Justice politique et prévention des conflits dans les sociétés pluriethniques: cas de la politique de l'équilibre régional au Cameroun.( Télécharger le fichier original )par Alain Patrick YODOU SIBEUDEU Université catholique d'Afrique centrale - Master II en sciences sociales, option: gouvernance et actions publiques 2011 |
V. 3- La théorie de l'égalité différenciéeNotre préoccupation de départ est abordée par cette théorie sous l'angle du devoir de l'État vis-à-vis de l'individu. Le problème dominant ici est celui du traitement différent des citoyens ou non par l'état. Ce problème connaît dans la théorie politique contemporaine la réflexion des auteurs tel le philosophe américain juriste Dworkin qui, en se servant des éléments factuels de la société multiraciale américaine, construit sa vision du droit. Selon lui, au-delà des règles12(*), il existe un certain nombre de principes qui possèdent eux aussi un caractère juridique. C'est dire que le droit se compose non seulement de règles précises, mais aussi de standards généraux qui permettent au juge et au plaideur de remédier aux incertitudes et aux lacunes de la loi proprement dite. D'où, estime-t-il, la nécessiter de procéder par la voie de l'interprétation. À ses yeux, tout problème concret auquel la loi n'apporte pas de solution précise peut être tranché grâce à une interprétation correcte, non seulement des mots de la loi, mais aussi et surtout d'un ensemble de pratiques sociales, de valeurs et de croyances qui sont à la base du système de solutions juridiques. Cette interprétation réside en un principe qui est le principe du droit de chaque citoyen à « être traité comme un égal », qui est le droit non pas de recevoir la même quantité d'une charge ou d'un profit, mais celui d'être traité avec le même respect et la même attention que qui que ce soit d'autre13(*). C'est également ce devoir de l'État en vers les individus qui intéresse Mbonda. En s'appuyant sur Dworkin, il soutient que l'on peut admettre dans certaines situations qu'une politique défavorise certains individus (ou groupes) pour en soutenir d'autres, à condition qu'elle ait pour objectif de réaliser l'idéal d'égale attention due à tous les citoyens (et à tous les groupes). C'est pourquoi la conviction juridique, c'est-à-dire « le droit à l'égalité », peut être limitée au nom de l'équité, qui, elle, est entendue ici comme le « droit de chaque citoyen d'être traité comme un égal ». D'où la justesse, dit-il, d'une politique qui fixe pour chaque région les pourcentages des biens et charges sociaux devant leur revenir, et qui veut assurer une certaine représentativité des régions ou même des ethnies dans le gouvernement et les plus hautes fonctions de l'État14(*). C'est ce qu'il appelle la « justice ethnique »; justice qui, dans le principe, est une politique juste du point de vue du droit et efficace du point de vue de la politique de la sauvegarde de la paix. En somme, la théorie politique contemporaine laisse entrevoir un espace de prise en charge politique des identités culturelles. Cet espace fournit des références comme le respect des droits individuels, la reconnaissance des droits culturels, la prise en compte des différences pour le maintien d'un lien social et politique solide entre les individus et entre les groupes coexistant dans la même société. Il connaît trois approches dont le multiculturalisme, le communautarisme et la pensée de l'égalité différenciée. La première approche atteint sa fin en prônant la reconnaissance de l'identité culturelle des citoyens par l'État, la seconde exige la reconnaissance publique des communautés humaines pendant que la troisième opte pour un traitement différent des groupes au sein de la société politique. L'analyse des imbrications de ces différentes tendances dans la production des représentations nationales constitue indubitablement un effort intellectuel indispensable à la compréhension d'une organisation des sociétés contemporaines orientée vers la prévention des conflits de ce nouveau type. D'où la considération de l'émergence de nouveaux nationalismes et des minorités : grâce à l'arrivée de la démocratie, et du rôle de l'État face à ces réalités sociales, comme les grands axes de notre problématique. * 12 Qui se résument au droit à un traitement égal qui est le droit à une répartition égale de chances, de ressources ou charges. * 13 Ronald Dworkin, Prendre les Droits au sérieux, Paris, PUF, 1995, P. 332. * 14 (Cf. Mbonda, Justice ethnique Identités ethniques, reconnaissance et représentation politique, PUL, Collection Mercure du Nord/Verbatim, 2010, p. 80. |
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