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Justice politique et prévention des conflits dans les sociétés pluriethniques: cas de la politique de l'équilibre régional au Cameroun.

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par Alain Patrick YODOU SIBEUDEU
Université catholique d'Afrique centrale - Master II en sciences sociales, option: gouvernance et actions publiques 2011
  

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II. 2- La menace sécessionniste

Au Cameroun, la menace sécessionniste concerne la question de la minorité anglophone qui remonte à 1961, date de la naissance du condominium franco-anglais. Les élites politiques des deux territoires avec des legs coloniaux différents : l'un français et l'autre britannique s'accordent en effet à cette date pour la formation d'un Etat fédéral. Cependant, le fédéralisme, estiment la partie anglophone, n'a pas permis une parité stricte pour ce qui concerne leur héritage culturel et ce qu'ils considèrent comme leur identité d'anglophone33(*).

Les responsables des mouvements anglophones décrient la francophonisation de leurs peuples qui se manifeste sur les plans économique et politique. Au plan économique, ils soulignent l'imposition à la zone anglophone du franc CFA comme monnaie nationale au détriment de la livre sterling ; l'attribution de l'exploitation des gisements du rio del Rey et de Lokele et Mundi à la société française Elf y est également relevée dans le but de faire comprendre que la politique économique est menée en dehors des Etats fédérés34(*). Sur le plan politique, ils font grief de la suppression en février 1984 de l'adjectif « unie » accolé au nom du pays qui devint, dès lors, la « République du Cameroun ». Ce qui constitue, considèrent-ils, l'acte final du processus d'annihilation historique de leur identité particulière. D'où la montée des revendications sécessionnistes qui mettent au point des scénarios catastrophe leur permettant de se faire entendre35(*). Ils se réfèrent alors à l'appellation Southern Cameroon en prétendant que l'Union entre les deux parties du Cameroun ne repose sur aucune base constitutionnelle, la procédure de révision de la Constitution fédérale n'ayant pas été respectée par Ahidjo, si bien que le Cameroun anglophone se trouverait toujours sous tutelle36(*).

Avec l'ouverture du débat national sur la réforme constitutionnelle annoncée le 25 mars 1993, les élites et associations anglophones se mettent tous ensemble en avril de la même année au sein d'un même groupe de pression : l'AAC. Ce groupe politique avait pour but d'adopter une position anglophone commune au sujet de la réforme constitutionnelle et d'étudier des questions relatives à leur développement social. Il va en ressortir la Ière Déclaration de Buéa qui expose les nombreuses doléances des anglophones au, sujet de la domination francophone et en appelle à un retour de l'état fédéral37(*). L'ASC et le SCPC, regroupements nés des cendres de l'AAC, se lancent communément, pour cette cause du retour à l'état fédéral ou de la création du Southern Cameroon indépendant, dans une offensive diplomatique avec la participation de John Ngu Foncha et de Salomon Tandeng Muna afin de pouvoir bénéficier de soutiens internationaux au sein de l'ONU et du Commonwealth. C'est ce qui va aboutir suite au refus de Yaoundé de discuter de leurs propositions, à la proclamation de l'indépendance du Southern Cameroon le 3 décembre 1993 par le CAM. Position entérinée par la deuxième conférence anglophone organisée à Bamenda du 29 avril au 2 mai 1994. Ils brandissent à cet effet, la résolution 224-III de l'ONU, en date du 18 novembre 1948 selon laquelle : « Aucun Etat voisin ne peut annexer le Cameroun méridional. »

C'est dans ce contexte que vont alors suivre les activités politiques de ceux qui se réclament de l'état du Cameroun méridional. État virtuel présidé par M. Justice Frederick Ebong Alobwede sous la bannière du mouvement autonomiste SCNC qui exige dans sa bataille, au moins le retour à l'état fédéral38(*). La répression du gouvernement aboutit le 1er octobre 2000, date de la réunification du Cameroun, aux violents affrontements entre l'armée et les sécessionnistes anglophones du nord-ouest Cameroun qui avaient envahi les rues des villes de Bamenda et de Kumbo pour célébrer l'indépendance d'une hypothétique République fédérale du Southern Cameroon ou république Mbazonie. Le même motif avait déjà amené le 30 décembre 1999 des séparatistes à s'emparer des locaux de la télévision nationale à Buéa, capitale provinciale du sud ouest Cameroun, pour proclamer sur les ondes l'indépendance de leur région. C'est toujours dans cet ordre que le 08 janvier 2000, le drapeau indépendantiste fut symboliquement hissé à Limbé, sur le littoral de la région du Sud-Ouest Cameroun39(*). Ce qui fait comprendre que la pression de la minorité anglophone constituée en séparatistes, croît de plus en plus au Cameroun.

Tous ces faits sociaux démontrent à souhait que le Cameroun est traversé par des tensions ethniques d'ordres divers. Gouverner cet état exige nécessairement la mise sur pied des mécanismes de satisfaction des demandes légitimes de toutes les sensibilités ethniques représentées ici. Faute de quoi le pays risque une implosion sociale. D'où l'intérêt porté dans cette analyse aux éléments fondationnels, c'est-à-dire à la théorie politique et normative développées autour du pluralisme socioculturel.

* 33 (Cf.) Konings, « Le problème anglophone au Cameroun dans les années 1990 », https://openaccess.leidenuniv.nl/.../1996_le_probleme.pdf, (Consulté le 10-février 2011), p. 3.

* 34 (Cf.) KONINGS, Idem, p. 5.

* 35 (Cf.) Aboya, « Menaces sécessionnistes sur l'État camerounais », www.monde-diplomatique.fr/...MANASSE/17281, (Consulté le 29-février 2011).

* 36 (Cf.) Konings, Op.Cit., p. 7.

* 37 (Cf.) ABOYA, Idem.

* 38 (Cf.) Konings, Op.Cit., p. 7.

* 39 (Cf.) ABOYA, Ibid.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille