 9 avril 1992 comme ministre d'Etat. Il est d'ailleurs l'unique ministre d'Etat que compte l'équipe gouvernementale formée au lendemain des législatives de 1992, son parti ayant obtenu trois autres portes-feuilles. V. à ce sujet. ONANA (H. F.), les transitions démocratiques en Afrique : le cas du Cameroun, op. cit., pp. 96-97. * 224 Cf. ONANA (H. F.), Les transitions démocratiques en Afrique : le cas du Cameroun, op. cit., p. 96. |
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