Justice politique et prévention des conflits dans les sociétés pluriethniques: cas de la politique de l'équilibre régional au Cameroun.( Télécharger le fichier original )par Alain Patrick YODOU SIBEUDEU Université catholique d'Afrique centrale - Master II en sciences sociales, option: gouvernance et actions publiques 2011 |
V. 2- Le courant communautarienDéveloppée aux Etats-Unis et au Canada depuis la fin des années soixante-dix, le communautarisme propose, contre les excès et les manifestations triviales de l'individualisme libéral, la reconstruction du lien social sur le modèle du lien intercommunautaire. La notion de dignité égale est comprise ici comme respect des différences et des identités collectives qui constituent un État. La reconnaissance ne renvoie pas à ce par quoi tous les individus se ressemblent (identité de dignité égale et universelle), mais au fait non moins universel d'avoir chacun une identité propre et d'être situé dans une culture particulière. Ici, l'idéal de non discrimination est interprété comme requérant la prise en compte des distinctions ou des différences entre individus comme entre les groupes. Rien n'empêche dès lors qu'une société libérale intègre des desseins collectifs et promeuve certaines formes de vie, sans devoir manquer de respect et de considération à l'égard de ceux qui ne partagent pas les mêmes desseins : Une société dotée de puissants desseins collectifs peut être libérale, pourvu qu'elle soit capable de respecter la diversité - spécialement lorsqu'elle traite ceux qui ne partagent pas ces visées communes - et pourvu aussi qu'elle puisse offrir des sauvegardes adéquates pour les droits fondamentaux C'est ce qui amène Taylor, l'un des principaux tenants de ce courant, à retenir, autant que Kymlicka, les mêmes restrictions : à condition de garantir les mêmes droits fondamentaux pour tous (droit à la vie, à la liberté de pensée et d'expression, à la liberté de religion...), une société peut promouvoir des exigences collectives sans pour autant cesser d'être libérale. C'est ce qui le conduit à l'adoption d'un libéralisme dit « hospitalier » aux différences, dans lequel les droits fondamentaux étant préservés, des formes particulières de culture peuvent avoir droit de cité en bénéficiant de garanties publiques. « Reconnaître ces identités affirme-t-il, n'est pas une politesse qu'on fait aux gens, mais un droit humain fondamental11(*). » Ainsi que nous le renseignent les deux courants de pensée ci-dessus mentionnés, c'est donc sans doute beaucoup plus au niveau des stratégies politiques qu'au niveau des principes que s'opposent les théoriciens de la société multiculturelle. En fait, la notion de droits collectifs n'exprime pas forcément une philosophie communautarienne, et rien n'empêche qu'une théorie qui prend pour point de départ les intérêts individuels intègre des droits collectifs comme étant impliqués par ce principe du respect des droits individuels. Dans leur critique de la notion de droits collectifs développée par Kymlicka, Mesure et Renaut mettent bien l'accent sur ces difficultés pratiques. * 11 (Cf.) Taylor, Idem, p. 42. |
|