L'assemblée nationale comme pouvoir constituant dérivé au Cameroun entre 1990 et 2008( Télécharger le fichier original )par Jules Bertrand TAMO Université de Dschang Cameroun - Master de droit public 2011 |
§2 : LES POUVOIRS DE L'ASSEMBLEE NATIONALE« Un pouvoir, pour le juriste, s'adosse toujours à une compétence : sa nature, son étendue et les modalités de son exercice sont déterminées par une règle antérieure, de telle sorte que l'on peut le considérer comme une force domestiquée par le droit et, par conséquent, docile à l'analyse juridique »102(*). Et la Constitution détermine en même temps que l'autorité chargée de la révision à savoir l'Assemblée nationale ou le peuple intervenant par voie référendaire, l'étendue de ses pouvoirs en ce domaine. C'est ainsi que la compétence pour réviser la Constitution est strictement définie par le Titre IX de la Constitution du 2 juin 1972103(*). Il y ressort que le constituant fait une distinction entre le pouvoir d'initiative (A) et le pouvoir d'adoption définitive de la révision (B). A - Le pouvoir d'initiativeA la différence du pouvoir d'adoption qui, exception faite de la voie référendaire de révision, revient exclusivement aux parlementaires seuls d'exercer, ces derniers n'ont pas le monopole de l'initiative en matière de révision constitutionnelle. En effet, le pouvoir de proposer une révision de la Constitution est partagé entre le président de la République et les parlementaires. A cette limitation relative aux autorités titulaires du pouvoir d'initiative de la révision constitutionnelle (1), s'ajoutent deux autres non moins importantes tenant au moment (2) et à l'objet de la révision (3). 1 - Les titulaires du droit d'initiativeL'article 36 de la Constitution du 2 juin 1972 dispose clairement que « L'initiative de la révision de la présente Constitution appartient concurremment au président de la République et à l'Assemblée nationale... ». Il en résulte que le constituant a réservé le droit de proposer une révision constitutionnelle à deux catégories de personnes à savoir le président de la République (a) et les membres de l'Assemblée nationale (b). a - Le président de la RépubliqueA l'instar de sa devancière du 4 mars 1960 amplement révisée par la loi constitutionnelle de 1961, la Constitution de 1972 reconnaît au président de la République le droit d'initiative en matière de révision constitutionnelle. Mais contrairement à celle-ci, la Constitution de 1960 subordonnait l'initiative présidentielle à une formalité particulière relative à l'avis du Conseil des ministres. C'est le sens de l'article 49 qui disposait que « L'initiative de la révision de la présente Constitution appartient concurremment au président de la République, le Conseil des ministres entendu... ». Cette exigence sera supprimée par la loi constitutionnelle du 1er septembre 1961 ainsi que par la Constitution de 1972, laissant ainsi au président de la République la latitude de déclencher une procédure de révision constitutionnelle sans avoir à procéder à la demande d'un quelconque avis. Cette compétence reconnue au président de la République est également légitimée par la doctrine. Le Professeur Philippe ARDENT justifie aisément cette confiance dont jouit le président de la République en cette matière lorsqu'il écrit : « N'a-t-il pas une vue d'ensemble sur le fonctionnement des institutions et n'est-il pas ainsi le plus en mesure d'être à l'origine des améliorations nécessaires ?»104(*). Cette solution se justifie davantage par la place prépondérante du président de la République dans le système politique camerounais et surtout par son rôle de garant de la Constitution. La tradition constitutionnelle camerounaise est ainsi très favorable à l'initiative présidentielle en matière de révision constitutionnelle et toutes ses initiatives en ce domaine ont été adoptées tantôt par le peuple par voie référendaire105(*), tantôt par l'Assemblée nationale. En réalité, ce succès des projets de révision dû au monopole de fait du président de la République en matière constitutionnelle, était en plus favorisé par l'instauration, dès 1966 au Cameroun, d'un monopartisme de fait. Il en résultait en pratique que le président de la République pouvait sans crainte majeure soumettre ses projets de révision à l'Assemblée nationale dans laquelle siégeaient exclusivement les députés partageant les mêmes opinions politiques que lui. * 102 Cf. BURDEAU (G.), Traité de science politique, op. cit., p. 181. * 103 Il sera question ici, suivant le cadre temporel de cette première partie, de s'appesantir sur les dispositions de la Constitution dans sa version antérieure à la révision intervenue le 18 janvier 1996. Mais, nous reviendrons sur les innovations intervenues en 1996 dans la deuxième partie de cette étude. * 104 Cf. ARDENT (Ph.), Institutions politiques et droit constitutionnel, 11è éd., Paris, LGDJ, 1999, p. 81. * 105 La révision constitutionnelle du 10 novembre 1969. V. l'introduction ci-dessus. |
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